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Mais, employés seuls, ils deviennent péjoratifs : Que nous veut dire celui-ci? A qui celle-là en a-t-elle.' (Regnier-Desm., Gram., in-12o, 270; cf. t. IV, 379).

CELUI. J'ai noté au tome III, 497, la décadence de la tournure ancienne: En votre absence et de Madame votre mère. Chevreau la condamne dans Malherbe : Et les éclairs de ses yeux Estoient comme d'un tonnerre est mal écrit: Il faut comme les éclairs d'un tonnerre (Ms. Niort, 51, dans Boiss. ; cf. Rem. s. Math., I, 301). Furetière n'est pas de cet avis, et par amour de la brièveté il approuve : Vous estes mon Ami, et de Monsieur le Marquis ; C'est mon quartier, et de Madame la Comtesse (Rem. s. l. l. fr., 264). C'est le dernier témoignage que j'aie recueilli en ce sens. En général on estime ou qu'il faut répéter le substantif, ainsi Andry (Refl., 564) approuvé par St Réal (De la crit., 253), ou qu'il faut mettre le déterminatif: en vôtre compagnie et de Madame votre Epouse. Il falloit: Et en celle de M (Jobard, Ex. de l'Esp., 200; cf. Th. Corn. et l'Académie, dans Vaug., I, 341). Elevaient au-dessus des anges ne vaut rien; pour parler français il faut dire au-dessus de ceux des anges (Boil., Diss. Joc., éd. B. S. P., III, 27)'.

:

On peut encore citer une foule d'exemples de l'ancien tour: ma femme et mes enfants ne me laisseroient pas hasarder ma foi, mon honneur et mon repos, et de ma famille (La Rochef., III, 242); L'imitation des biens vient de l'émulation; et des maux, de l'excès de la malignité naturelle (Id., I, 122, var.); des colonies de peuples errants qui, sans autre rempart que d'un bois fragile, osent se commettre à la fureur des tempêtes (Boss., Loi de Dieu, 1653, éd. Leb., I, 311-312); Dieu appella le Patriarche Abraham.... Il fit alliance avec luy, en luy promettant d'estre son Dieu et de sa postérité (Id., Cath. de Meaux, 60); Vous, la place d'Hélène, et moi, d'Agamemnon (Rac., II, 99, Andr., v. 1160); Quelle condition vous paroit la plus délicieuse et la plus libre, ou du berger ou des brebis (La Bruy., I, 385, Du souv.); Et j'espere, Dieu aidant, que par mes soins, et de ceux qui commandent pour moy dans mes Provinces, chacun connoissant les pernicieuses entreprises que l'on fait contre moy et mon service, elles n'auront aucun progrés (Bussy-Rab., Mem., I, 261).

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CE DEVANT QUE. On a vu au tome III, 499, le que pronom ce était devenu nécessaire devant que ne sait ce que c'est que le fer. La règle n'est plus contestée, on la confirme même, en recherchant

1. Dans les comparaisons, l'usage eut quelque peine à s'introduire en raison des métaphores. Bouhours estimait par exemple qu'il était élégant de dire: Il n'y a pas dans l'Académie une meilleure plume que M***, au lieu de mettre un pronom: que celle de M*** (Rem., 546-547).

F. BRUNOT. Histoire de la langue française. IV. 2.

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les cas où que tout seul suffit. Tout le monde approuve n'avoir que suivi d'un infinitif: n'avoir que faire (Richel.; Chifflet, Gr., 1700, 64, etc., excepté Marg. Buff., N. O., 53-54). Mais l'oubli de l'ancien usage est si grand, que n'avoir que répondre eut peine à faire autoriser n'avoir que répondre à ses reproches (Th. Corn., A., dans Vaug., II, 266-267). — donne-moy un peu de la tienne (mémoire), aussi bien n'en as-tu plus que faire (De Visé, Or. fun. de Molière, 37); J'incague le Prévôt, et n'ai que faire à lui (Montfl., Femme juge et part., act. III, sc. 8); Et qu'il s'y rende ou non, je n'ai que faire à luy (Id., Ec. des Jaloux, act. II, sc. 4); Ce sont cinq ou six mots dont on n'a plus que faire (Poisson, Fem. coq., act. III, sc. 1); L'on voit bien qu'Arnolphe n'avoit que faire à la ville (Zélinde, sc. 3); Surpris, ravi, confus, je n'ai que repartir (Corn., II, 175, Suio., v. 927); N'ayant plus que haïr, je n'aurois plus qu'aimer (Id., I, 308, Clit., v. 564); Personne n'a qu'y voir (Th. Corn., Am. à la mode, act. I, sc. 5); Je ne puis que repondre (d'Ouv., L'esp. foll., act. III, sc. 9); on ne sçait ny que laisser, ny que choisir (Segr., Nouv. franç., 2o nouv., I, 485).

