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Selon Bouhours, au nominatif, elle convient aux personnes et aux choses; aux cas obliques, il n'en est pas de même, on ne dit pas d'un homme qui aime la philosophie : il s'attache fort à elle.

Elle convient: 1° quand la chose se prend pour une personne; 2o quand elle est entrelacée dans la période et ne finit point le discours c'est à elle qu'il s'attache; 3° elle peut finir le discours, à condition de l'employer avec une expression qui ne se dit que des personnes il entre en société avec elle (la philosophie) (Rem., 386388).

Andry, sans être aussi net, essaie également de légiférer sur la matière (Refl., 254). Th. Corneille, à propos d'une remarque de Vaugelas, rapporte aussi des avis qu'il a entendu émettre: on ne dit pas ce cheval est fougueux, ne vous approchez pas de lui, ni: je ne me fierois pas à lui, mais: ne vous en approchez pas, je ne m'y fierois pas. Lui est légitime, cependant, pour à lui: On lui a donné de l'éperon (I, 177). Regnier se rallia à la doctrine de Port-Royal, en la corrigeant et en fournissant des exemples où la personnification est plus nette Dés qu'il plaira à la verité de se monstrer aux hommes, telle qu'elle est ; les hommes n'aimeront qu'elle, ils brusleront d'amour pour elle (Gr., in-12o, 258).

Cette correction est tout à fait dans l'esprit de la règle, et celleci, si on regarde bien les exceptions, est des plus nettes, puisqu'elle affirme qu'on emploie lui et elle pour représenter des personnes, sauf le cas où il s'agit de choses que l'esprit assimile à des personnes.

C'était là évidemment la tendance générale. Je ne veux pas dire qu'il n'y ait pas d'exemples contraires. Mais on voit Bossuet se corriger pour mettre sa phrase d'accord avec l'usage nouveau. Dans une lettre au cardinal Cibo, il avait d'abord mis: Je croirois offenser une telle generosité si je n'avois recours à elle. Il se corrige si je n'y avois recours (Six lettres publ. par E. Jovy, 1912, 21).

Y. Il est commun pour représenter des personnes : Vous pouvez vous rendre semblables à luy (Dieu), la sagesse vous y egalera, si vous voulez le suivre (Pasc., Pens., éd. Molin., I, 290); Martel ne croyant pas qu'il (le C1 d'Estrées) en sút autant que lui à la mer, avoit eu peine à s'y soumettre (Bussy-Rab., Corr., II, 306); elle m'a paru toujours si sotte, que j'ai méprisé les gens qui s'y sont fort attachés (Id., Ib., II, 96).

En parlant des choses, il arrive qu'on se serve de lui: Qui vous aima sans sceptre et se fit votre appui, Quand vous le recouvrez, est bien digne de lui (Corn., V, 420, D. Sanche, v. 27-28); Son chapeau

avoit pour elle un si grand respect, qu'il n'osoit presque jamais luy toucher (à sa perruque) (Fur., Rom. bourg., I, 13)'.

Mais on trouve y très fréquemment, avec le verbe donner en particulier Ils comptent les défauts pour des perfections, Et savent y donner de favorables noms (Mol., V, 488, Mis., v. 715-716); La gráce de la nouveauté est à l'amour ce que la fleur est sur les fruits: elle y donne un lustre qui s'efface aisément (La Rochef., I, 144-145); Il gátera les meilleures choses par le mauvais tour qu'il y donnera (Nicole, 1re part., Ph. X, 6); Quand j'ay dit que le mot de scene ne s'écrivoit point, c'est dans le sens et dans le tour nouveau qu'on y donne (Bouh., Suit., 176).

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LE. I continue, comme attribut du verbe étre, à représenter des personnes aussi bien que des choses. Voici, parmi d'autres, un exemple particulièrement curieux: Ce l'est, ou je consens à passer pour un fou. Si c'est elle, je veux qu'on me coupe le cou. Si ce

ne l'est, je veux que, devant que je sorte........ Moi, si ce l'est, je veux que le diable m'emporte (Montfl., Ec. de Fil., act. IV, sc. 7); Nicandre! le seroit-ce? essayons de l'apprendre (Bours., Ment. qui ne ment. point, act. I, sc. 5). Andry eût voulu faire une règle : L'estce se dit des choses, est-ce luy, des personnes (Refl., 285).

