Page images
PDF
EPUB

UN FRIPON N'A QU'À SE BATTRE POUR CESSER D'ÊTRE FRIPON.-J. J. Rousseau.

[ocr errors]
[ocr errors]

Pr. 17.—AIDE-TOI, LE CIEL T'AIDERA.

LA CHAUMIÈRE INDIENNE.

[ocr errors]
[ocr errors]

11

repartit le paria; "mais ma femme croit que c'est parce que le dieu Brama se mit un jour à l'abri sous son feuillage : pour moi, je pense que Dieu, dans ces climats orageux, ayant donné au figuier des banians un feuillage fort épais et des arcades, pour y mettre les hommes à l'abri de l'orage, il ne permet pas qu'ils y soient atteints du tonnerre.' Votre réponse est bien religieuse," repartit le docteur. "Ainsi c'est votre confiance en Dieu qui vous tranquillise. La conscience rassure mieux que la science. Dites-moi, je vous prie, de quelle secte vous êtes; car vous n'êtes d'aucune de celles des Indes, puisqu'aucun Indien ne veut communiquer avec vous. Dans la liste des castes savantes que je devais consulter sur ma route, je n'y ai point trouvé celle des parias. Dans quel canton de l'Inde est votre pagode?" Partout," répondit le paria : ma pagode, c'est la nature; j'adore son Auteur au lever du soleil, et je le bénis à son coucher. Instruit par le malheur, jamais je ne refuse mon secours à un plus malheureux que moi. Je tâche de rendre heureux ma femme, mon enfant, et même mon chat et mon chien. J'attends la mort à la fin de ma vie, comme un doux sommeil à la fin du jour."-" Dans quel livre avezvous puisé ces principes ?" demanda le docteur.-" Dans la nature," répondit l'Indien; "je n'en connais pas d'autre." "Ah! c'est un grand livre," dit l'Anglais; mais qui vous a appris à y lire ?"—" Le malheur," reprit le paria: "étant d'une caste réputée infâme dans mon pays, ne pouvant être Indien, je me suis fait homme; repoussé par la société, je me suis réfugié dans la nature."- -"Mais dans votre solitude vous avez au moins quelques livres ?" reprit le docteur." Pas un seul," dit le paria: Je ne sais même ni lire ni écrire."-" Vous vous êtes épargné bien des doutes," dit le docteur en se frottant le front." Pour moi, j'ai été envoyé d'Angleterre, ma patrie, pour chercher la vérité chez les savants de quantité de nations, afin d'éclairer les hommes et de les rendre plus heureux; mais, après bien des recherches vaines, et des disputes fort graves, j'ai conclu que la recherche de la vérité était une folie, parceque, quand on la trouverait, on ne saurait à qui la dire sans se faire beaucoup d'ennemis. Parlez-moi sincèrement, ne pensezvous pas comme moi ?"—" Quoique je ne sois qu'un ignorant," répondit le paria, "puisque vous me permettez de

66

Pr. 18.-CHAQUE ÂGE A SES PLAISIRS, SON ESPRIT, ET SES MOURS.

UNE COQUETTE PEUT BIEN ÊTRE VERTUEUSE; MAIS ELLE N'EST JAMAIS INNOCENTE.--Mme. Cottin.

LES ROIS SONT COMME DES COQUETTES; LEURS REGARDS FONT DES JALOUX.-Voltaire.

12

Pr. 19.-DISPUTER SUR LA POINTE D'UNE AIGUILLE.

LA CHAUMIÈRE INDIENNE.

dire mon avis, je pense que tout homme est obligé de chercher la vérité pour son propre bonheur; autrement, il sera avare, ambitieux, superstitieux, méchant, anthropophage même, suivant les préjugés ou les intérêts de ceux qui l'auront élevé."

[ocr errors]

Le docteur, qui pensait toujours aux trois questions qu'il avait proposées au chef des pandects, fut ravi de la réponse du paria. Puisque vous croyez,” lui dit-il, “que tout homme est obligé de chercher la vérité, dites-moi donc d'abord de quel moyen on doit se servir pour la trouver; car nos sens nous trompent, et notre raison nous égare encore davantage. La raison diffère presque chez tous les hommes; elle n'est, je crois, au fond, que l'intérêt particulier de chacun d'eux: voilà pourquoi elle est si variable par toute la terre. Il n'y a pas deux religions, deux nations, deux tribus, deux familles, que dis-je ? il n'y a pas deux hommes qui pensent de la même manière. Avec quel sens donc doit-on chercher la vérité, si celui de l'intelligence n'y peut servir?"-" Je crois," répondit le paria, "que c'est avec un cœur simple. Les sens et l'esprit peuvent se tromper; mais un cœur simple, encore qu'il puisse être trompé, ne trompe jamais."

