Page images
PDF
EPUB

La famille. L'idéal de l'éducation domestique et les divers buts qu'elle doit poursuivre sont déterminés par la pédagogie philosophique.

Trois éléments essentiels doivent être développés dans la famille.

1o Le sentiment de l'union entre tous ses membres.

2o Le sentiment que tous les membres dépendent du chef.

3o Une parfaite connaissance des enfants, de la part des parents chargés de les élever.

Pour obtenir ce résultat, le chef de famille doit porter son attention sur les trois points suivants :

1o Etouffer tout germe de division à sa naissance, et fortifier le sentiment de la dépendance les uns des autres, en empêchant toutefois que les liens du sang ne dégénèrent en une sentimentalité maladive.

2o Maintenir, comme représentant de Dieu, l'ordre et la discipline d'une main ferme et persévérante, sans tyrannie et sans caprices.

3o Poser avec soin, chez les enfants, les bases de la vie intellectuelle, morale et religieuse, en respectant les différentes individualités.

Quand la famille ne peut remplir seule sa tâche éducatrice, et qu'elle prend des aides, en particulier un précepteur ou une gouvernante, il faut apporter le plus grand soin dans le choix de ces aides qui auront à seconder les parents et à travailler dans le même esprit.

[ocr errors][merged small]

aussi grande, car la famille est un organisme naturel, tandis que l'internat n'est qu'un rapprochement temporaire de membres appartenant à d'autres familles et leur demeurant plus ou moins unis. Le chef d'un internat ne peut donc y exercer qu'une autorité discrète. De leur côté, les élèves sentent qu'ils n'ont pas et ne peuvent pas avoir dans l'internat la position et les droits d'un enfant. Les différences qui existent entre la famille et l'internat doivent demeurer conscientes à tous, et il faut en tenir compte dans l'organisation et la direction de ce dernier. L'internat doit chercher ses moyens d'action dans le bon choix et la bonne exécution de ses moyens d'éducation. C'est par là seulement qu'il parvient à dominer les diverses influences et à les soumettre à une règle commune. Des soins physiques bien entendus, une nourriture saine et suffisante, des jeux et la gymnastique, une instruction bien appropriée aux forces des élèves et aux buts qu'ils doivent atteindre, une discipline ferme, mais prudente, une direction morale et religieuse qui prépare les élèves à surmonter les tentations qui les attendent au dehors: tels sont les points qu'il importe de bien établir dans un internat.

Comme les élèves entrant dans un internat y apportent diverses habitudes, opinions et idées particulières qui ne peuvent être toutes contrôlées, surveillées et modifiées, il en résulte souvent que le mécontentement se glisse dans certaines têtes à l'endroit du régime, de l'enseignement ou de la discipline, ce qui engendre des oppositions ouvertes ou cachées. La différence des âges produit aussi facilement le mau

vais esprit des distinctions, et l'oppression des petits et des faibles par les grands et les forts. Pour combattre ces misères des internats, il faut que le chef et ses aides demeurent assez en rapport avec la vie des élèves pour la suivre dans ses diverses manifestations, et pouvoir la ramener dans la bonne voie lorsqu'elle s'en écarte.

verses activités, sans empiéter toutefois sur la légitime liberté de ses subordonnés.

L'autorité scolaire déploye son action dans l'organisation, la dotation, la réglementation et l'inspection.

L'organisation doit tenir compte des besoins que la civilisation fait naître dans le corps social, mais elle doit aussi

Les conditions de prospérité d'un in-prendre conseil des principes moraux,

ternat ne s'établissent pas dans tous avec la même facilité. Il est plus aisé de les réaliser dans un internat de jeunes filles (qui ne doit jamais renfermer qu'un nombre restreint d'élèves), que dans un internat de garçons; dans un établissement libre, que dans un établissement qui relève d'une administration publique. Toutefois les uns et les autres ont leurs avantages et leurs inconvénients.

Quelques internats, comme les orphelinats, les colonies d'enfants vicieux, -les instituts d'aveugles, de sourds-muets, d'idiots, doivent être organisés et dirigés d'après une pédagogie spéciale appropriée à leurs besoins particuliers.

L'école. L'école sans internat est une application de la division du travail en éducation; sa tâche spéciale est de donner à l'élève la culture intellectuelle dont il a besoin. On distingue dans l'école deux facteurs principaux le -service scolaire et l'autorité.

Le service scolaire comprend l'enseignement avec tout ce qui s'y rattache, la discipline, les rapports du maître avec la famille et les autorités. Quand une école renferme plusieurs classes et plusieurs maîtres, le service se complique de rapports nouveaux; il lui faut un directeur, chargé de régler les di

religieux et philosophiques qui doivent servir de base à toute bonne culture intellectuelle.

La dotation scolaire pourvoit aux besoins matériels et financiers de l'école; elle doit veiller à ce qu'aucun des services de l'école ne soit en souffrance.

