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Les deux sens coexistent pourtant (cf. t. III, 341):

1° Mariane pour vous, s'estoit renduë aimable (Hauter., Bourg. de qual., act. V, sc. 2)1;

2o son indignation se rendoit trop forte (Segr., Nouv. fr., 1657, 6 nouv., 103)2;

S'EN ALLER SUIVI D'UN INFINITIF. - Il s'emploie, soit au présent, soit à l'imparfait, et il a le sens soit d'un futur, soit d'un futur dans le passé. Le tour est encore absolument classique. A cite Le Sermon s'en va commencer, s'en va finir.

:

Voici des exemples au présent: Avec la liberté Rome s'en va renaitre (Corn., III, 394, Cin., v. 226); La voici qui s'en va venir (Mol., VI, 273, Le Sic.. sc. 16; cf. Id., III, 252, Ec. des Fem., v. 1362); Et ce triomphe heureux qui s'en va devenir L'éternel entretien des siècles à venir (Rac., III, 171, Iphig., v. 387-388; cf. Id., ib., 202, Ib., v. 1024)3.

En voici à l'imparfait : Le vautour s'en alloit le lier (La Font., II, 364, v. 48)'.

Mais les puristes étaient hostiles à cette périphrase. Chevreau la juge basse (Ms. Niort, 126, dans Boiss.), et Regnier-Desmarais familière (Gram., 1706, in-12, p. 537). C'est le signal d'une décadence qui va commencer.

FAILLIR ET PENSER.

Andry de Bois-Regard considéraitque faillir n'était plus bon, malgré l'exemple de Coëffeteau et de Vaugelas, et qu'il devait être remplacé par penser (Suit., 99). Les exemples de penser sont en effet extrêmement nombreux. La suite a prouvé que l'opinion d'Andry était fausse. J'ai cependant voulu la rapporter, puisque nous sommes encore sans renseignements exacts

1. Qu'il (le lecteur) se rende donc attentif, non pas tant à ma parole qu'à l'ordre des jugemens de Dieu (Boss., Apoc., 77, Préf.); n'est-ce pas se rendre sourd à la verité eternelle (Id., Déf. de l'Hist. des Var., 63, § 17); Mais rendons-nous témoins du miracle tous deur (Montfl., Dame med., act. V, sc. 4).

2. Bon, voyons si son feu se rend opiniâtre (Mol., I, 166, Et., v 936); la dame se rendit Belle et bonne religieuse (La Font., V, 459, note 1); Et la fièvre, demain se rendant la plus forte, Un bénitier aux pieds va l'étendre à la porte (Boil., Ep., III, v. 4442); A cette fois, il se rend traitable (Boss., Apoc.. 700).

3. Un de ses fils s'en va mourir encore (Sév., III, 462); Que de rimeurs blessés s'en vont fondre sur nous (Boil., Sat., IX, v. 298); Que de biens, que d'honneurs sur toi s'en vont pleuvoir (Id., Ib., VIII, v. 186; cf. Id., Ép., VI, v. 91); il lui represente qu'il s'en va mourir (Perrault, Rec., 279).

4. Comme il s'en alloit accomplir son dessein, il ne trouva qu'une grande riviere (Sorel, Berg. extrav., liv. V, I, 334); Quand je sçeu qu'il vivoit depuis qu'il me vint dire Qu'il s'en alloit mourir (Del. de la po. fr., Lingendes, 742); Encore un peu, ma foi, je m'en allois les vendre (Corn., II, 94, Gal. du Pal., v. 1421).

LES FORMES SURCOMPOSÉES ET PÉRIPHRASTIQUES

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sur la date où un des deux semi-auxiliaires a commencé à éliminer l'autre1.

AUTRES PÉRIPHRASES VERBALES. Si quelques formes périphrastiques tombent en désuétude, en revanche celles qu'on conserve sont considérées comme un des agréments de la phrase. Les théoriciens sont parfois embarrassés pour les expliquer de façon un peu exacte; malgré cela, et la chose est assez rare pour être soulignée, ils les conservent et même les recommandent.