"Votre réponse est profonde," dit le docteur. "Il faut d'abord chercher la vérité avec son cœur, et non avec son esprit. Les hommes sentent tous de la même manière, et ils raisonnent différemment, parce que les principes de la vérité sont dans la nature, et que les conséquences qu'ils en tirent sont dans leurs intérêts. C'est donc avec un cœur simple qu'on doit chercher la vérité; car un cœur simple n'a jamais feint d'entendre ce qu'il n'entendait pas, et de croire ce qu'il ne croyait pas. Il n'aide point à se tromper, ni à tromper ensuite les autres: ainsi un cœur simple, loin d'être faible comme ceux de la plupart des hommes séduits par leurs intérêts, est fort, et tel qu'il convient pour chercher la vérité et pour la garder." "Vous avez développé mon idée bien mieux que je n'aurais fait," reprit le paria. La vérité est comme la rosée du ciel; pour la conserver pure, il faut la recueillir dans un vase pur."

[ocr errors]

"C'est fort bien dit, homme sincère," reprit l'Anglais; "mais le plus difficile reste à trouver. Où faut-il chercher la vérité? Un cœur simple dépend de nous, mais la vérite

Pr. 20.-DE FIL BN AIGUILLE.

LES FEMMES N'ONT PAS DE PLUS CRUELLES ENNEMIES QUE LES FEMMES.-Duclos.

Pr. 23.—TRAITER LES AFFAIRES EN COMMENÇANT PAR ARGUS ET FINISSANT PAR BRIARÉE.

Pr. 21.-JE N'EN DONNERAIS PAS UN FER D'AIGUILLETTE.

[blocks in formation]

dépend des autres hommes. Où la trouvera-t-on, si ceux qui nous environnent sont séduits par leurs préjugés, ou corrompus par leurs intérêts, comme ils le sont pour la plupart? J'ai voyagé chez beaucoup de peuples; j'ai fouillé leurs bibliothèques, j'ai consulté leurs docteurs, et je n'ai trouvé partout que contradictions, doutes, et opinions mille fois plus variés que leurs langages. Si donc on ne trouve pas la vérité dans les plus célèbres dépôts des connaissances humaines, où faudra-t-il l'aller chercher ? à quoi servira d'avoir un cœur simple parmi des hommes qui ont l'esprit faux et le cœur corrompu ?"-" La vérité me serait suspecte," répondit le paria, "si elle ne venait à moi que par le moyen des hommes: ce n'est point parmi eux qu'il faut la chercher, c'est dans la nature. La nature est la source de tout ce qui existe; son langage n'est point inintelligible et variable, comme celui des hommes et de leurs livres. Les hommes font des livres, mais la nature fait des Fonder la vérité sur un livre, c'est comme si on la fondait sur un tableau, ou sur une statue, qui ne peut intéresser qu'un pays, et que le temps altère chaque jour. Tout livre est l'art d'un homme, mais la nature est l'art de Dieu."

choses.

genre

Les

"Fort bien," dit l'Anglais; "mais vous conviendrez que les vérités morales sont nécessaires au bonheur du humain. Comment donc les trouver dans la nature ? animaux s'y font la guerre, s'entre-tuent et se dévorent; les éléments mêmes combattent contre les éléments: les hommes en agiront-ils de même entre eux ?"-" Oh! non," répondit le bon paria ; "mais chaque homme trouvera la règle de sa conduite dans son propre cœur, si son cœur est simple. La nature y a mis cette loi : Ne faites pas aux autres ce que vous ne voudriez pas que les autres vous fissent."—" Il est vrai," reprit le docteur, elle a réglé les intérêts du genre humain sur les nôtres ; mais les vérités religieuses, comment les découvrira-t-on parmi tant de traditions et de cultes qui divisent les nations?"- -"Dans la nature même," répondit le paria; 'si nous la considérons avec un cœur simple, nous y verrons Dieu dans sa puissance, son intelligence, et sa bonté; et comme nous sommes faibles, ignorants, et misérables, en voilà assez pour nous engager à l'adorer, à le prier, et à l'aimer toute notre vie sans disputer."

[ocr errors]
[ocr errors]

Pr. 22.-TIRER PIED OU AILE.

TOUT ACTEUR QUI N'EST PAS NÉCESSAIRE GÂTE LES PLUS GRANDES BEAUTÉS.-Voltaire.

LE TEMPS EST PRÉCIEUX QUAND ON CRAINT UN RIVAL.-Destouches.

[merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small]

nant, dites-moi, quand on a découvert une vérité, faut-il en faire part aux autres hommes? Si vous la publiez, vous serez persécuté par une infinité de gens qui vivent de l'erreur contraire, en assurant que cette erreur même est la vérité, et que tout ce qui tend à la détruire est l'erreur ellemême.”—“ Il faut," répondit le paria, “dire la vérité aux hommes qui ont le cœur simple, c'est-à-dire aux gens de bien qui la cherchent, et non aux méchants qui la repoussent. La vérité est une perle fine, et le méchant un crocodile qui ne peut la mettre à ses oreilles, parce qu'il n'en a pas. Si vous jetez une perle à un crocodile, au lieu de s'en parer, il voudra la dévorer; il se cassera les dents, et de fureur il se jettera sur vous.”