CE QUE AU SENS DE Sl. L'expression à laquelle Vaugelas trouvait tant de grâce: Ce que Mercure est peint en la compagnie des Graces, est pour signifier, est considérée par Andry comme bannie du beau langage (Refl., 106). En fait elle devient fort rare.

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IL N'Y A CELUI QUI. Cette formule vieillit. Andry de BoisRegard, qui lui trouvait « de la grace », citait une phrase de Vaugelas: Comme ils vinrent à s'ecrier tous ensemble, qu'enfin Jupiter vangeur de la Grece avoit ouvert les yeux, il n'y eust celuy qui ne s'interessast dans leurs maux (Refl., 106). Mais Alcide de S'-Maurice soutient qu'elle n'est guère en usage parmi les bons auteurs (68), et Chifflet affirme que « c'est mal parler » (Gr., 1700, 44). En fait on la trouve bien peu souvent à partir de 1660 1.

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DONT.

Il est excellent, dans le rôle d' « ablatif », ainsi : le ton dont il m'a parlé, puisqu'on dit : parler d'un ton rude. Il faut, bien entendu, éviter les équivoques telles que le zèle dont il a parlé ne vaut rien (Bouh., Rem., 266-267). Après quelques paroles dont

1. Cf. Il n'y avoit celui qui ne prévît une prochaine rupture avec la famille de Lorge (St-Sim., 28, 72, L.). Cf. comme celui qui moy, qui ne les devrois tirer que de vous (les secours), comme de celuy à qui rien n'en eschappe (Chap., Lett., II, 410); ses nombres sont toujours fixes et certains, comme de celui qui est bien informé (La Bruy., I, 370, Du souv.).

je táchai d'adoucir la douleur de cette charmante affligée (Mol., VIII, 417, Fourb. de Scap., act. I, sc. 2); un mari furieux dont je suis poursuivie (Id., VI, 270, Le Sicil., sc. 14); j'ai cru faire assez de fuir l'engagement dont j'étois sollicitée (Id., VII, 452, Am. magn., act. IV, sc. 4); et faisoit venir une tourte et un poupelin, avec une tasse de confitures, faites à la maison, dont elle donnoit la collation à la compagnie (Fur., Rom. bourg., I, 30); l'attention, les précautions et les mesures dont on parle de soi (La Bruy., I, 330, De la cour).

DONT ET D'OÙ. — Les grammairiens sont unanimes à confirmer la doctrine de Vaugelas (cf. t. III, 505-506). D'où s'emploie quand il s'agit d'un lieu matériel; dont, en cas contraire (Marg. Buff., N. 0, 72; A. de B., Refl., 183; Th. Corn., dans Vaug., II, 32). La distinction entre dans les Dictionnaires. Mais elle n'est pas si commune dans les textes, où des confusions se rencontreront longtemps en se retournant du côté dont il sort (Mol., VII, 179, Av., act. V, sc. 2); Ménélas trouve sa femme en Egypte, dont elle n'étoit point partie (Rac., II, 39, Andr., 2o préf.); j'estois obligé de retourner... dans la petite ville, dont j'estois party le matin (Ar. et Sim., I, 106); Que c'est en abuser que de forcer son cœur Sur un choix d'où dépend sa joie et son bonheur (Montfl., Dupe de s. méme, act. I, sc. 1); l'effet d'une promesse, D'où dépend le bonheur de mes jours (Id., Dame méd., act. IV, sc. 9); c'est une Maison d'où l'on peut dire qu'il est sorti de grands hommes (Menagiana, II, 381).

