Page images
PDF
EPUB

distes dans les îles. L'auteur, « en acceptant la tâche d'écrire ce livre, » a voulu s'acquitter de la dette de reconnaissance qu'il avait contractée par sa naissance et par sa foi envers ce petit archipel.

Son travail n'est pas un récit abrégé ; c'est bien une « histoire, » et une histoire détaillée, puisée aux sources et sérieusement étudiée. Malgré les difficultés inhérentes au sujet, M. Lelièvre a réussi à tracer un tableau complet de la vie religieuse dans les îles de la Manche. Son ouvrage se divise en quatre livres, suivis d'un appendice qui contient la liste des ministres et des missionaires wesleyens, et celle des chapelles méthodistes des îles. Les huit gravures qui ornent ce volume ne sont pas ce qu'il renferme de mieux, ni quant au choix des sujets, ni quant à l'exécution.

XVIIIe siècle, et sortir de cette mort spirituelle à la voix des chrétiens méthodistes.

C'est des commencements du méthodisme que s'occupe le second livre. Nous y voyons ce que peut produire le témoignage fidèle d'un simple chrétien. Quelle illustration de ce que doit être l'activité laïque sérieusement comprise, acceptée et pratiquée ! L'auteur nous montre successivement à l'œuvre les premiers convertis des îles, le sympathique et humble Brackenbury, Jean de Quetteville, le savant Adam Clarke, et enfin

last not least la belle figure de Wesley, brûlant de zèle et infatigable malgré ses quatre-vingt-quatre ans, tous aidés et soutenus par les prédicateurs laïques.

On est heureux de faire connaissance avec ces fidèles évangélistes; on admire leur courage, leur patience dans la persécution; la vue de leur foi, de leur puissance, fortifie, et l'on s'arrête pour demander à Dieu de pouvoir leur res sembler.

« Le méthodisme insulaire, une fois

Le premier livre retrace l'état des iles de la Manche jusqu'au XVIIIe siècle. Cette partie du sujet, la plus difficile à écrire par suite de l'absence de documents imprimés et de la rareté des chroniques manuscrites, n'avait pas encore été étudiée. Il est très intéressant de voir les îles, à cause de leur positionné, devait prouver son droit à la vie en entre la France et l'Angleterre, subir tour à tour l'influence de ces deux pays; passer insensiblement du catholicisme à la réforme, grâce aux réfugiés français, vers 1550, pour retomber sous le joug de Rome ensuite des efforts de Marie Tudor et de ses ministres; puis se constituer en Eglises presbytériennes à l'exemple et sous la direction des Huguenots, pour subir à nouveau l'influence anglaise et, après une longue résistance, s'endormir dans l'anglicanisme à la fin du XVIIe siècle; accepter enfin l'incrédulité et l'immoralité du

traversant cette lutte pour l'existence qui est la crise nécessaire dans la vie des sociétés comme dans celle des individus. » Cette crise et son heureuse issue nous sont racontées dans le troisième livre. Après une longue lutte, les chrétiens méthodistes obtiennent la liberté de conscience et commencent des travaux d'évangélisation et de mission, en France, « d'où le protestantisme était venu aux iles; en Amérique, d'où leur était venu le méthodisme. » Ce livre, ainsi que le suivant, contient sur les prédicateurs et les lieux de culte beau

coup de détails qui embarrassent la marche du récit et qui fatiguent un peu.

Le quatrième livre se termine par une caractéristique de la vie religieuse dans les îles. « Le méthodisme, y lisons-nous, a eu une influence considérable sur l'état moral et religieux de la population des îles de la Manche. On a pu dire avec raison qu'il n'y a pas, sur la face du globe, de territoire d'égale grandeur sur lequel il y ait autant de lieux de culte; on peut ajouter qu'il n'y en a peut-être pas où la proportion des chrétiens vivants et pratiquants soit plus forte. L'adoucissement dans les mœurs générales, le respect universel pour la religion, le haut degré de civilisation, le développement extraordinaire des ressources et de la richesse du pays, sont des résultats indirects du mouvement religieux que nous avons raconté. »>< (Pag. 557.)

Ceux qui ne connaissent du méthodisme que le nom, devenu un surnom et une flétrissure pendant nos troubles religieux, ou même la chose, le méthodisme tel qu'il se présente dans notre pays, trouveront peut-être cet éloge exagéré. Mais tous ceux qui savent, par le beau livre du même auteur sur Wesley, ou autrement, ce que le méthodisme a fait pour l'Angleterre et l'Amérique, tous ceux-là tiendront à en suivre le développement dans les îles de la Manche. Ils jouiront, comme nous, de l'exposé clair, sobre et complet que nous en a donné M. Lelièvre.

