Page images
PDF
EPUB

A. On écarte en des phrases où le possesseur est un nom de personne, sauf là où il y a équivoque1.

dra

[ocr errors]

Les exemples sont encore en grand nombre: Je connois le tyran, j'en vois le stratagème (Corn., VI, 103, Sert., v. 965); Lisette, qu'il me plait ! L'air en est noble, aisé, la mine peu commune (Th. Corn., Am. à la mode, act. II, sc. 3); il s'établit touchant d'Ablancourt, je ne sçai quelle opinion qui est, qu'à la verité il est excellent Traducteur, mais que hors de là, le genie en est mediocre, et le stile assez commun (Dial. sur les Plaisirs, 6); Nostre Critique ne se plainpas de ce que je le traitte de Courtisan dans cette rencontre, où il en affecte si ouvertement le stile et les sentimens (De la crit., 183). B. Avec les noms de choses, il faut tantôt son, tantôt en. La Grammaire générale a traité la question. « On ne peut pas dire, en parlant d'une chose, d'une maison de campagne, par exemple: Sa situation me plaist. Il faut dire: La situation m'en plaist. Le possessif n'est d'usage que lorsque le nom est en réalité un collectif représentant des personnes, un nom animé par prosopopée, un nom de choses spirituelles, quand il s'agit de qualités propres et essentielles au sujet possesseur. Ex.: une riviere est sortie de son lit, un cheval a rompu sa bride, dans un triangle, le plus grand coste est celui qui soustient son plus grand angle » (63-65). Cette théorie, comme les autres, est copiée par Delaunay (Tyrocinium, 15). Les cas, on le voit, sont les mêmes que pour lui et y. C'est toujours le même principe qui domine, on veut faire la distinction entre pronoms de personnes et pronoms de choses.

Bouhours accepte ce principe et blâme: Je ne m'arresteray point à écrire le progrés de sa maladie, ni à rechercher son origine, comme dit un bon Auteur. « Il falloit dire, ni à en rechercher l'origine, de même : Cette leçon est courte, mais son sens est bien étendu. En seroit mieux » (Rem., 157; cf. Suit., 356).

Les exemples des meilleurs auteurs prouvent combien il y avait loin de la règle à l'usage: On se croit naturellement bien plus capable d'arriver au centre des choses que d'anbrasser leur circonférence (Pasc., Pens., éd. Molin., I, 31); Tous ceux qui étaient là doivent venir à sa première représentation (Mol., III, 341, Crit. de l'Ec. des Fem., sc. 6); Mais quand vous avez fait ce charmant

1. Selon Bouhours, dans une mème phrase, tous les pronoms possessifs doivent se rapporter à la même personne qui possède; sinon il y a amphibologie. Et, lorsque plusieurs pronoms possessifs ont différents rapports, il faut tourner par le pronom en: Il se rendit tres-agréable à Dieu; il attire sa benediction sur son Royaume, et sur ses armes. C'est mal dit. Il faut dire: il en attira la benediction sur son Royaume et sur ses armes (D., 191-192).

Quoi qu'on die », Avez-vous compris, vous, toute son énergie? (Mol., IX, 126, Fem. Sav., v. 794-795); Et qu'il ne s'échauffát le sang à sa lecture (Rac., II, 184, Plaid., v. 479); Qui considéreroit bien le prix du temps, et combien sa perte est irréparable (La Bruy., I, 295, De la Ville); J'approche d'une petite ville,... une rivière baigne ses murs,... Je la vois dans un jour si favorable que je compte ses tours et ses clochers (Id., I, 233, De la soc.).

Regnier-Desmarais rabat déjà beaucoup de ces prétentions à faire une règle nette. Il affirme bien qu'on dit: Les fruits en sont excellents, et non ses fruits sont excellents. Toutefois, en parlant d'une maison, on dira: elle a ses beautés, ses agréments, ses commodités, ses défauts (Gram., in-12o, 239-260). Le xvш° siècle reprendra la question, et établira une des règles les plus vaines et les plus fausses de la grammaire française moderne.

DÉMONSTRATIFS ET ARTICLE. (Cf. t. III, 492). Après Vaugelas, tout le monde répéta qu'il n'était pas besoin d'un adjectif démonstratif, quand un nom était suivi d'un déterminatif ou d'une proposition relative: il m'a fait ce bien de me dire (Chifflet, Gram., 1700, 45; Th. Corn., dans Vaug., 1, 420; A., ib., 421; Bary, Secrets, 114).

