Page images
PDF
EPUB

verbes en e. Bouhours relève comme une faute grossière l'absence d's (Man. de b. penser, 286; cf. 377-378). Là où on la constate, ce n'est plus qu'une licence poétique ou une faute d'impression : Mais enfin que soupçonne-tu? (Palaprat, Le Grondeur, act. I, sc. 3).

TROISIÈME PERSONNE. Est-ce à cause de la difficulté d'orthographier le verbe vaincre à la 3e personne de l'indicatif présent qu'Andry de Bois-Regard déclare qu'il n'a pas d'usage à cette personne? (Refl., 697)'.

DIRE.

DEUXIÈME PERSONNE DU PLURIEL. L'analogie ne s'exerce pas sur le simple. Mais tous les composés tendent à prendre à la 2 personne du pluriel de l'indicatif présent le radical atone en s et la désinence en es. Ménage était pour médisez, contredisez, interdisez (O., 1, 384), il n'exceptait que dites. Andry approuve aussi vous médisez (Refl., 297); Richelet donne contredisez, dédisez (et, selon quelques-uns, dédites), interdisez, maudissez, médises. Tallemant rapporte qu'à l'Académie on avait décidé en faveur de vous maudissez, médisez, prédisez, interdises. On avait hésité entre dédisés, contredisés, et dédites, contredites (Décis., 78-79).

Il semble bien que ce soit à peu près l'usage. Nul doute pour redites, qui est partout; dédites est dans Molière (IV, 470, Tart., v. 1031); Littré a trouvé contredites dans Fénelon, mais médisez dans la Bible de Sacy.

LA DÉSINENCE EZ. Les grammairiens mettent une insistance. particulière à maintenir l'é fermé dans la terminaison des verbes : vous allez, vous irez, etc. C'est que quantité de gens prononçaient avec e ouvert vous verrais, vous prendrais (Ilindret, 89-90; voir Thur., o. c., I, 533).

LA DÉSINENCE IONS, IEZ 2. Th. Corneille reprit la question posée par Vaugelas. Quand la « penultiéme » renferme un i, dit-il, la règle veut qu'on ajoute un second i: afin que nous signifiions. De même : afin que nous envoyions. Cela vaut mieux que de mettre un î, car le lecteur averti prononce les deux i (Vaug., I, 199). Bouhours reproche à de Sacy un Quoi que vous voyez (Imit., 11, dans Rosset, o. c., 122). Et l'Académie approuve Th. Corneille (dans Vaug., I, 200). L'orthographe que Bérain avait imaginée : Lorsque nous le remercions (Nouv. Rem., 113-114), ne fut acceptée par personne. Dans les textes imprimés, l'orthographe est extrêmement variable. Les premières éditions de Molière conservent souvent l'ancienne.

A. Il vaine sur mer, il vainc sur terre (La Bruy., II, 431, Des jugements); La page 388 en convaine l'Auteur (Sent. crit. s. les Caract., 453).

2. Cf. t. III, 321-322.

manière d'écrire: Je veux que vous vous mariez, s'il vous plait (VII, 89, Av., act. I, sc. 4); je n'entends pas que vous fassiez de dépense, et que vous envoyez rien acheter pour moi (ib., 268, M. de Pourc., act. I, se. 7; cf. ib., 66, note, et Lex., XII, XCIX).

Ce qu'on trouve le plus souvent, c'est i, graphie très phonétique, du reste prenez garde qu'à force de trop croire étre Heros, vous n'oubliyez que vous estes homme (Petit, Dial. sat. et mor., 37); je ne trouveray ny beau ny bon, que vous riyez comme vous avez de coútume (Le Pays, Am., am. et amour., 37; cf. souciyez, Id., Ib., 39).

Mais elle n'a pas été choisie sciemment, car on rencontre aussi yï, si complètement éloigné de la prononciation: pour peu que nous fuyions, je vous laisse à penser de qui l'on se mocquera le plus (Bours., Lett. nouv., I, 263); Suffit que chaque jour vous voyïez Stéphanie (Id., Mort. viv., act. I, sc. 3); le Pape méme ne sçauroit vous la donner (l'absolution), que vous ne vous soyïez défait de ce pernicieux Bénéfice; et que n'ayïez promis de faire une pénitence (Id., Ib., I, 69).

DÉSINENCES DES DIVERSES PERSONNES DE L'IMPARFAIT DU SUBJONCTIF. On continue à trouver jusque chez des puristes, comme BussyRabutin, les confusions dont j'ai parlé au tome III (323-324) : Cependant je l'eus aimé davantage si j'eus pu l'estimer Corr., IV, 99); Elle ne pouvoit souffrir qu'un grand Heros comme le nôtre, qui l'avoit caressée tendrement l'abandonna avec tant de mépris (Espr. fam. de Trianon', 12; cf. Ib., 62, 95); Je voudrois bien que ma belle Commere Eust un Enfant, et que j'en fus le Pere (Airs et Vaudev. de Cour, I, 323).