Complet, disons-nous. Peut-être devrions-nous dire trop complet. « Composé rapidement au milieu des nombreux travaux d'un ministère fort occupé, » ce livre, « œuvre de piété filiale, » a

peut-être dépassé les limites qu'il devait avoir pour s'adresser au grand public. L'auteur n'a sans doute pas eu le temps d'être plus court. Le monument en est quelque peu lourd ; il porte trop de noms et d'inscriptions.

Pourquoi parler de tous ces hommes excellents, je le crois, zélés pour l'avancement du règne de Dieu et le salut des àmes, mais qui, en rendant leur témoignage, n'ont fait que leur devoir ? Pourquoi ne pas s'être borné aux grands nors Brackenbury, Clarke, de Quetteville? Pourquoi s'étendre si longuement sur la partie matérielle de l'œuvre, la construction et le coût des chapelles? Parce que tous ces détails, répondra l'auteur, intéressent vivement les chrétiens des îles. « Composé au milieu d'elles et pour elles, » cet ouvrage leur est spécialement « dédié. » Cette réponse atténue nos critiques sans les effacer complètement. Au reste ce livre est assez intéressant pour s'adresser à tous, et assez riche pour que les chrétiens de toute dénomination en profitent.

Puisse ce souffle d'en haut qui, par le moyen du méthodisme, comme l'a écrit M. Edm. Scherer, « a changé la face de l'Angleterre,» puisse ce souffle d'en haut passer bientôt sur notre pays, nous réveiller et vivifier nos Eglises! << Tout est possible à Dieu, tout est possible à celui qui croit. » Rien ne le montre mieux que l'histoire du méthodisme.

[blocks in formation]
[blocks in formation]

D

en agir à sa guise et ne compter avec personne. En séance, M. Saxer, directeur de la banque cantonale, a fait l'apologie de l'ancien chef de l'Eglise saint-galloise en un discours exagéré dans la forme, mais qui a donné une fois de plus à ses auditeurs le sentiment que, le jour où il a quitté l'Eglise pour les affaires, M. Saxer a privé la chaire d'un orateur de premier ordre; mais une chose dont il faut le féliciter, c'est d'avoir rejeté loin de lui cette tåâche effroyable qui consiste à être « libéral, et à avoir l'obligation de monter en chaire chaque dimanche pour parler aux âmes de leurs intérêts éternels. Heureux qui s'en débarrasse! Du reste, dans l'Eglise rien de

nouveau.

Notre canton, a perdu, l'été dernier, un de ses plus dignes citoyens en la personne de Samuel-Frédéric Rickli. Il serait regrettable que le Chrétien évangélique ne dise rien de ce juste qui fut toujours un des représentants les plus autorisés de l'individualisme dans la Suisse orientale, où ceux-ci sont des plus rares. Dès l'enfance, Rickli fut un de ceux que l'Auteur de tout don parfait enrichit tout spécialement de ses grâces. Elève du pieux pasteur Baggesen de Berne, qui en a tant amené au royaume des cieux, puis en apprentissage à Boudry dans la maison Bovet, il vint à la piété sans secousses et sans efforts; il lui sembla toujours qu'on ne pouvait être que chrétien, et qu'on ne pouvait pas ne pas l'être.

Un mot seulement sur le synode. Il s'agissait, cette fois, de se partager la riche succession du défunt doyen Mayer. Beaucoup d'ambitions étaient excitées, car la proie était belle. Voici comment la chose s'est faite au jour dit, à mesure que les trains amenaient « messieurs les synodaux, des hommes de bonne volonté donnaient le mot d'ordre aux amis et frères : « On se réunit à la Wallhalla. Deux brebis galeuses (c'est orthodoxes que je veux dire) voyant le flot se diriger d'un certain côté, suivirent de confiance et se trouvèrent bientôt en présence d'une imposante assemblée occupée à se restaurer et à se rafraichir. Le premier coup de fourchette donné, quelqu'un prit la parole: « Nous avons aujourd'hui à nous partager les dépouilles de notre chef; le temps n'est plus des larmes, à l'ouvrage. » Et l'on s'y mit. Le cerf fut dépecé en quatre parts. « Le lion prit pour lui la première en qualité de sire, et, dit-il, la raison, c'est que je m'appelle lion. La seconde, par droit, me doit échoir encore. Ce droit, vous le savez, c'est le droit du plus fort. Comme le plus vaillant, je pré-gés de distinguer pour la clarté du sujet. tends la troisième. Si quelqu'un touche à la quatrième, je l'étranglerai tout d'abord.. Nul ne tenant à se faire étrangler, ainsi se fit le partage. Depuis la mort du doyen Mayer, on n'avait jamais senti aussi vivement le vide qu'il a laissé derrière lui; car ce jour-là on a vu clairement que cette majorité toute-puissante, longtemps dirigée par un homme de Cœur et de justice, entendait dès maintenant