LEQUEL. — Aux cas directs: Richelet, Furetière, dans leurs Dictionnaires, Andry dans ses Reflexions (526) comme Bouhours, dans ses Doutes (188), acceptaient encore, après Vaugelas et d'après lui, qu'on se servit de lequel pour éviter une équivoque. Thomas Corneille et l'Académie n'y contredisent point non plus (dans Vaug., I, 209-210) 2.

Néanmoins Regnier-Desmarais préférerait qu'on se servit d'un autre tour pour ôter l'ambiguité (Gr., in-12o, 283). Il est employé, ajoute-t-il, dans les Édits, Ordonnances, Traités, mais la langue répugne à l'employer ailleurs (Ib., 285-286).

Les exemples, au sujet surtout, sont peu nombreux. Ils se justifient souvent par le désir d'éviter toute équivoque : il n'y avoit que ceux de cette famille, lesquels pussent exercer la sacrificature (Rac., III, 591, Ath., Préf.). Génin prétendait qu'on n'en trouvait pas d'exemple chez Molière après L'Etourdi et Le Dépit amoureux. C'est exagéré. On est assez étonné de le rencontrer fréquement chez un puriste comme Bussy: il alla demander au Prince le Gouvernement de Fleir, vacant par la mort du Chevalier, lequel il obtint

1. Dans le Sermon sur l'Ambition, 1662, Bossuet a éprouvé un souci de style. A un tombeau pour graver sur lui, il substitue pour y graver dessus, puis enfin efface y (2o p., éd. Leb., IV, 158, et note 3).

2. Cf. Riches., Prise de Fribourg, 20.

F. BRUNOT.

Histoire de la langue française. IV. 2.

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(Mem., I, 175); Sa biblioteque laquelle il va faire transporter au Louvre apres qu'il aura esté achevé de bastir (Chap., Lett., II, 225). Bussy emploie même l'adjectif : j'attendray icy ce que deviendra l'affaire dont j'ai entretenu Vostre Altesse, laquelle affaire j'abandonneray avec la plus grande joye du monde si-tost qu'elle me témoignera avoir besoin de mon service auprés d'Elle (Mem., I, 198). Il ne me semble pas téméraire d'attribuer à la même analogie qui avait rétabli la déclinaison qui que (cf. t. II, 318) les résultats qu'on constate ici. I(l)-le, qui que se correspondaient si bien, que lequel fut éliminé comme sujet et comme complément d'objet direct, malgré la tendance à distinguer choses et personnes. Lequel avait l'avantage de varier en genre, mais le rapport de cas était beaucoup plus important à marquer', et lequel ne le marquait pas.

Aux cas obliques: 1o GÉNITIF. Qui. Il faut attendre la fin du siècle pour que les grammairiens prononcent nettement sur l'emploi de qui précédé d'une préposition. L'Académie, influencée par Vaugelas, acceptait encore qu'on s'en servit en parlant des animaux, surtout domestiques, mais, pour les choses, il fallait qu'elles fussent bien évidemment personnifiées (dans Vaug., I, 210; cf. 127). Regnier est plus formel: « La relation des bestes ou des choses ne s'exprime presque jamais par le Pronom qui. On ne doit pas dire le cheval de qui je me sers, mais dont, duquel je me sers » (Gr., in-12°, 276).

Donc pour les choses, duquel, dont, de quoi; pour les personnes : de qui, duquel, dont. Voilà quelle était en gros la règle 2.

On prétendit descendre à d'autres détails.

Dont, excellent pour représenter personnes et choses, en tous nombres et genres, devait être écarté chaque fois qu'il faisait équivoque c'est la cause de cet effet, dont je vous entretiendray; duquel, quoique toujours rude, valait encore mieux (Vaug., I, 208, II, 30, I, 173; cf. d'Aisy, Gén., 116-118).