On trouve aussi des 3s personnes à forme de 1res: scachant bien que pour sauver une place à son Maistre, où les soldats se voudroient rendre faute de payement, il ne trouveroit pas mauvais que l'on fisse de la fausse monnoye pour les contenter (Bussy-Rab., Mem., 1, 385-386)2; ces confusions étaient un signe indubitable de décadence de l'imparfait du subjonctif 3.

DÉSINENCES DES PASSÉS SIMPLES. Ménage hésite encore entre vescut et vesquit (O., I, 384), avec une préférence pour le second, comme

4. Esprit familier de Trianon ou l'Aparition de la duchesse de Fontange. Paris, Vve de Jean Felix, 41695.

2. Cf. un exemple un peu plus ancien : vous en parlez avec un geste desdaigneux que je ne voudrois pas qu'il eüsse veu (Lett. d'Av. et Serv, 1650, p. 18).

3. Dans le Nivernais, voisin du pays de Bussy, il se conserve encore des traces d'imparfait du subjonctif, mais il s'emploie sans distinction des personnes : Il faudrait qu'il fu et que je fu.

Vaugelas. Andry de Bois-Regard juge aussi qu'il véquit est d'un style plus élevé, et cite les orateurs: Les Chrestiens vesquirent dans la terreur (Fléchier, Refl., 704). Richelet ne donne que véquis.

:

On le trouve fort souvent ce vaillant Sésostris, Qui jadis en Égypte, au gré des destinées, Véquit de si longues années (Rac., IV, 191, Epigr., v. 3); Je suis aussi malheureux que Priam qui survéquit à tous les siens (Menagiana, I, 84). De même à l'imparfait du subjonctif: la providence,... a voulu qu'elle survesquist à ses grandeurs (Boss., Rec. Or. fun., Henr. de Fr., 71; cf. éd. Lebarq, V, 544, qui prétend qu'il y a là une correction d'imprimeur).

Cependant, en réalité, vécus était plus usité, et il triompha à l'Académie. Les formes en vesquis sont inusitées, dit-elle (dans Vaug., I, 196; cf. Tall., Décis., 82).

Prévis triomphe définitivement de prévus (Mén., O., I, 384 et addition, 606; Richel.; A.; A)'.

DÉSINENCES DES PARTICIPES PASSÉS. LES PARTICIPES EN U. J'ai signalé (t. III, 325) la victoire de mordu sur mors. Ménage la confirme (O., I, 90), et appuie en même temps tordu, aux dépens de tors (lb.). « Tors se dit encore, observe d'Aisy; Je lui ai tors le cou. On commence à dire tordu, qui finira par l'emporter » (Gén., 164). En effet Furetière signale encore les trois participes, «< qui se disent en certaines occasions » : Il a eu le cou tordu par le diable. Ce rheume luy a rendu le col tors. Il a eu naturellement une jambe torte. Mais A. et A marquent très nettement que tors et tort ne sont plus que des adjectifs.

ABSOUS. Il n'est pas discuté. Absolu a un autre sens. On le dit aussi en parlant du Jeudi saint (Tall., Décis., 151).

RÉSOUS, RÉSOUT. Ils se maintiennent auprès de résolu. Furetière donne: Cet homme est bien resout à la mort, cette question est resoute ou resoluë en tel endroit. A. précise un peu plus: « resous ne se dit guere au feminin, et n'a d'usage qu'en parlant des choses » (même observation dans A2).

Furetière accepte aussi dissolu, avec sens spécial, auprès de dissous.

1. Il est question dans la Maniere de parler des formes comme j'alli; elles sont jugées aussi patoises que j'étudia (100 et 55). Ce doit être une plaisanterie dans des vers

[blocks in formation]

BÉNIE ET BÉNITE. Vaugelas avait essayé de faire à chaque forme sa part. On raffina après lui. Richelet est visiblement embarrassé. Il cite l'opinion de Vaugelas, puis un exemple de PortRoyal qui la contredit. L'Académie estime que, même en parlant des choses saintes, on peut dire bénie (dans Vaug., I, 388). Andry a trouvé mieux: «benite convient, quand il s'agit de la bénédiction de l'Eglise sur une chose, beni, benie, quand il s'agit de la protection particuliere de Dieu sur une personne » (Refl., 86-87). S' Réal, plus sage, estime qu'il n'y a pas grande distinction à faire, et il serait plutôt pour l'autorité de Vaugelas (De la crit., 94). Andry de Bois-Regard revient à la question et ne garde plus bénit que dans les expressions pain benit, cierge benit, eau benite, viandes benites, un Abbé benit'; en somme quand il s'agit de cérémonies ecclésiastiques et des « prieres que l'Eglise fait pour obtenir du Ciel des graces sur les choses ou sur les personnes qu'elle consacre à son service » (Suit., 23-27).

