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Petit livre tout de circonstance (trois centcinquantième anniversaire de la réforme à Genève), bien approprié aux lecteurs qu'il suppose rapide, coloré, très attachant; enfin charitable jusqu'à l'indulgence dernier trait qui n'est de notre part ni un blâme ni une louange.

Nous regrettons, par contre, que l'auteur, au lieu de se renfermer strictement dans les débuts qui, chez lui, sont empreints de tant de fraicheur, se soit laissé entraîner jusqu'à devoir caractériser l'œuvre de Calvin, ce qu'il n'accomplit qu'à l'aide de généralisations déjà usées, un peu froides et lourdes quant à la forme. Quelques coups d'aile, les allures de la péroraison, auraient été plus agréables que les procédés didactiques d'une énumération, méthode qu'il faut savoir mettre de côté lorsqu'on parle à cette jeunesse de Genève, qui a des nerfs et ne manque pas de

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Au milieu de la riche littérature suscitée par le second centenaire de la révocation, la solide étude de M. Ernest Combe a sa place très distincte. Dès l'avant-propos, l'auteur se révèle pour ce qu'il est, un chercheur consciencieux, qui se fait un devoir, qualité rare en pays latin, — de r'ignorer rien de ce qui a été écrit sur la matière, et de citer ses sources. Le volume tient les promesses de l'Avertissement: surabondance de citations, toutes scrupuleusement entre guillemets, (un regret cependant: pourquoi le titre de l'ouvrage cité est-il si souvent omis?) beaucoup de pages empruntées à des témoins oculaires, fort peu de réflexions personnelles.

Naturellement, à première vue, il est impossible de faire le départ de ce qui est vraiment nouveau dans cette succession de documents, parfois juxtaposés plutôt que groupés, mais le plan suivi est clair et généralement satisfaisant chapitre. I. La fuite. — II. L'hospitalité suisse. - III. Les diverses résidences. IV. L'activité des réfugiés. Ce dernier chapitre, formant près de la moitié du volume, nous a semblé le mieux coordonné et le plus instructif, mais il va sans dire que les deux premiers sont plus dramatiques.

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LE BON MESSAGER pour l'an de grâce 1886. -Lausanne, Georges Bridel.

Le Bon Messager ne compte sans doute que des amis parmi nos lecteurs; cela ne suffit pas, car il y a des amis distraits, oublieux; souhaitons-lui des amis faisant la propagande. Il le mérite et il en a besoin.

Chaque fois que je le lis, je reste surpris de la quantité de renseignements instructifs, et surtout d'idées moralisantes sans pédanterie qu'il met en circulation: voyez, par exemple, tout ce que nous apprennent ces Chaudronniers ambulants! En outre, les actualités abondent, et elles sont traitées avec soin. Citons: Victor Hugo à quatre-vingttrois ans. - Le général Gordon. - Gustave Roux. Le tribunal fédéral à Lausanne. Les assemblées du désert. — Le nouvel Etat libre du Congo, sans oublier la Revue de l'année qui a trouvé moyen, en deux pages, de dire l'essentiel, sans banalités ni obscurités.

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LÈ CHRÉTIEN ÉVANGÉLIQUE

ÉTUDE BIBLIQUE

Deux berceaux.

(Ex. II, 1-11; Math. II, 1-19; Luc II, 1-20.)

Vous les connaissez ces deux berceaux étranges, pauvres, misérables, également menacés, protégés merveilleusement tous les deux, si semblables à des siècles de distance que l'un parait la prophétie providentielle de l'autre. Ils émeuvent l'imagination; ils l'attirent et la reprennent après l'avoir attirée; le cœur aime à se recueillir devant eux, à méditer sur les enseignements dont ils sont pleins. La poésie les a chantés, ces illustres berceaux de l'histoire religieuse, des livres sacrés, le berceau flottant de Moïse, et l'humble crèche de JésusChrist.

