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Chevreau, qui disait toujours: le cheval sur lequel, non sur quoi j'ai été blessé, la colonne sur laquelle, non sur quoi il a mis un chapiteau, l'épée dont, de laquelle, avec laquelle il m'a blessé. « Et la raison est que quoi n'est point un pronom Relatif et qu'il ne doit pas être employé pour qui, ou lequel,... quand il est precedé de quelque nom » (Euv. mes!., I, 467).

L'Académie était un peu moins formelle; elle acceptait qu'on fit usage de quoi pour représenter deux substantifs de différents genres on leur reprochera l'aveuglement et la dureté avec quoy ils l'ont poursuivy, encore pour bien parler vaut-il mieux l'éviter. Quoi se met plutôt en certaines occasions où il se fait comme une resumption de tout le discours, et non pas immediatement aprés des substantifs (c'est de quoy il s'agit, c'est à quoy il s'occupe) (Tall., Décis., 145-146). Ces déclarations sont très importantes. Elles constatent un fait nouveau. Quoi devient le représentant de l'indéterminé1.

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On ne peut rap

PRONOMS RAPPORTÉS A UN NOM SANS ARTIcle. porter un pronom qu'à un nom intégral, c'est-à-dire qui est accompagné d'articles ou de mots équivalents. C'est là une doctrine générale, dont nous n'avons qu'à passer en revue les applications.

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POSSESSIFS. On ne doit pas dire, observe d'Aisy: De quoy les Juges n'estant pas d'avis, on dépécha à l'Empereur, pour sçavoir le sien, parce que d'avis étant indéfini, le pronom défini le sien ne peut s'y rapporter (Gén., 126).

Les exemples sont assez rares: donner ordre à MM. de Brassac et de Parabère de le venir trouver et de recevoir les siens (La Rochef., II, 461). Boileau avait écrit: Les vers ne souffrent point de médiocre Auteur, Ses écrits en tout lieu, sont l'effroi du Lecteur. Il changea le texte par la suite.

RELATIFS. Andry rapporte et condamne cette phrase de Vaugelas: Quand les hommes s'abandonnent une fois à la fortune, elle les rend plus avides de gloire que dignes de la posseder (Suit., 297). Il donne d'autres exemples encore de cette même faute, qu'il avait condamnée déjà (Refl., 533).

1. Voici des exemples de l'ancien usage: j'ai une petite barque et des gens, avec quoi fort facilement je prétends enlever la belle (Mol., V, 93, D. Juan. act. I, sc. 2); Le grand secret pourquoi je vous ci tant cherché (Id., I, 411, Dép. am., v. 132); Ces libres vérités sur quoi s'ouvre mon âme (Id., II, 258, D. Gare., v. 441); Ce n'est pas le bonheur après quoi je soupire (Id., IV, 461, Tart.. v. 926); cette redite ennuyeuse de marimes, sur quoy se jettent toujours ces Ecrivains feconds (Petit, Dial. sat. et mor.. 9); la beauté des chevaux sur quoi les pages... étoient montés (Mme de Maint., Lett., I, 8) ; il y a mille autres choses sur quoi il faut que j'aye l'oeil au guet (Du Verd., Le Flatt, act. V, sc. 2); Et des chausses de cuir dans quoi j'aurois dansé (Montfl., Crisp. gent., act. I, sc. 2).

L'usage ancien n'avait pas en effet disparu : Ceux qui écrivent par humeur sont sujets à retoucher à leurs ouvrages: comme elle n'est pas toujours fixe, et qu'elle varie en eux selon les occasions... (La Bruy., I, 118, Des ouvr. de l'espr.).

Bouhours a censuré: Ceux qui auront plus d'inclination pour les discussions particulieres la pourront satisfaire (D., 177); il avoit tant de chaleur à la guerre, qu'elle l'empeschoit de faire des réflexions (Rem., 148).

Toutefois, il admet certaines exceptions: Si vous ne me faites justice, je me la feray moy-mesme. Il est bien plus seûr de recevoir conseil que de le donner. Elles vivent en closture, mais elles n'en font point de vœux, et ne la gardent que par une sainte observance. Au lieu de le on peut employer en qui est moins déterminé et se rapporte mieux à un nom indéterminé : « j'ay raison de me plaindre, et vous n'en avez pas de m'accuser. Si néanmoins il ne suivoit point de verbe, ni aprés raison, ni aprés vous n'en avez pas, on pourroit employer le. De même on dit bien: il a tort et je ne l'ay pas » (Rem., 129-130; cf. d'Aisy, Gén., 125).