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Andry de Bois-Regard a, sous le titre d'Additions élégantes, une observation très caractéristique : « quand le Sublime vient à paroistre, dit-il, est mieux que... paroist; Là-dessus il arrive que cette Chrisis meurt est mieux que Chrisis meurt; Si Vous allez embarasser est mieux que... si vous embarassez; il commença... à se fácher est mieux que... il se fácha; Il se mit, il se prit à rire... est mieux que..... il rit » (Refl., 23-24). Il ne faut pas croire que la remarque soit particulière à ce grammairien de second ordre. Racine a souligné se mit dans une phrase de Vaugelas La cavalerie des Perses se mit à charger furieusement l'aile gauche (VI, 355, Liv. ann.). Et il est peu probable que ce fût parce que le tour lui déplaisait. Richelet dit : ce mot signifie souvent commencer à, et quelquefois il se met seulement par élégance. Là-dessus il cite Vaugelas et d'Ablancourt 2.

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Au mot aller, l'Académie note: Aller se met aussi quelquefois devant des verbes, pour donner seulement plus de force à l'expression: Il s'est allé s'embarasser dans cette affaire.... Il ne se dit qu'en mauvaise part.

Au mot venir, le même recueil observe: « façon de parler ordi

1. Richelet voudrait que le verbe faillir fùt suivi de à. Et il cite deux exemples: Il faillit à être lapidé (Abl., Rét.... 1, 1, v. 3); La nouvelle de sa mort faillit à la faire mourir (Bussy). On retrouve cette règle dans le Dictionnaire de l'Académie (A., A2).

Il y a beaucoup d'exemples conformes: ce certain homme que j'ai failli à épouser (Mile de Bussy, dans Sév., III, 436-437); je faillis à vous vouloir mal (S' Aignan, Ead., I, 497); Il avoit veu Lucrece dans cette eglise ( j'ay failly à dire : que j'ay déjà décrite) (Fur., Rom. bourg., I. 37); l'affaire s'est discutée avec tant de chaleur qu'on a failli à se battre (Id., Fact., I, 196). On trouve aussi de, mais au sens de « manquer de » : ne faillez pas de venir (La Rochef., III, 283).

2. Tous les Dieur se prirent à rire (Rac., VI, 136, Rem. sur l'Od.); elle s'est prise à pleurer amèrement (Mol., V, 316, Am. méd., act. I, sc. 6).

3. Avec les visions... qu'il est allé se mettre en tête (Mol., VIII, 47, Bourg. Gentilh., act. I, sc. 1); On me croyoit trop raisonnable... pour m'aller souvenir (La Rochef., II, 448). Les exemples sont si nombreux qu'il n'est pas besoin d'en citer. Je noterai ici que l'on rencontre encore parfois aller employé auprès d'un temps de verbe auquel il donne, comme en moyen français, le sens de tout à coup (cf. t. II, 364): Je m'alloy appercevoir que le Billet du Prince n'estoit que signé de sa main (Bussy-Rab., Mem., I, 255); II soupçonna même.... Il sçavoit qu'elle étoit artificieuse et d'une humeur fort jalouse. Enfin il alla se ressouvenir que le même jour que..... (Le grand Alcandre frustré, 72); enfin, avec le tour impersonnel Il me va souvenir que nous estions assez prés du logis de la Presidente (Bussy-Rab., Mem., I, 44).

naire qui se construit avec toutes sortes de verbes à l'infinitif, comme Venir à faire, venir à dire, sans rien adjouster de particulier au sens du verbe avec lequel elle se construit » (A.; cf. A3)'.

Au mot arriver, la deuxième édition du Dictionnaire porte : « Arriver, dans plusieurs phrases du style familier, Se joint impersonnellement à l'infinitif des verbes, avec lesquels il n'a d'autre signification que celle des verbes mesmes. Ainsi on dit, La premiere fois qu'il vous arrivera de faire telle chose, pour dire, La premiere fois que vous ferez, etc. ».