Un berceau va sauver Israël,

Un berceau doit sauver le monde !

a dit Victor Hugo. Approchons-nous de ces deux grandes œuvres de l'Eternel, que leur analogie extérieure nous permet, non pas de placer sur le même rang, mais de considérer successivement. Admirons en elles la tendresse, la sagesse, la puissance que Dieu fait éclater par les moyens divers dont il a le secret.

Moïse était-il un homme prédestiné? Nous le croyons, puisque nous pensons

NOVEMBRE 1885.

que chacun, petit ou grand, a en ce monde sa tâche, sa vocation; seulement comme tous ne répondent pas, il s'en faut, à l'appel de la providence, la main de celle-ci n'est pas toujours visible dans la trame de la vie. Après avoir d'abord essayé de devancer les desseins de Dieu, alors qu'il tue l'Egyptien, après avoir tenté plus tard de se dérober à sa haute mission, alors qu'il prétexte son infirmité, Moïse deviendra finalement le libérateur et le législateur d'Israël; il se montrera fait pour la responsabilité qu'il

assumera.

On verra en lui un précurseur d'élite, l'un des grands types du Messie.

La loi des types, en vertu de laquelle les êtres et les phénomènes s'enchaînent, s'annoncent les uns les autres, cette loi frappante domine le monde de la nature et de l'histoire. Bien loin qu'elle soit contredite par le darwinisme, qui met surtout en lumière la suite des choses, leur évolution, elle peut recevoir de cette doctrine un nouveau crédit. La plante, ce premier degré de la vie organisée, prophétise l'animal, et celui-ci, à son tour, prophétise l'homme. Les civilisations antiques s'appellent, s'engendrent, se superposent. Tout héros a ses précurseurs. Mais il appartient au monde du surnaturel, à la série des révélations divines, de mettre en lumière avec une clarté et

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une précision particulières cette loi qui rapprochements qu'il est si aisé d'établir régit déjà la nature.

Quand je vois Moïse, cet homme dont l'activité rappelle à tant d'égards celle de Jésus; cet étonnant ouvrier de l'Eternel, qui, fondateur d'un culte où tout est symbolique, devient lui-même

entre l'enfance de Moïse et les commencements de Jésus contribuent à marquer l'enchaînement de l'Ancien et du Nouveau Testament.

C'est l'action de la Providence qui me

de Moïse. C'est elle encore qui se signale, mais d'une manière bien plus extraordinaire dans ceux de Jésus.

par moments le plus expressif des sym-frappe dans le récit des premiers jours boles, ainsi, lorsqu'il frappe la mer Rouge de sa verge, ou lorsqu'il redescend de la montagne le visage rayonnant; quand je le vois, petit enfant, déposé à trois mois dans un coffret de jonc, livré aux hasards du fleuve, je songe à la crèche.... La fille du roi recueillant l'enfant me fait penser aux mages. Les cris des crocodiles menaçant la frèle nacelle correspondent en quelque sorte aux sinistres projets d'Hérode. Sans doute, il serait dangereux de trop presser le parallèle, mais avec ses contours un peu vagues il existe, il semble avoir été dans les intentions de la Providence.

A quoi bon, demandera-t-on, ces figures? Ne sentez-vous pas combien il est précieux pour nous de savoir que Dieu poursuit dans l'histoire un dessein arrêté longtemps à l'avance, au moins en ce qui concerne certaines de ses lignes; de savoir que l'Evangile dans ses grands traits était devant les yeux de l'Eternel aux jours où la loi allait être promulguée; que Moïse était choisi, comme Israël, aimé comme Israël mais aimé en Jésus-Christ? N'est-il pas précieux non seulement de le savoir, mais de le voir ? Or, l'utilité de ces analogies voulues de Dieu jusque dans les événements extérieurs est précisément de montrer, de faire toucher au doigt, la fermeté, l'unité de son plan, laquelle, du reste, laisse une place suffisante à notre liberté. Les