De façon générale du reste on semble hostile à l'emploi emphatique de cet: En la premiere verdeur de son Aage et en l'orient de son regne est mieux que en cét orient de son regne (Bary, Rhet. fr., 247); je suis comme la chimere des fables, non comme cette chimere (Id., Secrets, 67). Cependant, d'après Andry, quand on cite un auteur connu, il est plus élégant de dire cet Auteur, ce Philosophe,... disoit cet Ancien (Suit., 33).

En réalité aucune règle rigide ne pouvait s'imposer: Ce ne sont point de ces grands vers pompeux, Mais de petits vers doux, tendres et langoureux (Mol., V, 461, Mis., v. 307-308); Et je vois votre sort malheureux à ce point, Que, vous sachant dupé l'on ne vous plaindra point (Id., II, 434, Ec. des Maris, v. 1093-1094).

[blocks in formation]

PRONOMS CONJOINTS. -- Ils étaient devenus des particules de conjugaison, et comme tels avaient été déclarés nécessaires. La règle faite à la période précédente était universellement admise. Tout verbe sans sujet substantif devait être accompagné d'un pronom sujet. Restait toutefois à savoir si dans des propositions étroitement coordonnées, dont les verbes étaient au même temps et au même mode, on imposerait la répétition du sujet. Personne auparavant n'y avait songé'.

Des grammairiens inférieurs le demandèrent. Richesource étudie la phrase ces douze pieces... batirent... Et furent si bien servies. « Le Relateur devoit repeter le nominatif du verbe, à sçavoir les douze pieces de canon, par Procureur, c'est à dire, par le relatif, et dire, et elles furent si bien servies » (Prise de Fribourg, 183).

A l'Académie on ne fut pas favorable à la phrase: nous dansons et rions, « qui s'appeloit l'ancien style » (Tall., Décis., 55). Elle demeura cependant en usage, ce qui permit à la langue d'exprimer une action complexe, tandis que nous rions et nous dansons semblait servir à marquer deux occupations distinctes, comme nous dansons et nous travaillons. Mais personne à cette époque ne parait avoir le sentiment de cette nuance.

Les exemples, sans pronom répété, sont nombreux: L'abbé de Saint-Cyran fit d'abord ce qu'il put pour le guérir de ses défiances; et même, voyant qu'il s'aigrissoit de plus en plus, cessa d'aller au monastère (Rac., IV, 411, P.-R.)2.

1. Bérain condamne : c'est pour cela qu'Alexandre voulut partir sur le champ, et commanda à ses Officiers (Nouv. Rem., 224). Mais ici il y a faute d'un que en même temps. Cf. elles nous dérobent... et nous font marcher.... « Il faloit pour la plenitude et pour la grace, qu'un pronom reïteré precedast la copulative... et qu'elles nous font marcher >> (Bary, Secrets, 156).

2. Voici qui est plus hardi : lui répondit la princesse et en demeura là (Perrault, Contes, 134); Pourquoi donc Del Rio accorde-t-il l'un et nie l'autre ? (Bayle, Dict., art. Zahuris, note A).

Un moi-même ne tient pas lieu du pronom conjoint je: « C'est une opinion orthodoxe, tous les Thomistes la tiennent, et moy-même l'ay soûtenue pour dire, je l'ay soûtenuë........ Cela est Gaulois. On l'a corrigé dans mon édition; et c'étoit peut-être une faute d'impression dans la vôtre » (Entr. de Cl. et d'Eudoxe, 210).

Quand le deuxième verbe était un pronominal, Chevreau eût voulu qu'on lui donnât ses deux pronoms, sans doute pour éviter toute confusion: Vous faschez leur repos et vous vous rendez coupables (Rem. s. Malh., I, 245). A l'Académie on se décida pourtant à tolérer l'ellipse, pour éviter la répétition des nous, vraiment trop nombreux, quand le premier verbe était déjà pronominal: Nous nous cachons et nous déguisons nos défauts. Nous est objet secondaire, et c'est le sujet qui manque, comme l'explique l'auteur (Tall., Décis., 54)1.

Dans les propositions non unies par une conjonction, la question de la répétition du sujet était plus délicate encore, la coordination, qui n'était pas matériellement marquée, étant de nature fort différente suivant les cas. Sur ce vers de Malherbe: Tu suis mes ennemis, t'assembles à leur bande, Ménage observe bien qu'il faudrait un second tu (Rem. s. Malh., II, 35). Cela ne veut pas dire qu'il l'exigerait dans tous les cas.

Il y eut à l'Académie une discussion sur la phrase: Vostre Republique eust elle plus de forces, elle doit céder à nos armes. La pluralité décida qu'on pouvait mettre elle ou l'ôter, mais « qu'en le repetant, on donnoit plus de force à la phrase ». Toutefois une minorité jugeait qu'alors le mot Republique « demeuroit suspendu et sans regime », ou que le verbe avait deux nominatifs, « ce qui n'est non plus permis en grammaire, qu'en bonne police d'avoir deux femmes (Reg., IV, 91-92).

