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COMME QUOI. — La vogue de comme quoi dura peu (cf. t. III, 296). En 1675, N. Bérain le trouvait déjà incorrect (Nouv. Rem., 108). Th. Corneille, l'Académie aussi le considérèrent comme vieilli (dans Vaug., II, 12-14). La distinction de comme et comment contribua peut-être à cette décadence.

PRONOMS ET ADJECTIFS INDÉFINIS

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QUELQUES UNS. — Le pluriel de quelque (devenu mot composé et prononcé quéque) allait-il être marqué seulement à la fin du mot: quéq-uns, quéq'unes, ou bien l'orthographe allait-elle l'emporter et faire prononcer peu à peu queques unes? Thurot ne semble pas avoir aperçu la portée du témoignage d'Ilindret, qui donne comme douteuse et arbitraire la liaison (quéquez enfants). Cela équivaut à dire qu'on prononçait quéq-unes. Nous le savons du reste par Alemand, qui recommande d'éviter cette faute et de dire quelques uns, quelques unes (Nouv. Rem., 469-470). Le triomphe de la langue savante n'a pas été immédiat.

UN.

J'ai noté la décadence de ce pronom (t. III, 300). Il achève de disparaitre'.

UN CHACUN. Un chacun aurait surtout été bon après préposition, suivant Andry (Refl., 706). Amelot de la Houssaye reproche à son adversaire d'en faire abus 2. On trouve en réalité le plus souvent d'un chacun. Mais la locution se rencontre aussi sans préposition, surtout dans la langue familière : Ci git, parmy les trépassés, Qui jouoit un chacun, d'une impudence extrême (De Visé, Epitaphe de Mol., Nouv. Coll. Mol., 50, à la suite de l'Or, fun. de Mol.); Un chacun Fem.. v. 272); A peine pouvez-vous dire comme il se nomme (Id., V, 444, Misanth., v. 22); Apprenez-moi comme il faut faire une révérence (Id., VIII, 70, Bourg. Gentilh., act. II, sc. 1; cf. IX, 454, Fem. Sav., v. 1083; VII, 322, Pourc., act. III, sc. 2; I, 223, Et., v. 1774; VIII, 472, Scap., act. II, sc. 6; VII, 134, Avare act. III, sc. 1; III, 281, Ec. des Fem., v. 552 et suiv.; VII, 88, Avare, act. I, sc. 5; IV, 154, Prine. d'El., v. 347); J'ai écrit à la petite Deville pour savoir comme vous ferez pour vous faire saigner (Sév., II, 251); afin que je sache au moins comme elle se porte (Ead,, Ib.. 247). 1. Voici quelques exemples parmi les derniers : Que je négligerois près d'un qui valút mieux (Corn., II, 437, Suiv., v. 224, var.); je croy Qu'un qui peut s'exempter d'une si doure loy (d'Ouv., Coif. à la Mode, act. III, sc 1); Il m'importe, Monsieur, de l'honneur de la vie. Que vous vous opposiez à la jalouse envie, D'un qui me veut connoître et brûle de me voir (Id, L'Espr. foll., act. I, sc. 2); bref, d'un qui n'a Vu de longtemps plat ni marmite (La Font., IX, 207, v. 17-18); Un qui n'avoit jamais sorti de Corinthe commençoit ainsi son histoire (Rac., V, 496, Trad ).

2. ((

Il n'y a pas de patience qu'il ne pousse avec ses un chacun. Cette façon de parler luy est si familiére qu'il l'employe trois fois en quatre lignes qui se suivent (M. 195, Mor. de Tacite). Ce qu'il y a de bon, dit-il, dans ton chacun, c'est un utile sçavoir : Le sage estime tout le monde, parce qu'il sçait ce qu'Un chacun a de bon. Le foù méprise Un chacun. Cette Cacophonie, ou mauvais son, d'un et de chacun, le chatouillo si fort, qu'il affecte de dire tout de suite en parlant des défauts: Un chacun en a un (M. 225) » (Perr. d'Abl. vengé, 16). Il n'est pas exact, comme Haase le rapporte, que Richelet ait déclaré un chacun hors d'usage. L'observation n'est pas de la première édition.

qui connest ce que vaut un thresor (Chevr., L'Adv. dup., act. II, sc. 2); Si-tôt que l'on les lit, un chacun nous vient dire (Montfl., Impr. de UHót. de Condé, sc. 4).