Regardons Moïse. Il sommeille, inconscient de tout danger, dans le coffret, devant les grands roseaux, inclines sous la brise matinale. L'aurore rougit le ciel, dore le Nil paisible, et jette un reflet sur le visage gracieux de l'enfant qui paraît plus beau dans ce cadre frais et lumineux. Dieu l'a marqué d'un sceau précieux, la beauté. Rarement l'Ecriture mentionne cette qualité physique, au moins chez l'homme. Elle le fait pour Joseph, pour David, pour Absçalom, mais elle revient à plusieurs reprises sur la beauté de Moïse. (Act. VII, 20; Hébr. XI, 23.) Quelle est l'utilité de ce détail? Il en a peut-être plus d'une; il nous explique en tout cas, d'après l'auteur de l'épître aux Hébreux, pourquoi le jeune garçon fut épargné par ses parents. Sa beauté le sauva: « il fut caché parce qu'il était beau. » Tout à l'heure, quand la fille de Ramsès, Thermuthis, viendra, suivie de ses compagnes, accomplir l'acte religieux du bain, elle sera touchée par cette beauté enfantine, mais parfaite; les larmes de la faible créature qui s'est mise à pleurer l'auront émue, mais la régularité de ses formes, la vivacité de l'expression lui auront plu. Croyez-vous que ce don ne sera pas utile plus tard à Moïse, à la cour du

Pharaon, surtout lorsqu'il sera devenu le chef de son peuple? Moïse paraît avoir compris l'importance des avantages extérieurs, pour agir sur les hommes, lorsqu'il se plaint devant Dieu qui avait mis en lui l'écharde à côté de la gloire, d'avoir la « langue embarrassée. » Ce n'est pas seulement Mirjam qui veille sur ce berceau, les anges le protègent, Dieu le garde mais avant de lancer au travail des combats et des périls l'être fragile qui doit être son témoin, Dieu a donné à celui-ci une arme qui souvent a servi la faiblesse, qui le protégera dès ses premiers jours. Croyez que la Providence vous a donné, à vous aussi qui avez également votre place dans le concert des activités humaines, précisément ce qu'il vous faut pour accomplir votre Vocation humble ou élevée ; à côté de l'écharde salutaire qui empêche de s'élever, qui rend plus nécessaire le secours d'en haut, Dieu a toujours mis l'arme; si nous ne l'émoussons ou ne la déformons pas, elle agira. Nous n'avons d'ailleurs pas besoin de dire que ce don extérieur est avant tout pour nous le signe des dons intérieurs reçus par l'enfant, qui se développèrent dans l'éducation brillante à laquelle il allait être convié, dans la solitude du désert, enfin par l'activité. Le corps ne répond pas toujours à l'âme, mais l'humanité persiste à croire que, là où règne l'ordre, il y a harmonie entre l'apparence extérieure et les forces intérieures. Il en devait être ainsi pour Moïse, l'envoyé de Dieu.

J'aperçois encore la main de la Providence dans l'arrivée de la princesse. Pourquoi est-ce elle qui vient plutôt que toute autre, elle qui secourt l'orphelin?

N'est-ce pas pour que l'avenir de celuici soit mieux assuré, pour qu'il puisse grandir dans une maison royale, s'instruire dans toutes les sciences, prendre l'habitude de l'autorité ? Quelle rencontre encore que celle qui va faire de la mère elle-même la nourrice de l'enfant, qui permettra à ce dernier de rentrer pour un temps dans la famille, de la connaître et de l'aimer sans qu'il en résulte pour les siens aucun danger. Tout est combiné dans cette histoire en vue de fins qu'il est aisé de saisir. Elle n'offre point de miracle proprement dit, et elle est merveilleuse.