Quoiqu'il soit très dangereux de contester sur ce point avec des contemporains, il me paraît difficile d'accepter telle quelle leur opinion, d'après laquelle ces sortes de locutions n'ajouteraient rien au verbe. Il semble que, dans chacun des cas, elles expriment une nuance parfaitement sensible. Se met à pleurer contient l'idée d'entrer dans l'action, de même ils se prirent à pleurer est tout autre chose qu'ils pleurèrent. Pourquoi va-t-il se charger d'une pareille táche n'indique pas le mouvement, il n'est cependant pas synonyme de pourquoi se charge-t-il; on vint à parler de cette affaire semble insinuer que ce fut dans la suite de la conversation, sans préméditation ; s'il arrive que l'on plaise marque que c'est là le résultat d'un accident. Ce sont des formes qui, dans les langues analytiques, interviennent pour marquer l'entrée dans l'action, la soudaineté de cette action, etc., et qui jouent un rôle considérable dans l'expression de la physionomie véritable de cette action, en soulignent le caractère et les relations avec la suite des faits dont on parle.

1. En venant à vouloir voir clair aux effets de notre marquise (Mol., VII, 159, Av., act. IV, sc. 1; cf. Id., V, 175, D. Juan, act. IV, sc. 4, etc.); Par la suite du discours l'on vint à tomber sur celui que... (La Bruy., I, 36, Car. de Théophr.; cf. I, 208, 323, 349).

2. Qu'on se reporte au texte de La Bruyère: ils (les hommes) seroient peut-être pires. s'ils venoient à manquer de censeurs ou de critiques; c'est ce qui fait que l'on prêche et que l'on écrit.... On ne doit parler, on ne doit écrire que pour l'instruction; et s'il arrive que l'on plaise, il ne faut pas néanmoins s'en repentir (I, 105-106, Car.). Cf. s'il fallait que: S'il falloit qu'elle me vint visiter en équipage de grand-Dame, et qu'elle manquát par mégarde à saluer (Mol., VIII, 146, Bourg. Gentilh., act. III, sc. 11).

CHAPITRE XV

LES ADVERBES

I.

L'E FINAL.

ENCOR devient définitivement une forme irrégulière, usitée en poésie; en prose Vaugelas, Ménage, Th. Corneille imposent encore (Thurot, o. c., I, 183).

DONQUE

Il est tout à fait abandonné. Le Dictionnaire de Richelet le réserve à la poésie. A. donne les deux formes.

AVECQUE. - Il tombe en décadence. Ménage l'eût volontiers conservé devant consonne, sauf devant quelque, quelconque (O., I, 596). Richelet estime que ce mot « ne se doit écrire de la sorte en prose que pour rompre la mesure d'un vers, ou pour arrondir une période ». Th. Corneille hésiterait même en poésie, malgré la commodité, à s'en servir, et l'Académie conseille aussi de s'en passer (dans Vaug., I, 428-429; cf. Thur., o. c., 185).

Les poètes en attendant en usent et abusent: Vous étes romanesque avecque vos chimères (Mol., I, 107, Et., v. 31); et si mon sexe, avecque bienséance (Id., I, 172, Dép. am., v. 1057; cf. Id., IV, 466, Tart., v. 951, etc.); Pourquoi donc sortir avecque votre armée? (Rac., I, 402, Théb., var.); Et la guerre, Seigneur, nous plaît avecque vous (Id., I, 450, Ib., v. 958, var.; cf. Id., Ib., v. 920, var., et v. 956, var.)'.

A DROIT.

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Je ne sais si on peut considérer comme sérieuse une observation de Bérain indiquant qu'il faut abandonner la vieille

1. Boileau avait d'abord écrit: une ville importune, Où l'honneur est en guerre avecque la fortune (Sat., I, v. 129-130). Pradon critiqua: Avecque en trois syllabes à la fin d'un vers! L'auteur n'entend guère le nombre (Tri., 42, cité dans l'éd. B. S. P., I,78, n. 2). De même le passage suivant: Cependant à les voir, avecque tant d'audace, a été corrigé en : Cependant à les voir, enflés de tant d'audace (Boil., I, 43, Disc. au Roi, v. 33). Celui-ci : Et si leur sang loul pur, avecque leur noblesse, Est passé jusqu'à vous de Lucrèce en Lucrèce, est devenu Et si leur sang tout pur, ainsi que leur noblesse (Sat., V, v. 85). Toutefois Boileau a gardé : Tous les jours je me couche avecque le soleil (Sat., VI, v. 98; voir éd. B. S. P., I, 147, n. 5).