La réglementation doit tenir compte, dans une mesure équitable, des droits et des besoins de la famille, de la commune, de l'Etat, de l'Eglise et des maitres attachés au service de l'école. Comme c'est la famille qui a sur l'enfant les droits les plus sacrés, l'autorité doit, en première ligne, donner satisfaction à ces droits. Pour bien remplir sa tâche, l'autorité est tenue d'agir avec beaucoup de sagesse et de prudence, et de s'associer des commissions, un synode ou un conseil scolaire, dans lesquels toutes les questions importantes pourront être débattues avec soin.

L'inspection est chargée de surveiller l'activité scolaire, afin de la maintenir ou de la ramener dans la limite des programmes et des règlements. Elle ne doit jamais dégénérer en tyrannie gênante ou tracassière pour les maîtres.

Ce que nous venons de dire des écoles se rapporte essentiellement aux deux principales classes d'écoles publiques (officielles ou libres), à l'école primaire

et au lycée ou gymnase, et aux écoles superposées à l'école primaire, subordonnées ou coordonnées au lycée, soit littéraire, soit scientifique. Les écoles, fondées en vue d'un besoin particulier, telles que les écoles agricoles, commerciales, les écoles de dessin, de peinture,

paratoires se font dans une école primaire supérieure ou dans une école secondaire. Pour l'école normale supérieure ou la faculté pédagogique, elles doivent se faire au lycée, gymnase, école cantonale, etc.

Quant à la culture pédagogique du

les écoles créées en vue d'une industrie { jeune instituteur, elle doit le rendre

particulière, etc., ont besoin, on le comprend, d'une organisation et d'un service scolaire particuliers, appropriés au but poursuivi.

IV. DE LA FORMATION DES INSTITUTEURS

La nécessité d'une préparation spéciale pour la carrière pédagogique est aujourd'hui universellement reconnue, au moins pour l'enseignement primaire. Mais cette préparation est tout aussi nécessaire pour l'enseignement moyen. Le professeur Stoy pense que l'école normale supérieure doit se rattacher à l'université.Etant tributaire de plusieurs sciences, en particulier de la psychologie, de l'anthropologie, de l'éthique, de la philosophie, de la théologie, la pédagogie ne peut être enseignée scientifiquement avec succès que concurremment avec d'autres études universitaires.

capable:

1o de s'identifier avec le cercle d'idées de ses éléves;

2o d'approprier à ce cercle d'idées son enseignement et ses moyens d'éducation;

3o de se rendre compte de ce que son enseignement renferme de bon ou de défectueux, afin de pouvoir travailler sans cesse à le perfectionner.

Les études théoriques nécessaires à la culture pédagogique de l'instituteur se divisent en générales et en spéciales. Les premières embrassent tout le champ de la pédagogie; les secondes se rappor tent au genre d'écoles qu'a plus particulièrement en vue le jeune instituteur. Il va de soi que les études générales doivent être plus restreintes et moins savantes dans l'école normale primaire que dans l'école normale supérieure.

Pour former à la pratique de l'enseignement et à la tenue de l'école, il est nécessaire d'avoir une école d'exercices (école modèle, école annexe) à côté de l'école normale ou de la faculté pédago

Quel que soit du reste le degré d'enseignement qu'on ait en vue, l'établissement dans lequel se fait la préparation du jeune instituteur doit, d'une part, compléter ses études, et de l'autre, luigique, et d'y faire donner par les élèvesdonner la culture pédagogique dont il a besoin.

Les études complémentaires doivent être réduites le plus possible par des études préparatoires, afin de laisser du temps pour la culture pédagogique. Pour l'école normale primaire, les études pré

maîtres, et sous l'œil d'un professeur expérimenté, un nombre de leçons suffisant pour les familiariser avec toutes les parties de l'enseignement et avec la tenue de l'école. Ces leçons doivent être 1 En Allemagne on a des écoles ou classes préparatoires: Preparanden-Schulen.

préparées avec soin, d'après les prinrecipes ou les règles de la pédagogie théorique, puis critiquées par le professeur et les condisciples qui y ont assisté. A son tour, l'élève qui a fonctionné doit assister aux leçons données par d'autres, et faire de ces leçons un objet de critique raisonnée. C'est ainsi qu'il apprend à enseigner et à juger des mérites ou des imperfections d'une leçon et de la tenue d'une école.

La sollicitude pour le développement pédagogique des instituteurs doit s'étendre au delà de leur séjour dans l'école normale, car l'expérience a démontré que l'instituteur se relâche et devient rapidement routinier, s'il n'est pas encouragé et stimulé dans l'exercice de ses fonctions. Les moyens les plus propres à soutenir ou à relever son zèle sont: des lectures pédagogiques, des conférences, des réunions d'instituteurs et des Voyages 1.