Si le prodige lui-même est absent du berceau du Libérateur hébreu, il se multiplie autour de la crèche. Que l'empereur Auguste ordonne un dénombrement dont l'effet le plus remarquable sera d'amener Joseph et Marie à Bethléem, de faire naître le Christ dans la ville de David, conformément aux prophéties, il n'y a pas encore là de fait surnaturel. Notre liberté a ses bornes, ses éclipses. Tout le monde accomplit parfois des actes dont la portée réelle échappe. Dieu, en vue de manifester son pouvoir, se plaît souvent à conduire l'homme où il ne songe pas à aller. Il était réservé au souverain qui a donné son nom à un grand siècle, qui a cherché la gloire dans la guerre, dans le faste, dans les arts, partout ailleurs enfin que dans le service de Jéhovah dont il connaissait à peine le nom, il était réservé à cet esprit éminent, mais sceptique, de poser la première pierre dans l'édification de l'Eglise chrétienne, de mettre d'accord les prédictions concernant la naissance de Jésus avec les faits.

Où le prodige éclate, c'est dans l'apparition des anges aux bergers. Nous les devinons, nous ne les voyons pas autour du berceau de Moïse; nous les voyons, nous les entendons chanter leur magnifique cantique autour du berceau de Jésus-Christ. C'est que l'un est le serviteur, l'autre le maître; l'un n'est qu'une créature, le second est le Fils.

« Qu'il est beau de voir, a dit Pascal, par les yeux de la foi, Darius et Cyrus, Alexandre, les Romains, Pompée et Hérode agir, sans le savoir, pour la gloire de l'Evangile. » Nous pensons que l'intervention des puissances supérieures, célestes, a aussi sa signification; seulement elles n'agissent pas comme les païens, sans le savoir ni sans le vouloir.

Le monde de la nature salué également la naissance de Jésus et se joint au monde invisible.

Un astre nouveau paraît à cette époque au fond de l'orient, il sert de signal aux Mages. Cette étoile est-elle un prodige, n'en est-elle pas un? Supposons que Keppler ait raison. Il a observé qu'en 1603 un corps céleste inconnu a marqué la conjonction de Saturne et de Jupiter; comme la même conjonction a eu lieu vers le temps de la naissance du Sauveur, il a admis que cette rencontre d'étoiles a provoqué alors une apparition analogue. C'est plausible. Mais si, dans cette donnée, l'astre de Bethléem devient un phénomène à peu près naturel, il reste toujours à expliquer la coïncidence de l'étoile avec l'événement le plus considérable de l'histoire, avec la venue du Christ, puis l'effet qu'elle produit sur les Mages. Ne voyez-vous pas que ce corps céleste inconnu brillant dans de

telles circonstances est à demi prodigieux ? La nature qui tressaillera devant la croix, lorsque les rochers se fendront. a pu s'émouvoir aussi, sous la main divine, devant le berceau rustique de Bethleem.

Tous ces miracles rendent le berceau de Jésus-Christ autrement imposant que celui de Moïse. Mais le grand prodige ici, c'est l'enfant lui-même. Celui-ci a plus que la beauté extérieure et intérieure, il est sans tache, sans défaut, entièrement innocent. C'est la tige pure d'une humanité nouvelle. Sa faiblesse est le résultat d'un dépouillement volontaire. Il a vécu avant de naître. Le Fils du Père, son image intime et son miroir vivant, son coopérateur divin, a renoncé à son pouvoir, à sa gloire; il s'est anéanti jusqu'à devenir un enfant des hommes, un petit enfant, ayant la même chair, le même dénuement que nous. « La Parole toute-puissante du Père, s'écrie Fénelon, se tait, bégaie, pleure. » Ici Dieu s'est donné tout entier, la réflexion nous pousse non seulement à admirer, mais à adorer. Nous apercevons comme à l'œil, non seulement la puissance divine dont un pareil sacrifice, une telle transformation, sont bien dignes; non seulement la sagesse qui, jusque dans l'abaissement rend visible le caractère du Christ par le cortège de miracles dont elle accompagne sa venue, mais surtout la charité.

Le miracle tout seul éblouit. Mais, quand il a pour but tant d'humilité, il console, il n'effraye plus. Il attire les pauvres, les enfants, à la suite des bergers. Ne craignons donc pas de considérer la crèche malgré son auréole surnaturelle. Celle-ci se fond dans une

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