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ού. Il n'est plus tout à fait aussi en vogue. On commence à douter que le mauvais état où je vous ay laissé soit mieux que auquel je vous ay laissé (Noel Fr., Polit., 1663, 92). Chevreau trouve à redire à cette phrase: C'est un homme où j'ai remarqué beaucoup de vertu (Euv. mesl., 1, 454; cf. Rem. s. Malh., I, 274, et Ms. Niort, 62, dans Boiss.). Toutefois ce sont là des observations isolées, auxquelles il ne faudrait pas donner plus de portée qu'elles n'en ont. Peut-être où parait-il peu propre, avec ses multiples emplois, à servir à des rapports qu'on veut de plus en plus exacts.

Il est partout: Ce fils où mon espoir se fonde (Mol., I, 198, Et., v. 1395); L'hôtesse où vous avez logé (Sév., V, 289); Il ne reste que moi Où l'on découvre encor les vestiges d'un roi (Rac., I, 548, Alex., v. 539-540); le Corps et le Sang de Jesus-Christ où réside la perfection (Boss., Expl. de la Messe, 10; cf. 87); J'ai sçú de son Libraire où souvent je le vois Qu'il fait jetter en moule un Livre tous les mois (Poiss., Com. s. tit., act. IV, sc. 7); Je me sers du déguisement où tu me vois (Regn., Hom. à b. fort., act. III,

sc. 2); Quelle est donc cette affaire où je puis vous servir? (Th. Corn., D. César d'Aval., act. I, sc. 4); les Chevaux trop vigoureux me fatiguent; et, je vous en ay vú un, où je m'imagine que je serois à mon aise (Bours., Lett. nouv., I, 128).

LEQUEL.

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Depuis Vaugelas, on réservait à lequel le rôle d'interrogatif, lorsqu'il s'agissait de choisir entre plusieurs objets ou plusieurs personnes : lequel de vous deux l'emportera ? (cf. t. III, 517). C'est une règle qu'on retrouve partout (Chiflet, Gram., 1700, 53). Monsieur, prenez la peine de choisir de ces deux épées laquel'e vous voulez (Mol., IV, 62, Mar. forcé, sc. 9)'.

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J'ai cité à dessein cette phrase qui explique des emplois beaucoup plus hardis, dans des phrases positives: Donne m'en un autre (juste-au-corps). Lequel? Lequel tu voudras (Baron, Hom. à b. fort., act. IV, sc. 8). On rencontre aussi lequel que : Mais de ces deux partis lequel que je préfère, Sa gloire est un affront pour l'autre, et pour son frère (Corn., VII, 109, Att., v. 13-14); lequel de ces deux crimes que vous ayez commis, suffit pour m'obliger à vous prier de ne me voir plus (Me de Scud., Math., 235).

On emploie concurremment qui: Ho! ho! qui des deux croire? (Mol., I, 117, Et., v. 179); Qui de nous deur à l'autre a droit de faire loi? (Id., II, 163, Sgan., v. 7). Molière en use pour jouer sur les mots: De qui veux-tu parler ? Des avaricieux. Et qui sontils, ces avaricieux? - Des vilains et des ladres (VII, 62, Av., act. I, sc. 3).

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LES PÉRIPHRASTIQUES. — Les grammairiens de second ordre font aux interrogatifs périphrastiques une guerre acharnée. On ne doit pas interroger par: qu'est-ce qui, qu'est-ce que, mais par : qui, que (Ale. de S'-Maur., 84; Bér., Nouv. Rem., 97). Bouhours a l'air d'être en contradiction avec eux. Qui, à son sens, devrait être remplacé par qui est-ce qui dans la phrase suivante: Qui a un plus grand ennemi à combattre que celui qui combat contre soi? (Imit., 2; cf. Rosset, o. c., 119). En fait, réserver les formes composées pour des cas