Bossuet, en parlant des personnes, a employé tantôt une forme, tantôt l'autre toute créature de Dieu est bonne et benie par la main de Dieu qui l'a faite (Catech. des festes, 10); chacun pouvoit esperer d'avoir part à sa naissance par les filles de sa race qu'on pourroit marier dans ces familles benites (Déf. des Var., 222-223, § 66). Dans une seule et même phrase on lit benit et beni: Je vous saluë Marie... Vous estes benite pardessus toutes les femmes, et Jesus le fruit de vos entrailles est beni (Catech. de Meaux, 6)2.

EXCLUE ET EXCLUSE. Excluse était généralement reçu : Pourquoi de ce conseil moi seule suis-je excluse? (Rac., II, 521, Baj., v. 934); se voir excluse d'un asile (La Font., VIII, 175, Psyché). Furetière, A. et A donneront encore ce féminin. Cependant nous savons par Ménage que l'usage se prononçait pour exclue (0., I, 275)3.

4. Cette nouvelle abbesse fut benite (Bussy-Rab., Fr. gal., II, 492).

2. Fruit est-il pris au sens propre? Est-ce un nom de chose? Mais même les choses peuvent être bénies. A côté de cau benîte (Hist. des Var., 1, 381), sel benit (Catech. des festes, 9), Bossuet a pain beni (Hist. des Var., I, 381).

3. Cf. parce qu'elle l'en auroit infailliblement exclus (Fur., Fact., I, 300); à ses nopees dont il ne veut pas qu'aucun soit exclus (Id., Par. de l'Evang., 197); dans Bossuet on trouve presque toujours excluse : la certitude de la prédestination semble tout-à-fait excluse (Hist. des Var., II, 99); Par les principes qu'on établit en l'article XXVIII. l'Eglise Romaine est excluse du titre de vraye Eglise (Ib.. II, 314; cf. Ibid., 431; Expl. Messe, 134; Mar. Com., 92; Est. d'Or., 287, 253). Toutefois voici un exemple contraire jamais les veuës particulieres et les mauvaises gloses ne sont plus excluës (Tr. de la Com., 249).

:

CHAPITRE XII

ÉCHANGE DE CONJUGAISONS

[ocr errors]

PASSAGE A LA CONJUGAISON INCHOATIVE. Le mouvement n'était pas arrêté alors, il n'a jamais pu l'être. Cependant on le sent contrarié, et quelquefois les théoriciens arrivent à empêcher les progrès de l'analogie1.

CUEILLIR.

Jusqu'à quel point cueillir a-t-il menacé de changer de conjugaison? Il est certain que plusieurs disaient cueillis au lieu de cueille (cf. t. III, 304); Andry de Bois-Regard réfute avec vivacité ces gens qui, guidés par l'analogie de vieillir, conjuguent: je cueillissois (Refl., 144-145)2. On prit une décision contre eux dans un bureau de l'Académie (Tall., Décis., 163).

VÈTIR. -- J'ai signalé, au tome III, 304, l'apparition des formes inchoatives dans vestir : je vestis. Tous les caudataires de Vaugelas répètent la condamnation qu'il avait prononcée (ainsi Marg. Buffet, N. O., 48). Furetière, l'Académie conjuguent à la façon correcte, que ne vous vestez-vous mieux? (A2). Richelet est plus embarrassé, il préfère sacrifier le verbe qui «< ne se dit point au présent de l'Indicatif, ni même à l'Imparfait ».

Comme, malgré tout, ce verbe était encore d'usage, il se rencontre, le plus souvent, sous la forme autorisée: Revétons-nous d'habillements (Rac., III, 475, Esth., v. 311); des hommes avides qui se revétent de toutes les conditions pour en avoir les avantages (La Bruy., I, 316, De la Cour; cf. La Font., VIII, 273, Le songe de Vaux, et Mol., IX, 549, Val de Gr., v. 155); dont on se vétoit pour luy faire honneur (Fur., Par. de l'Evang., 198).

Bossuet a plusieurs fois employé la forme condamnée: on revestit ses pensées des paroles dont on se serviroit pour les exprimer à

A. Hair est définitivement arrêté à mi-développement. Il n'est pas rare de trouver hait, même dans des textes littéraires : elle les méprise, elle les haït, elle les a en horreur (Sent. crit. s. les Caract.. 179). Mais la série hybride des formes s'impose peu à peu. 2. Au même endroit, Andry condamne l'infinitif cueiller, d'après je cueille et sans doute aussi d'après je cueilleray.

« PreviousContinue »