Cf. M'entretenir moi scule avecque mes douleurs (Rac., I, 568, Alex., v. 960); L'homme se porte en tout avecque violence (La Font., VI, 357, v. 311); Les Loups firent la paix avecque les Brebis (Id., I, 240, v. 2; cf. 297, v. 22, etc.; cf. Regn., Le Joueur, act. II, sc. 11; Le Lég., act. I, sc. 2; Mén., act. III, sc. 4; Démocr., act. V, sc. 5).

forme à droit en faveur de à droite. En effet Bérain en donne pour raison qu'on sous-entend main (Nouv. Rem., 198)'. A droit disparaîtra, mais on le trouve alors partout, et certains exemples ne laissent aucun doute: Votre haut appetit en prend à gauche, à droit, Et rien à votre goût n'est trop chaud ni trop froid (Th. Corn., Am. à la mode, act. IV, sc. 1).

II. EMENT OU ÉMENT. J'ai indiqué au tome III, 346, que les adverbes en ement avaient commencé depuis le xvIe siècle à prendre une forme nouvelle en ément (cf. Thurot, o. c., I, 126). C'est à l'époque où nous sommes que le mouvement s'est définitivement prononcé. Le P. Bouhours a essayé de poser la règle3: « quand l'adjectif masculin a un é fermé à la fin, l'adverbe qui luy répond a aussi un é fermé devant ment. Ainsi on dit asseûrément d'asseúré, démesurément de démesuré, aisément d'aisé, sensément de sensé, car cét adverbe est en usage depuis quelque temps; aveuglément d'aveuglé. On prononce de mesme, quand l'adjectif d'où vient l'adverbe, a une s à la fin, expressément, précisément, confusément, d'exprés, précis, confus. Au contraire, quand l'adjectif masculin n'a ni e nis à la fin, comme seúr, fort, etc., ou qu'il ou qu'il a un e muet, comme juste, horrible, etc., l'adverbe a toujours un e muet devant. ment, seûrement, fortement, etc., justement, horriblement, etc. Il y a trois ou quatre adverbes qui ne suivent pas la regle commune, communément, profondément, conformément » (Rem., 197-198). Th. Corneille se borne à reproduire cette règle (Vaug., II, 170).

C'est sur les derniers adverbes qu'on discute. Tout le monde rejette extrémément. Mais au contraire profondément, communé ment, conformément l'emportent sur profondement, etc. (Mén., 0., I, 5; Bér., Nouv. Rem., 191; Hindret, 124 et suiv.; cf. Rosset, Mél. Brun., 440).

Il faut se souvenir toujours à ce propos que l'accent est fort rarement employé à cette place dans les impressions. Un exemple

4. « Il n'y a qu'un moment qu'au commencement de l'article precedent le Relateur disoit, à droit, en masculin, et icy il dit en feminin, à droite, c'est à dire à main droite. le Relateur se donne le change. Il n'est pas assuré ny uniforme dans son style » (Riches., Prise de Fribourg, 183).

2. Outre qu'à droit, à gauche, et devant et derriere (Id., Comt. d'Org., act. V, sc. 8); on prend la Tabaquiere, Soudain à gauche, à droit, par devant, par derriere (Id., D. Juan, act. I, sc. 1); L'un à droit, l'autre à gauche (Boil., Sat.. IV, v. 43); Baccus et l'Amour font débauche Buvons à droit, buvons à gauche (Poisson, Foux divertis., act. III, sc. 12); Nous sommes attaqués à droit et à gauche (Boss., Fête de la Purif., éd. Leb., V, 21); il ne fait pas comme plusieurs, qui regardent à droit et à gauche (Id., Car. St-Germ.. Id., ib., 98); il biaise naturellement et va à droit ou à gauche (La Bruy., I, 258, Des biens de fort.; cf. S'-Sim., XIX, 73, etc ).

3. Vaugelas avait commencé (II, 468).

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