De qui ne convenait pas après le substantif, comme ici : Le Prince à la vengeance de qui les François s'obstinerent (Bouh., Rem., 403406), il fallait dire duque! (cf. d'Aisy, Gén., 114; L. de Templ., Entr. à Madonte, 131; Chifflet, 1700, 53)3. Regnier-Desmarais ne

1. On a vu au XVIe siècle des confusions de il et de elle.

2. Elle est souvent violée encore, et de qui s'emploie en parlant de choses: C'est un art de qui l'imposture est toujours respectée (Mol., V, 193, D. Juan, act. V, sc. 2); Une paix de qui les douceurs... Feront couler tes destinées (Rac., IV, 55, v. 62-64); Celui de qui la tête au ciel étoit voisine, Et dont les pieds touchoient à l'empire des morts (La Font., İ, 127-128, v. 31-32).

3. Trois regimens d'infanterie, l'un desquels au nombre de dix-huit cens hommes Sa Majesté avoit donné à mon pere (Bussy-Rab., Mem., I, 14).

confirma pas cette règle, et accepta ici de qui: C'est une femme de la conduite de laquelle ou de qui on ne peut douter (Gr., in-12o, 287). En revanche, duquel est nécessaire, si le substantif est sujet: un homme... la vertu duquel est hors de soupçon (Ib., 287)1.

Dont était exclu en tous cas. On ne s'expliquerait guère une semblable insistance à ce sujet, si on ne se souvenait de certaines phrases: Je ne saurois vous donner nulle espérance pour ce pauvre enfant, car il est celui dont on doute le moins de la mort (Me de Maint., Lett., I, 18).

2° DATIF.

De quoi n'est pas très commun, mais on le trouve: Et cette joie encor de quoi vous murmurez (Mol., II, 327, D. Garc., v. 1838). A qui continua à bénéficier d'une certaine tolérance, plus large que pour de qui. A l'Académie, on dut recourir à un vote pour faire passer la remarque de Vaugelas (I, 125-129). Encore, sur l'observation d'un membre, qu'on disait très bien : C'est un cheval à qui j'ai fait faire un mords tout neuf, quoiqu'il n'y ait aucune personnalité, l'exception fut étendue, et on admit à qui pour les animaux domestiques et aussi pour les choses morales: Ces caresses touchantes à qui (Mol., VII, 160, Av., act. IV, sc. 1); Mais un pressant scrupule à qui j'ai dû ceder (Th. Corn., D. Juan, act. I, sc. 3); Je me suis fait une façon de vie A qui les souverains pourraient porter envie (Regn., Mar. de la Fol., sc. 1); c'étoit là une de ces figures d'élocution, à qui les Grecs ont donné de si beaux noms (Opusc. div. Acad., 251); vous prier de faire marcher vostre Regiment d'infanterie par Nevers, afin de servir d'escorte à mon canon, à qui j'envoye demain ordre de s'embarquer (Bussy-Rab., Mem., I, 388).

A quoi se maintient, malgré des avis partagés. Ainsi Marguerite Buffet écrirait : le désordre auquel, et non pas à quoi (N. O., 60), pendant que d'autres trouvent ce dernier élégant: Quoi que surpris d'un compliment à quoy je ne m'attendois pas, je ne perdis point la tramontane (Bours., Lett. nouv., I, 215); Cette résignation... me sauva de l'opération à quoi les médecins m'avoient alors condamné (Bussy-Rab., Corr., IV, 3); la Charge de Mestre de camp... est un poste à quoy les favoris des Princes du Sang n'oseroient aspirer (Id., Mem., I, 256); je luy écrivis une lettre à quoy elle ne fit point de réponse (Id., Ib., I, 89); [II] fut obligé de payer une grosse amande, à quoi il fut condamné (Regn., Divorce, act. III, sc. 6); une poupée avec quoi on se joue (Id., Att.-moi sous l'orme, sc. 13). On trouve même à quoi représentant un antécédent au pluriel: ne vous plaignez