Rien n'est plus curieux à étudier à cet égard que le texte de La Bruyère: Il entre une autre fois dans une assemblée, se place où il se trouve (I, 165, Du mér. pers.); au contraire: Celse est d'un rang médiocre, mais des grands le souffrent; il n'est pas savant, il a relation avec les savants (1, 166, Ib.). Les il servent à détacher les faits et les actes, à rappeler le personnage aussi : J'entends Théodecte de l'antichambre; il grossit sa voix à mesure qu'il s'approche ;..... il rit, il crie, il éclate.... Il mange, il boit, il conte, il plaisante, il interrompt tout à la fois (1, 220, De la soc.). Dans le portrait de Phédon, en trente-trois lignes, il y a quarante et un il sujets (1, 273-27k, Des biens de fort.). On

1. Nous ne sommes que mensonge, duplicité, contrariété, et nous cachons et nous déguisons à nous-mêmes (Pasc., Pens., 17, art. VI, éd. Havet, I, 75).

se tromperait en pensant que la grammaire seule y trouve son compte.

à

IL ET LES VERBES IMPERSONNELS. On continue à réduire à l'analogie les verbes impersonnels sans sujet. Marg. Buffet s'en prend peu s'en faut (N. O., 79). Il resta cependant usuel. On continue même à trouver faut1 et aussi reste2, semble3, suffit. Mais Chevreau condamne tous ces archaïsmes (Rem. s. Malh., I, 240-244). Ils appartiennent désormais à la langue familière, ou se conservent dans des locutions faites, qui ont valeur soit d'exclamation soit d'autre chose, qui ne sont plus en tous cas que des éléments lexicologiques. Dans les propositions ordinaires, il faut il. Comparez suffit, et il suffit que l'ennemi se montre pour que ces gens fuient.

Devant être, on com

DEMONSTRATIFS ET PERSONNELS, IL ET CE. mence à faire des règles pour fixer l'emploi de ces deux classes de pronoms Il convient: A) quand un adjectif suit le verbe: il est bon de; B) quand le nom qui suit est un nom de temps (Alc. de S-Maur., 70; Chifflet, Gr., 52); C) dans l'expression: il est force (Al., Nouv. Rem., 76-77; cf. Verit. princ., 116).

Si le verbe substantif précède un nom accompagné de son article, ou un pronom ou un nom propre, on se sert de ce : c'est moi, ce fut mon père, ce sera une chose ridicule. On dit aussi : c'est dommage, de préférence à : il est dommage (Mén., O., I, 520-521; A. de B., Refl., 112). Les exemples montrent que ces règles sont trop étroites. La langue allait cependant en ce sens.

DEVANT LE VERBE ÊTRE ET UN ADJECTIF. Furetière se demande s'il est mieux de dire il ou cela devant le verbe étre : « Est-il vray que cet homme fait tant de dépenses? Faut-il répondre : il est vray? ou cela est vray? » Il croit que les deux expressions sont bonnes. « Il est vray sous-entend que cet homme a fait des dépenses; cela est vray est la construction reguliere qui seule peut s'employer

1. Quand deux lettres semblables se suivent dans un mot, faut faire comme s'il n'y en avoit qu'une (d'Argent, Orth., 4666, 3); et faudra faire marcher le corps du regiment le long de l'Allier (Bussy-Rab., Mem., I, 388).

2. Boss., Expos. Doctr. cath., 1681, Avert., 10. Cf. J'y vois peu de danger. — Reste à chercher un gueux (Montfl., Dupe de s. même, act. III, sc. 5).

3. Mais on frappoit bien fort, me semble, à cette porte (Baron, Ec, des Pères, act. IV, sc. 10).

4. Teinture de corail, hydromel, lait...

[ocr errors]

Suffit (Montfl., Dame méd., act. II, sc. 6); Suffit que j'ai caché que je suis de Séville (Th. Corn., Gal. doubl., act. I, sc. 3; cf. Bours., Le Mort vivant, act. I, sc. 3).

5. Comment vous va? (Baron, Rend.-v. des Thuil., Prol., sc. 10; cf. Poisson, F. coq., act. I, sc. 2; Montfl., Amb. com., 3e Interm., sc. 4); M'est avis que j'y ferai fortune (Regn., Dém., act. I, sc. 7; cf. act. IV, sc. 1); laissez-le aller, après qu'il aura payé, s'entend (Regn. et Dufr., Suit. de la F. S-Germ., sc. 12; cf. Montfl., Trigaudin, act. IV, sc. 3).

« PreviousContinue »