Comme il est facile de le deviner, rien qu'aux réserves de Bouhours, il s'en faut de beaucoup qu'on se soumette à la règle : je parle avec franchise : Bannissant les témoins, vous me l'avez permise (Corn., VI, 398, Sert., v. 829-830); voyant un cavalier auprès de moi qui vouloit remonter à cheval, je le lui ôtai (La Rochef., II, 127); ce n'a pas esté sans raison; la voicy (Pasc., Prov., 108; cf. Pens., éd. Molin., I, 74, etc.); un retour à la volonté de Dieu,... fait prendre patience: prenez-la donc (Sév., IX, 334); J'ai fait vœu d'étre veuve, et je le veux tenir (Regn., Le Bal, sc. 4); Saint Germain qui ne vouloit pas s'engager à la quitter qu'il ne nous eust vú prendre congé d'elle, ne le voulut pas prendre qu'aprés nous (BussyRab., Mem., I, 66); mais je luy rends justice, et je me la rends aussi (Bours., Lett. nouv., I, 258); Si ces Messieurs demandent pardon pour leur titre, je le leur accorde de grand cœur (Entr. de Cl. et d'Eudoxe, 200); je leur dois... cette justice qu'ils me la rendoient, autant qu'il leur étoit possible (Bours., Lett. nouv., I, 256); faites miséricorde, afin que vous la receviez (Boss., Aumône, éd. Leb., V, 38); Il vaut mieux recevoir chez soi compagnie, que de l'aller chercher en Ville (Dancourt, III, 13, Les bourg. à la mode, act. I, sc. 3); Je crois avoir raison. Vous l'avez en effet (Id., IX, 372, La Trah. Comme je vous fais justice... faites-la moi Lett., I, 124-125); il ne vous a point fait réponse, il ne vous la fera pas ; il ne sait que vous dire (Bussy-Rab., Corr., IV, 101).

punie, act. V, sc. 8); aussi (Mme de Maint.,

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En est aussi commun que le ou la dans ces sortes de phrases: Il n'y a point de gens qui aient plus souvent tort que ceux qui ne peuvent souffrir d'en avoir (La Rochef., I, 178); Il faut regarder où il fait jour, et en approcher ce que l'on veut faire entendre (Nicole, II, Partie C, VI, 36); et se veut racquitter auprès de vous en disant que j'ai eu tort: Je n'en puis jamais avoir avec lui (Sév., II, 232); ils veulent étre poëtes, à quelque prix que ce soit. Pour mon malheur ils croient que j'en suis un (Rac., VI, 469, Lett.); Jugez après cela si vos lettres nous font plaisir, elles qui en feroient à toute la cour (Bussy-Rab., Corr., IV, 68); pensant mal de tout le monde, il n'en dit de personne (La Bruy., I, 323, De la cour); Si celui qui est en faveur ose s'en prévaloir (Id., I, 307, Ib.).

Voici un exemple-type où on rencontre à la fois le et en Mais dites-moi puis que vous avez quelquefois raison, pourquoy ne l'avez-vous pas toujours? Je veux que vous ayez raison, quand vous unissez deux personnes; mais l'avez-vous encore, quand vous les separez? Si Tyrcis a eú raison d'aimer Philis, en a-t'il quand il ne l'aime plus? En a-t'il quand il quitte Philis pour Caliste? Quelle excuse trouverez-vous à son inconstance? (Le Pays, Am., am. et amour., 63).

CONJONCTIFS.

-

On se souvient que Vaugelas avait posé la doctrine. Un pronom qui, lequel, ne peut se rapporter qu'à un nom accompagné d'un article (cf. t. III, 422). Port-Royal båtit sur cette donnée une théorie qui vaut d'être rapportée tout entière, comme un spécimen de grammaire logicienne.

Dans l'usage présent de notre langue, on ne doit point mettre de qui après un nom commun, s'il n'est déterminé par un article ou par quelque autre chose qui ne le détermine pas moins qu'un article. Les déterminations autres que l'article et équivalant à un article

sont :

1o Les noms propres, qui sont determinez par eux-mesmes: Il imite Virgile qui est le premier des Poëtes.

2o Les vocatifs, déterminez par nature: Ciel qui connoissez mes

maux.

3o Ce, quelque, plusieurs, les noms de nombre, comme deur, trois, etc, tout, nul, aucun, etc., déterminent aussi bien que les articles.

4o Dans les propositions negatives, les termes sur lesquels tombe la negation sont déterminez à estre pris generalement par la negation mesme, dont le propre est de tout oster.... Il n'y a point d'injustice qu'il ne commette. Il n'y a homme qui scache cela.

5o Dans les propositions affirmatives le sujet attire à soy l'attri

but, c'est à dire le détermine. On dit donc bien: Je suis homme qui parle franchement, parceque homme est déterminé par je : Ce que la grammaire elle même prouve, car on dit je suis homme qui ay bien veu des choses, plustost que, qui a bien veu des choses.

6o Les mots, sorte, espece, genre et semblables, déterminent ceux qui les suivent; qui pour cette raison ne doivent point avoir d'article. Une espece de bois qui est fort dur.

-7° La particule en, dans le sens de l'ut latin, il vit en Roy, enferme en soy-mesme l'article, valant autant que comme un Roy. D'où : Il agit en Roy qui sçait regner, est bien dit.

8° De seul devant un plurier, est souvent pour des, qui est le plurier de l'article un... On dit donc, conformément à la regle; il est accablé de maux qui luy font perdre patience.