1. Quel est archaïque en ce sens. La question ne fut que de savoir Quelle des deux dessus l'autre l'emporte (La Font., IV, 143, Cont., v. 3-4); Il s'insinue dans un cercle de personnes respectables, et qui ne savent quel il est (La Bruy., I, 165, Du mér. pers.). Il y a un vers de Racine où on pourrait hésiter: Vous ne savez encor de quel père il est né. Quel il est (III, 636, Ath., v. 561-562), mais quel signifie ici de quelle qualité. Cf. Je sais quel est Pyrrhus. Violent, mais sincère (II, 95, Andr., V. 1085).

comme ceux-là, c'était une autre manière d'en interdire l'emploi mal à propos, au lieu et place des simples.

Naturellement les périphrastiques continuaient toujours leurs progrès dans la langue courante: Qu'est-ce que c'est donc que vous me regardez toute effarée (Mol., VIII, 566, Clesse d'Escarb., sc. 2); Qu'est-ce que c'est que cette logique ? (Id., VIII, 82, Bourg. Gentilh., act. II, sc. 4); Qu'est-ce que c'est donc qu'il y a, mon petit fils? (Id., IX, 306, Mal. imag., act. I, sc. 6)1.

QUE ET OU QUE. Le Censeur de La Bruyère fait une observation qui mérite grande attention; c'est à propos de cette phrase: Que parlez-vous, Lucile, de la lune, et à quel propos, etc... « ce que, est hors du bel usage, dit-il; Pour le rendre élegant, il faudroit que le verbe parler pût regir un accusatif: dans cette occasion; Que dites-vous,...» (Sent. crit. s. les Caract., 521). Si cela était exact, ce serait signe que la décadence de que avait commencé au sens de à quoi, pourquoi: Que riez-vous? Honteux attachements de la chair et du monde, Que ne me quittez-vous, quand je vous ai quittés? (Corn., III, 539, Pol., v. 1107-1108). Il n'en est rien.

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Où que, dans le sens de en quelque endroit que, ne plait ni à Chevreau (Rem. s. Malh., I, 357-358; cf. Ms. Niort, 55, dans Boiss.), ni à Ménage (O., I, 132-134).

VII. PRONOMS INDÉFINIS.

PRONOMS QUI DEVIENNENT NÉGATIFS.

Aucun était devenu

négatif au pluriel dans la première partie du siècle. Il devient négatif au singulier. Les grammairiens de second ordre donnent tous la règle (Alc. de S'-Maur., 86; Chifflet, 1700, 59). Dans son Dictionnaire, Richelet interprète aucun par nul3.

1. Cf. avec les adverbes: Comme est-ce qu'on s'y porte? (Mol., IV, 412, Tart., v. 230); Comme est-ce qu'on le nomme ? (La Font., VII, 285, v. 94); Colombine! Et où est-ce qu'elle est ? (Regn., Divorce, act. II, sc. 1); Comment est-ce qu'une réputation si brillante a pu disparoître en un moment ? (Bross. à Boil., Corr., 239). On trouve même si c'est que: Je ne saurois dire, Monsieur, si c'est qu'on ait jetté quelque sort sur lui, ou s'il seroit tombé dans une espece de mélancolie, mais je n'ai pû l'obliger à me répondre que par signes (Palaprat, Muet, act. III, sc. 8). A signaler en revanche l'interrogation accourcie : Le moyen de faire cela? Mais quand vos cœurs unis auroient mêmes souhaits, L'apparence qu'Eraste y consente jamais? (Th. Corn., Am. à la mode, act. II, sc. 2); je devrais l'oublier pour toujours: mais hélas! le moyen, quand on a le cœur sincère (Regn., Fill. err., act. II, sc. 3).

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2. A l'Académie on discuta la phrase: Ne connaissez-vous point aucune personne ? Elle fut considérée comme du style familier (Tall., Décis., 52) A la vérité, on trouve souvent la négation complète dans la proposition où aucun est objet: je n'y ai point vu, ce me semble, aucune trace d'un esprit aussi net que le sien m'a toujours paru (Rac., VI, 453, Lell.); Dieux pourquoi m'accorder les traits d'un beau visage, A moi qui ne veux point

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