[ocr errors]

'Il ne me reste qu'une objection à vous faire,” dit l'Anglais, “c'est qu'il s'ensuit de ce que vous venez de dire, que les hommes sont condamnés à l'erreur, quoique la vérité leur soit nécessaire; car, puisqu'ils persécutent ceux qui la leur disent, quel est le docteur qui osera les instruire ?”— "Celui," répondit le paria, "qui persécute lui-même les hommes pour la leur apprendre; le malheur."—"Oh! pour cette fois, homme de la nature," reprit l'Anglais, "je crois que vous vous trompez. Le malheur jette les hommes dans la superstition; il abat le cœur et l'esprit. Plus les hommes sont misérables, plus ils sont vils, crédules, et rampants.""C'est qu'ils ne sont pas assez malheureux," repartit le paria. "Le malheur ressemble à la montagne Noire de Bember, aux extrémités du royaume brûlant de Lahor: tant que vous la montez, vous ne voyez devant vous que de stériles rochers; mais quand vous êtes au sommet, vous apercevez le ciel sur votre tête, et à vos pieds le royaume de Cachemire."

[ocr errors]

"Charmante et juste comparaison!" reprit le docteur : chacun, en effet, a dans la vie sa montagne à grimper. La vôtre, vertueux solitaire, a dû être bien rude, car vous êtes élevé par-dessus tous les hommes que je connais. Vous avez donc été bien malheureux? Mais, dites-moi d'abord, pourquoi votre caste est-elle si avilie dans l'Inde, et celle des brames si honorée ? Je viens de chez le supérieur de la pagode de Jagrenat, qui ne pense pas plus que son idole, et qui se fait adorer comme un dieu."—"C'est," répondit le

Pr. 25.-FAIRE UNE ALGARADE. [INSULTER AVEC BRUIT.]

Pr. 26. IL NE FAIT PAS BON SERVIR UN MAÎTRE QUI SERRE SES VIEILLES AIGUILLETTES.

LE DIEU DES CHRÉTIENS EST UN DIEU D'AMOUR ET DE CONSOLATION.-Fascal.

Pr. 27.-N'ENTENDRE QUE LE HAUT ALLEMAND.

LA CHAUMIÈRE INDIENNE.

15

paria, "parce que les brames disent que dans l'origine ils sont sortis de la tête du dieu Brama, et que les parias sont descendus de ses pieds. Ils ajoutent de plus, qu'un jour Brama, en voyageant, demanda à manger à un paria, qui lui présenta de la chair humaine: depuis cette tradition, leur caste est honorée, et la nôtre est maudite dans toute l'Inde. Il ne nous est pas permis d'approcher des villes, et tout naïre ou reispoute peut nous tuer, si nous l'approchons seulement à la portée de notre haleine.” "Par saint Georges," s'écria l'Anglais, voilà qui est bien fou et bien injuste! Comment les brames ont-ils pu persuader une pareille sottise aux Indiens ?”—“ En la leur apprenant dès l'enfance," dit le paria, "et en la leur répétant sans cesse : les hommes s'instruisent comme les perroquets."

[ocr errors]
[ocr errors]

'Mais," lui demanda l'Anglais, "comment faisiez-vous pour vivre, étant repoussé de tout le monde ?"—" D'abord,” dit l'Indien, "je me dis: Si tout le monde est ton ennemi, sois à toi-même ton ami. Ton malheur n'est pas au-dessus des forces d'un homme. Quelque grande que soit la pluie, un petit oiseau n'en reçoit qu'une goutte à la fois. J'allais dans les bois et le long des rivières chercher à manger; mais je n'y recueillais le plus souvent que quelque fruit sauvage, et j'avais à craindre les bêtes féroces: ainsi je connus que la nature n'avait presque rien fait pour l'homme seul, et qu'elle avait attaché mon existence à cette même société qui me rejetait de son sein. Je fréquentais alors les champs abandonnés, qui sont en grand nombre dans l'Inde, et j'y rencontrais toujours quelque plante comestible qui avait survécu à la ruine de ses cultivateurs. Je voyageais ainsi de province en province, assuré de trouver partout ma subsistance dans les débris de l'agriculture. Quand je trouvais les semences de quelque végétal utile, je les ressemais, en disant: Si ce n'est pas pour moi, ce sera pour d'autres. Je me trouvais moins misérable en voyant que je pouvais faire quelque bien. Il y avait une chose que je désirais passionnément, c'était d'entrer dans quelques villes. J'admirais de loin leurs remparts et leurs tours, le concours prodigieux de barques sur leurs rivières, et de caravanes sur leurs chemins, chargées de marchandises qui y abordaient de tous les points de l'horizon; les troupes de gens de guerre, qui y venaient monter la garde du fond des pro

Pr. 28.-TOUT Y VA, LA PAILLE et le blé.

A TOUT AGE, EN TOUT LIEU, L'AMOUR N'EST QU'EN IDÉE.-La Chaussée.

« PreviousContinue »