9o Dans les façons de parler: C'est gresle qui tombe. Ce sont gens habiles qui m'ont dit cela: la règle n'est pas violée, parce que le qui ne se rapporte point au nom qui est sans article, mais à ce. Ce qui tombe c'est la gresle (Grammaire générale, 79-82).

Les remarqueurs sont presque tous d'accord sur cette question (Mén., O., I, 363; Bouh., D., 167; A. de B., Refl., 533). Les quelques exceptions qu'ils notent confirment la règle générale: Les Rois ne souffrent point de Courtisans qui ne soient bons à quelque chose (Mén., O., I, 365); Avarice, qui causez tant de maux (d'Aisy, Gén., 122-124)'. L'Académie sanctionne cette loi de la langue moderne (dans Vaug., II, 103; cf. Buffier, 162).

Cependant les exemples contraires sont fort nombreux, les grammairiens eux-mêmes constatent combien les écrivains se plient difficilement à l'usage. Voici des phrases que cite Bouhours: S'ils ont esté les premiers auteurs du peché, ils ont esté les premiers modeles de penitence qu'ils ont faite d'une manière qui nous est incomprehensible (Hist. du N. et V. Test., 8, dans D., 167); Leurs yeux estoient encore appesantis de sommeil que leur causoit la tristesse dont ils estoient abbattus (Hom. de S' Chrys., III, 590, dans D., 168). — II y en a bien d'autres: nous sommes médecins, qui voyons clair dans votre constitution (Mol., VII, 278, Pourc., act. I, sc. 8); Combien de gens font-ils des récits de bataille Dont ils se sont tenus loin? (Id., VI, 367, Amph., v. 198-199); changea sa prison en exil, où il a été bien des années (S'-Sim., III, 150); qui l'ayant vu en justeaucorps, sur lequel il y avoit de l'or, lui avoit dit tout surpris (Menagiana,

1. Thomas Corneille fait remarquer qu'on dit parfois le peu de forces qui me sont restées, aussi bien que le peu de forces qui m'est resté, et que dans le premier cas le relatif s'accorde avec forces qui est un nom sans article. L'Académie approuve Vaugelas (II, 103).

II, 216); Que la royauté de Jésus soit écrite en langue hébraïque, qui est la langue du peuple de Dieu (Boss., Circonc., 1633, éd. Leb., 1, 269); ils étoient surtout extrêmement forts en cavalerie, dans laquelle les Estradiots étoient ceux qui se faisoient le plus redouter (Id., Hist. de Fr., XIII, éd. Bloud, X, 154; cf. Lett. div., 1685, éd. Bloud, XI, 82); après que la nuit vous aura donné conseil, qui sera apparemment de nous séparer (Sév., V, 340).

Il y a plus. Furetière se demande si on a eu raison de faire une règle. Elle n'est nullement vraie à l'égard de l'article indéfini pluriel. Ex. C'est un paquet de Lettres qui sont adressées à differentes personnes. Et, pour ce qui est du singulier, il y voudrait mettre cette différence, que dans les choses morales il faut la suivre, et dans les choses matérielles s'en dispenser. Il joüa une partie de Trictrac, qui est un jeu où il n'est pas fort sçavant est bien dit; Un témoignagè d'affliction qui est extrémement grande est mal.

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Lorsque le nom sans article est precedé d'une preposition, il faut distinguer quand il suit avec ou sans, le nom forme une locution adverbiale, qui n'a point de pronom relatif, ou, s'il y en a un, il se rapporte à l'ensemble de la phrase avec ellipse de ce: Il fait cela avec avarice, [ce] qui est un grand defaut.

« Precedé de par, le nom sans article admet un relatif, parce qu'il y a des paroles sous-entendues, dont la suppression est élégante: Il a fait cela par avarice, qui est capable de tout = Il a fait cela, etant inspiré par l'avarice qui est une passion capable de tout. Pour ne se joint pas avec les substantifs, mais precede les verbes substantifiés, personne n'oseroit condamner la phrase: Il a fait cela pour vaincre, qui est le but de tous les conquerans » (Rem. nouv, sur la l. fr., 235

et suiv.)'.

LE CAS INVERSE. Quand on a exprimé un substantif avec article, est-il loisible de le reprendre par un pronom, si, dans le deuxième membre de phrase, il y a d'habitude un nom sans article, qui fait partie d'une locution toute faite?

Bouhours estime que non. Il vaut mieux répéter un nom que de faire une équivoque avec ce mot. « J'aurois de la peine à dire : Minerve, qui avoit cú un soin tout particulier des interests d'Ulisse, prit celuy d'obtenir de Jupiter un broüillard épais » (Suit., 91; cf. Rem., 20-21). La locution est: prendre soin.

1. Furetière confond. Il s'agit ici de ce tour si commun où qui serait précédé en langue moderne de ce. On trouve plus hardi encore: c'est une fille qu'on a gâtée comme fille unique et comme bourgeoise, qui sont les gens qui élèvent le plus mal leurs enfans (Mme de Maint., Lett., I, 94).

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