Dans cette période de la vie où l'homme se forme, il eut deux buts, qui chez lui n'en faisaient qu'un, mais que nous sommes obli

Rickli voulut devenir un bon chrétien et un bon négociant. Dans ce but, il entreprit de voyager pour voir le monde et pour étudier le royaume des cieux dans son développe ment terrestre. En Italie, il s'intéressa à la belle langue du pays, il visita les centres artistiques en connaisseur, puis il se dirigea sur les Vallées vaudoises pour voir de ses yeux le pays de l'Israël des Alpes. Sans cela,

son voyage d'Italie n'eût pas été complet. Bien des années plus tard, il m'a raconté diverses particularités de ce voyage; ce n'était pas le premier négociant du pays qui parlait, mais un chrétien d'élite et un savant. D'origine bernoise, c'est à Niederutzwyl qu'il s'établit comme associé dans la grande maison Mathias Naef. La population de la commune, jugeant de quelle grande valeur était le nouvel arrivé, lui donna les témoignages les plus flatteurs de son affection et de son respect; la bourgeoisie d'honneur lui fut conférée ; il fut élu au conseil communal, au conseil d'éducation, au conseil de paroisse, au synode, au tribunal de district, au Grand Conseil, au Conseil national. C'est lui qui fit bàtir l'église et le presbytère de la paroisse.

Si, d'une part, il avait le respect de tous, l'ingratitude ne devait pas lui être ménagée. Malgré ses efforts, presque malgré ses supplications, la paroisse nomma un pasteur « reformer. Rickli se soumit à la majorité, mais paya de sa personne et de son argent pour assurer aux croyants de la paroisse un culte selon leurs vœux. Il devint ainsi un des soutiens les plus vaillants de l'Union nationale évangélique dans le canton de Saint-Gall. Pour diverses raisons, cette société n'a pu réussir ni sur les bords du Rhin saint-gallois, ni sur ceux de la Thour. Rickli ne pouvait tout faire à lui seul; trouvant plus d'aide parmi les méthodistes que dans l'Eglise nationale, il se décida à passer le Rubicon, c'est-à-dire à quitter l'Eglise officielle pour celle de Wesley.

Ce fut un événement, car rien n'est plus rare ici que ces situations franches, capables de compromettre tout un avenir. La réponse populaire ne tarda pas; aux élections du Conseil national, Rickli succomba, bien qu'on ne pût le remplacer par une capacité équivalente; il n'y a qu'une voix parmi les hommes. impartiaux, de tous les partis, pour dire, que par suite de cette non-réélection, Jes Chambres ont fait une perte considérable, et que le commerce saint-gallois n'a jamais eu de plus digne représentant, M. de Gonzenbach

mis à part. A cette manœuvre de parti, Rickli répondit, selon son habitude, par des bienfaits. Il dota sa commune d'un Vereinshaus, fit bâtir une chapelle, se dévoua aux écoles, redoubla de zèle à l'école du dimanche où il était moniteur; agrandit une bibliothèque populaire qu'il avait fondée à ses frais, augmenta le nombre des portefeuilles remplis de publications intéressantes qu'il faisait circuler parmi tous ceux qui les désiraient. Relégué à l'arrière-plan, il rendit avec la plus exquise modestie de nombreux et importants services à toute la contrée et en particulier aux pauvres, aux petits; il était le père de ses ouvriers et employés; rien ne lui coûtait ni ne pouvait l'arrêter quand il s'agissait de leur bien-être matériel et moral. C'était à lui qu'on recourait dans les grandes consultations industrielles et commerciales intéressant la broderie; rien n'était plus remar quable que ses avis, concis, nerveux, d'une clarté lumineuse; il semblait à chacun que c'était ainsi qu'on devait dire les choses, et qu'on ne pouvait les dire autrement. Sur le terrain religieux, on aurait facilement pu croire que Rickli avait fait des études de théologie, tant il était versé dans les choses de la foi et au courant des œuvres de missions, d'évangélisation et de philanthropie chrétienne. C'était un véritable plaisir de causer avec lui de ces matières ; là encore il apportait cette clarté et cette netteté qui étaient le fond de son caractère. Mais il faut se borner et, en terminant, rendre gloire à qui revient la gloire, c'est-à-dire non à l'homme excellent que nous avons perdu, mais à Dieu qui, par des grâces extraordinaires, avait fait de son serviteur un de ces justes dont la mémoire reste à jamais en bénédiction. C'est le cas de dire Le Seigneur l'avait donné, le Seigneur l'a ôté, que son saint nom soit béni!»