1. Cf. Belastre fut le personnage du nom duquel le traité fut remply (Fur., Rom. bourg., II, 45).

pas de ces répétitions à quoi vous dites que vous êtes sujette (BussyRab., Corr., IV, 133); je ne leur fournis que des sujets d'entretiens solides, à quoy l'Esprit et l'Ame peuvent faire quelque gain (Petit, Dial. sat. et mor., 7); à peine vous en laisseroient-ils (les comédiens) lire un Acte entier, sans vous faire je ne sçay combien d'objections, à quoy il vous seroit impossible de répondre (Bours., Lett. nouv., I, 273). Et Andry de Bois-Regard estime que, si quelques scrupuleux ne veulent jamais dire à quoy au pluriel, ils se gênent mal à propos (Suit., 3). Regnier accepte aussi : les malheurs à quoy on s'expose, en ajoutant toutefois : « il seroit peut-estre mieux de se servir des pronoms ausquels, ausquelles » (Gr., in-12°, 288-289).

Où continue à s'employer pour auquel (voir p. 867). Il n'est pourtant plus au gré de tout le monde. Sur cette phrase de La Bruyère ce genre d'écrire où je me suis appliqué, le Censeur remarque « Cet où ne me paroit pas bien françois; il faloit un datif, auquel » (Sent. crit. s. les Caract., 340)'.

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3o APRÈS PRÉPOSITIONS DIVERSES. Qui, en parlant de personnes, n'est pas usité derrière toutes les prépositions. Pour qui, avec qui, etc., sont communs, mais lequel, lesquels sont seuls usités derrière parmi, entre. Ailleurs on se sert indifféremment de l'un ou des autres: Et cet habit vous donne un air de gravité Sur qui vous vous pouvez fier en sûreté (Montfl., Dame méd., act. I, sc. 1); Cela vient d'une sérosité, Par qui le périoste est souvent picoté (Id., Ib., act. II, sc. 5); dans une étrange apparition par qui j'en fus réveillé (Cyr. de Berger., Estat et Empire du Soleil, 205).

En parlant de choses, qui est définitivement écarté. L'Académie ne veut plus des phrases de Vaugelas: Un cheval... sur qui j'estois monté (1, 127-128; cf. Apoth., 167). Les exemples se comptent.

Quoi avait été accepté par Vaugelas. Mais ceux des grammairiens qui ne sont pas de simples copistes refusèrent de le suivre. Ainsi

1. Cf. Capable des plus hauts desseins où une princesse puisse s'élever (Boss., Or. fun. Henr. d'Angl., éd. Rébell., 159; cf. Id., Ib., 158); Voilà donc le triomphe où j'étois amenée (Rac., III, 183, Iph., v. 693); Le seul où mes regards prétendoient s'adresser (Id., II, 83, Andr., v. 864); une affaire où il a su que vous preniez intérêt (La Bruy., I, 351, Des grands); Mais les transports affreux où sans cesse m'expose (Th. Corn., Max., act. I, sc. 6); Madame, une visite où vous ne sonjiez guére (Id., Comt. d'Org., act. III, sc. 4); Quel malheur est le mien, Qu'il faille me resoudre à vivre infortunée, Ou rougir du recit où je suis condamnée ! (Id., Feint. Astrol., act. III, sc. 2); Si vous savez, Monsieur, le secret où je pense (Id., Ib., ib.); Je veux rompre l'hymen où son amour aspire (Regn., Le Joueur, act. I, sc. 9); Le corps, ce poids honteux, où l'âme est asservie. T'occupera-t-il seul le reste de la vie? (Id., Démocrite, act. I, sc. 4); Apprenez que la Gloire où le Ciel nous appelle (Boil., Ép., XII, v. 159; cf. v. 162); cette hauteur divine Où jamais n'atteignit la faiblesse latine (Id., A. P., ch. 11, v. 79-80): et tous les mariages Où l'on voit tous les jours les parents disposés, Ne s'accomplissent pas, pour être proposés (Montfl., Trigaudin, act. V, sc. 1); il n'est pas moins dangereux d'interdire un commerce où l'on n'avait pas songé qu'il est difficile d'en rompre un bien établi (Hamilt., Gram., 216).

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