QUI, QUI. Cette locution se releva, mais lentement, de la condamnation portée par Vaugelas (cf. t. III, 299). Th. Corneille (Vaug., I, 121), Richelet, Furetière lui-même considéraient l'expression comme « du bas style ». L'Académie la sauva. Tout en recommandant de ne pas en abuser, surtout devant les verbes, elle estima que cette façon de parler, « plus courte que celle qu'on luy peut substituer, fait aussi une peinture plus vive dans le stile soustenu >> (dans Vaug., 1. c.).

QUEL QUE. Vaugelas avait observé que c'était une faute commune aux provinces méridionales de dire quel mérite que l'on ait. Il fallait, suivant lui, quelque merite. Toutefois « pour éviter la cacophonie, on laissait subsister quel devant un que qui suivait immédiatement, en le joignant à ce que quelle que puisse estre la cause de sa disgrace. Si on interpose un

mot, il faut rétablir que quelque enfin que puisse estre la cause de sa disgrace disgrace» (I, 231-233).

La première partie de la règle fut copiée par tout le monde à peu près et passa sans conteste. Pour le cas exceptionnel, Patru eût voulu maintenir quelque que, àla grande indignation de La Mothe le Vayer (Euv., II, 638). Th. Corneille protesta aussi. Devant un que on rétablissait quel, qu'on « déclinait », au lieu de quelque : quelle enfin que puisse estre la cause (dans Vaug., I, 234). Ce fut aussi l'avis de Richelet et de l'Académie. Bouhours se prononça pour quelque sage qu'il soit (Suit., 288). L'usage commençait donc à se fixer définitivement, même dans le cas où quel, quelque était attribut de étre. Avec un autre adjectif, user de quelque. Sans adjectif, de quel variable.

TEL QU'IL SOIT. J'ai noté (t. III, 299) la confusion entre cette locution et quel qu'il soit. Après la condamnation de Vaugelas,

1. De cette marchandise un chacun s'accommode (Id., Ec. des Jal., act. III, sc. 6); Loin de nous en blamer, un chacun nous en loue (Id., Gentilh. de Beauce, act. I, sc. 2); Mais faut il qu'aux yeux d'un chacun, Son désespoir soit sans exemple (Poisson, Four divert., act. I, sc. 8); Hautement d'un chacun elles blåment la vie (Mol., IV, 405, Tart.. v. 437). Il en est de mème de tout chacun : Une histoire..... Dont le discours parfait à tout chacun fait croire (Malh., I, 291, v. 7); Je n'ay qu'à consentir que tout chacun m'adore (François Doneau, La Cocue imag.. sc. 16; cf. Montfl.. Crisp. gent., act. II, sc. 5).

Il est dit à tort (t. III, p. 297) que certain cède à un certain. Ainsi rédigée, l'observation n'est pas juste, elle est beaucoup trop générale. Il est vrai qu'on dit un certain nombre et plus certain nombre. Mais c'est un cas particulier.

:

2. Voici des exemples contraires en quel lieu que ce soit (Mol., III, 92, Fách., v. 762); Apporte-le moi (mon juste au corps) en quel état qu'il soit (Baron, Homme à bonne fort., act. IV, sc. 8); Quelle violence que je me fasse (Mol., VI, 592, G. Dandin, act. III, sc. 7); faut commencer..... et avoir des témoins, à quel prix que ce soit (Matròne d'Ephèse. Th. Italien, I, 34).

On trouvera au paragraphe suivant des exemples conformes à la règle.

d'autres s'accumulèrent (Th. Corn. et A., dans Vaug., II, 136-137; Richel., Dict.; d'Aisy, Gén., 133).

Corneille était visiblement embrouillé, et ne savait plus quoi choisir de quel, tel, quelque. En 1660, il met tel dans le vers 829 de Cinna, où il avait d'abord mis quel: Je crois que Brute méme, à tel point qu'on le prise, Voulut plus d'une fois rompre son entreprise (III, 421, v. 829-830). Les exemples de tel que se prolongent fort tard, et la langue populaire l'a gardé Le Prince le pressa encore plus qu'auparavant, s'offrant de le servir en sa recherche telle qu'elle pust estre (Segr., Nouv. fr., 1656, 4° nouv., 23); Allez, tel qu'il puisse étre, avecque cette somme, Je vous suis caution qu'il est trèshonnéte homme (Mol., II, 163, Sgan., v. 11-22)'.