La littérature de la réformation saint-galloise vient de s'enrichir d'une publication nouvelle et intéressante. Il s'agit de la chronique

répéter ce qui a été dit mille fois et sous mille formes. Nous pouvons du moins dire un mot de la manière dont le centenaire de la révocation a été célébré dans la presse et dans les Eglises. Tous nos journaux religieux, à quelque nuance qu'ils appartiennent, ont consacré à ce sujet des articles étendus. La presse politique s'est aussi occupée de cet anniversaire dans l'esprit le plus impartial et le plus bienveillant pour nous, sauf, bien entendu, les journaux catholiques qui ont eu au moins la pudeur du silence. Il faut toutefois rendre justice au père Hyacinthe, dont la parole vibrante a flétri, comme il le méri

de Sichel, un ecclésiastique catholique, témoin des faits qu'il raconte, modéré dans ses appréciations, maniant une plume qui n'est pas sans agréments. Sur beaucoup de points il est des plus curieux de comparer les appréciations du prêtre avec celles de Vadian et de Kessler. L'ouvrage est dû aux soins intelligents et éclairés de M. le professeur Götzinger, un des hommes les plus versés que nous ayons dans tout ce qui concerne le XVIe siècle. L'Eglise française de Saint-Gall a célébré l'anniversaire de la révocation de l'édit de Nantes et celui de sa fondation, la seconde tombant à la veille de la première. Avant tout, la fête a été un jour d'humiliation et de prièrestait, le despotisme bigot et intolérant de pour la France, comme cela se devait.

La Société évangélique de Saint-Gall et d'Appenzell vient de tenir sa séance publique annuelle; l'œuvre de prédication en ville et d'évangélisation à la campagne se poursuit sans incidents remarquables, mais en portant des fruits de conversion et d'édification; on travaille modestement, sans bruit, comme le levain qui, lentement, mais sûrement, fait lever toute la pâte.

Nous sommes toujours menacés d'une invasion de l'Armée du salut; divers essais ont été faits pour se procurer un local propre aux trop fameux exercices qui ont fait tant de bruit à Zurich; le local ne s'est pas encore trouvé, ce dont personne n'est peiné.

France.

F. TISSOT.

Le bi-centenaire de la révocation de l'édit de
Nantes. Les élections et leurs résultats.
Le synode des Eglises libres à Sainte-Foy.

Des circonstances imprévues nous ayant empêché d'écrire, le mois dernier, pour le Chrétien évangélique, nous n'avons pu parler, comme nous l'aurions désiré, de l'événement dont le souvenir a été rappelé dans toutes nos églises, le 18 octobre. Il est trop tard aujourd'hui pour revenir sur ce sujet et impossible de rappeler quelqu'une des conséquences du grand crime de Louis XIV, sans

Louis XIV, et rendu une éclatante justice aux Huguenots et à leurs måles vertus.

Quant aux brochures, aux conférences et aux livres qui ont vu le jour à cette occasion, ils sont fort nombreux et fort divers, depuis le joli Album-souvenir que nous a offert la Société des traités, jusqu'aux Plaintes des protestants persécutés, de Claude, et au Recueil des édits, que nous avons déjà mentionnés précédemment, mais s'il est déjà long de passer en revue ce qui s'est écrit, il est bien autrement impossible de raconter tout ce qui s'est dit dans les églises. Si le roi soleil avait pu revenir et voir, d'un bout à l'autre de son royaume, les descendants des Huguenots exalter l'héroïsme de leurs ancê tres et la bonté fidèle de Dieu envers un peuple injustement proscrit, il aurait pu faire de tristes et humiliantes réflexions sur l'impuissance de la force brutale dans les choses de la conscience, et son orgueil en aurait reçu une rude atteinte.

Oui, elles sont là, ces Eglises persécutées, accablées d'outrages et de supplices; elles sont debout et peuvent célébrer en paix leur culte, sous le beau soleil de cette France qui fut longtemps pour elles une si cruelle marâtre. Il y a deux cents ans, le tyran qui avait mis sa gloire à les exterminer, écrivait que l'édit de Nantes était devenu inutile, la plus grande et la meilleure partie de ses sujets de

« PreviousContinue »