On continue à

INTRODUCTION DE L'ARTICLE DANS CERTAINS PRONOMS. discuter où il faut se servir de l'on de préférence à on. Je donnerai en note les principales remarques. Elles paraissent « de peu de conséquence » même à quelques-uns de ceux qui les font. Il est visible que l'on cède à on. L'opinion la plus nette est celle de Richelet: « l'on et on se disent, mais on est le meilleur. Dans Patru, il n'y a pas une seule fois l'on ». Il n'y a rien à tirer des textes, où l'euphonie, les exigences de la mesure ont décidé les écrivains.

Ménage se fût volontiers attaché à distinguer un de l'un : « Il faut dire J'ai dit à un de vos amis. J'ai vu un de vos amis, et non pas : à l'un de vos amis, ny l'un de vos amis. L'un ne doit être en usage que quand on dit: l'un devant l'autre. Je sçay que nos meilleurs Auteurs ne sont pas de cet avis; c'est pourtant comme il faut écrire, et comme il faut parler» (Menagiana, II, 341). Ainsi que la fin de l'observation le laisse apercevoir, l'usage n'en était pas là: Mais par ce cavalier, l'un de ses plus fidèles (Mol., II, 324, D. Garc., v. 1780)3.

1. Ne négliger ses fautes, et ne les croire petites, telles qu'elles soient (Rac., VI, 308, Liv. ann.); on ne met pas la main sur un tel qu'il soit, qu'on n'ait envie de le lire tout entier (Sév., VI, 436); Tel qu'il soit, une femme a toujours le talent De rendre son Epoux aussi souple qu'un gand (Baron, Le Jal.. act. IV, sc. 4).

2. «Quand les membres de la période sont joints par la conjonction : On vous aime et l'on vous estime. Je vous assure qu'on vous aime et que l'on vous estime; ou je vous assure que l'on vous estime, et qu'on vous aime. J'aimerois mieux dire, On vous estime et on vous aime, que de dire comme les Puristes, L'on vous estime et on vous aime. Mais après tout, cela est de peu de consequence » (Fur., Rem., 251-252). « On est meilleur que l'on, qui apporte d'ordinaire quelque langueur dans le style » (Regnier-Desm., Grum., in-12, 247). Il ne faut jamais commencer un discours par l'on. On est bon après les finales en é, pourvu que l'on puisse marquer une légère pause entre les deux mots: hormis cette pause, l'on est nécessaire... Entre qu'on et que l'on l'oreille est le meilleur juge (A., dans Vaug., I, 68-69).

3. Cf. Ce qu'un jour il abhorre, en l'autre il le souhaite (Boil., Sat., VIII, v. 39). On aurait pu mettre un autre, dit Brossette (éd. B. S. P., I, 162, note).

CHAPITRE X

LES RADICAUX DU VERBE

A. INDICATIF ET SUBJONCTIF. INFINITIF ET PARTICIPE

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(Cf. t. III,

ALTERNANCE OU-EU. TROUVER, FLORIR, POUVOIR. 309). Ménage, comme Vaugelas, condamne treuver (O., 1, 380; cf. Bér., Nouv. Rem., 33). Richelet le regarde comme une licence poétique. Cet infinitif analogique n'est plus dans Furetière, ni dans l'Académie'.

Quant à la vieille forme treuve, Molière l'avait employée dans l'Étourdi (1, 227, v. 1832). Je ne sache pas qu'il s'en soit servi plus tard. Chez La Rochefoucauld, je treuve ne figure que dans l'édition de 1659 (I, 8); chez Racine, c'est une forme qu'on ne rencontre que dans des notes ou dans la Thébaïde. Les Lettres même (sauf VII, 173) portent toujours des formes à radical en ou. En général, les formes en eu sont rares, et La Fontaine imite la vieille langue. quand il rime en treuve (II, 376, v. 3).

L'histoire de fleurir est particulièrement intéressante. C'est un bel exemple des distinctions artificielles chères aux théoriciens du temps. J'ai montré précédemment l'extension des formes en flo (t. III, 310). Vaugelas avait décidé qu'on disait « fleurissant au propre : un arbre fleurissant, mais plustost florissant au figuré, et de même à l'imparfait » (II, 203). Patru accueillit cette remarque avec beaucoup de scepticisme; suivant lui, le radical en fleu était bon partout, même au figuré, comme le prouve un passage des Remarques. Au participe, florissant était peut-être meilleur, mais ne s'imposait pas (lb.). L'usage, comme bien on pense, était très incertain. Ainsi Bossuet se sert indifféremment des deux imparfaits: En ce temps Homere fleurit, et Hesiode fleurissoit trente ans avant luy (Hist. Univ., 26); les royaumes d'Orient, où fleurissoient les plus anciennes

1. Il était encore dans Molière (I, 168, Et., v. 952).

2. On les retrouve chez les burlesques: Loret, 16 juin 1652, v. 166; 17 janv. 1660, v. 6; 29 mars 1664, v. 54, etc.

et les plus celebres Monarchies de l'Univers (Avert. aux Prot., Ve, XLV, 406); Le matin, elle fleurissoit; avec quelles graces, vous le sçavez (Rec. Or. fun., Madame, 123); Gerson qui florissoit quelque temps aprés (Est. d'Or., 2); Théodose, sous lequel tous ces grands hommes florissoient (Apoc., 624)'.

A plus forte raison trouve-t-on au figuré le présent fleurissent : Deux sortes de gens fleurissent dans les cours (La Bruy., II, 247, Des espr. forts); La France excelle aux arts, ils y fleurissent tous (La Font., IX, 201, v. 12).

Mais l'avis de Bouhours, conforme à celui de Vaugelas (D., 36), fut rectifié par l'Académie (dans Vaug., II, 204). Dans son Dictionnaire, elle donne florissant, et à fleurir remarque: Au sens figuré il fait florissoit à l'imparfait de l'indicatif. La règle s'imposa2.

Dans le verbe pouvoir, les puristes n'acceptent plus que je puis (Regn.-Desm., 443) et commencent à condamner je peux.

ALTERNANCE AI-E, OI-U. FAIRE. Bèze avait déjà remarqué au XVIe siècle la prononciation parisienne fesant pour faisant, et l'avait blâmée. Ménage constate qu'elle a prévalu, et qu'il faut dire fesant, comme je ferois, et feray (0., 1, 379). Tous les textes des Grands Écrivains donnent faisant. Mais, même en admettant que ce soit là l'orthographe des éditions originales, elle ne reproduit pas la prononciation (voir Thur. o. c., I, 313).

Au subjonctif, on trouve le radical en ai; ainsi les autographes de la jeunesse de Racine donnent faisions, faisiez (V, 570, 582, Lett.). Et ce qui prouve que cette forme analogique se rencontrait, c'est que de Callières s'est cru obligé de la condamner (Du b. et mauv. us., 136).

Ménage condamne la forme provinciale boivant, pour buvant (O., I, 271). Ce n'est pas par excès de parisianisme, car au même endroit il rejette la forme des badauds de Paris je buray.

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ALTERNANCE 01-I. PLOYER, PLIER. Vaugelas professait que plier et ployer avaient des significations fort distinctes : plier, c'était mettre par plis, par exemple: plier du papier; ployer, c'était

1. Comparez dans Racine: o saintes destinées, Qui prenez soin de ses jours fleurissens (IV, 88-89, v. 78-79); son trône florissant (III, 62, Mithr., v. 877).

2. Pour Th. Corneille, florissant et florissait étaient bons Partout ailleurs le radical était fleu. Dans les Dictionnaires les indications sont à peu près semblables. Ainsi Pomey dit les sciences fleurissent maintenant, mais L'éloquence florissoit pour lors, une armée florissante. Guy Miege le copie. Richelet est plus net encore: florir pour lui ne s'emploie qu'au figuré (les exemples qu'il donne sont tous à l'imparfait ou au participe). Furetière n'admet fleurissant qu'au propre et donne l'exemple: les lettres florissoient autrefois en Grèce.

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