La pédagogie, comme le démontre l'exposition qui précède, occupe aujourd'hui une place considérable dans le domaine de la science, et il n'est plus guère possible de lui contester le droit de former une science à part, distincte de la théologie et de la philosophie, et cela d'autant moins que son champ va s'élargissant encore chaque jour.

Mais la pédagogie n'est pas seulèment une science étendue, elle est sur

A la formation des instituteurs se rattache tout naturellement encore la littérature pédagogique. M. le professeur Stoy donne, dans son Encyclopédie, le catalogue des publications pédagogiques pour toutes les branches de la pédagogie. Un travail semblable pour les pays de langue française serait, on le comprend, d'une grande utilité pour les instituteurs, et en général pour tous ceux qui s'occupent d'enseignement et d'éducation,

tout une science importante par ses applications dans le domaine de l'instruction et de l'éducation. L'école est aujourd'hui une puissance sociale, et il importe au public chrétien, en tout premier lieu, de savoir à quoi elle emploie sa force et son influence. Cette question qui se pose tout naturellement à la suite de notre exposition, ne saurait être examinée dans cet article. Nous voudrions pourtant, par quelques mots, signaler en terminant le caractère actuel de l'école et le danger social qui en découle.

Comme science, le lecteur attentif aura pu s'en convaincre, - la pédagogie veut exercer une mission moralisante, et elle n'a rien en soi d'hostile à l'Evangile; chacun est libre de la soumettre à ses principes philosophiques ou chrétiens. Mais, si du domaine théorique nous passons dans le domaine pratique, nous sommes obligés de constater que la pédagogie pratique, entre les mains des puissances temporelles, pousse toujours plus exclusivement l'école à la poursuite de buts terrestres. De plus en plus, elle devient un moyen de gagner plus facilement son pain ou de se procurer l'aisance et le plaisir. Elle pousse ainsi le peuple dans un matérialisme pratique, qui fera baisser le niveau moral et portera les plus mauvais fruits.

Il importe donc de réagir contre la tendance utilitaire de l'école, et de travailler à lui conserver ou à lui redonner son caractère moral et chrétien. Nous ne pourrions mieux faire sentir, — et c'est par là que nous terminons,― la nécessité d'appuyer la pédagogie pratique sur une foi positive, qu'en citant les paroles sui

» crains, par moments, que ce ne soit » un peu léger! » Dès lors, continue M. Thamin, quel législateur de l'éducation oserait prendre la responsabilité de cet avenir moral de moins en moins étayé et de cette élimination progressive de toute vertu?... Quand l'hérédité de la croyance aura été détruite par l'hérédité de l'incrédulité, et que les positivistes n'auront plus d'autre principe moral que cette vérité que deux et deux font quatre, ne tireront-ils pas enfin ces con

pressés ont déjà tirées de leurs négations? >>

VARIÉTÉ

J. PAROZ.

vantes de M. Raymond Thamin, tirées de sa Leçon d'ouverture du cours sur la science de l'Education, à la faculté des lettres de Lyon (le 13 mars 1884). « On ne moralise pas, a-t-il dit, sans croyances. Avec toutes les lois humaines, avec leur organisme savant, vous ferez peut-être des hommes honnêtes, vous ne ferez point de consciences.... Il n'y a pas plus de pédagogie indépendante que de morale indépendante.... On ne bâtit pas sur le vide. Les sceptiques qui se contenteraient volontiers pour la géné-séquences que quelques logiciens trop ration d'une éducation positiviste, et qui offrent l'exemple de leur moralité comme garantie de leur morale sans âme et sans Dieu, commettent un grave sophisme. Ils ne nous disent pas de quoi est faite cette moralité qui persiste comme un fait sans cause, de quelles habitudes, de quelles influences elle est le résidu. Ils ne nous disent pas quelle éducation ils ont reçue, eux, quelle atmosphère morale ils ont respirée. Fils de mères chrétiennes et de pères au moins spiritualistes, ils ont rejeté la formule de ces croyances; ils en ont gardé la bienfaisante impression. Puis ils vivent dans un monde tout imprégné d'idées, dont la subtile contagion pénètre en eux malgré eux. Ils restent en communion morale avec ceux qui tiennent contre eux en philosophie et en religion, ne se doutant pas de ce qu'ils empruntent à leurs adversaires. « A » notre insu,» écrit l'un des plus illus> tres et des plus sincères (M. Renan), >> c'est souvent à ces formules rebutées » que nous devons les restes de notre » vertu. Nous vivons d'une ombre, du » parfum d'un vase vide; après nous, » on vivra de l'ombre d'une ombre. Je

La fête-Dieu à Einsiedeln. Depuis longtemps, j'avais le désir de me trouver à l'abbaye d'Einsiedeln, pendant une solennité. Le séjour que j'ai fait, au commencement de cet été, à Niedelbad, sur les hauteurs qui commandent le lac de Zurich, m'a permis d'accomplir ce projet.

Le jour de la fête-Dieu, je suis descendu à Rueschlikon, d'où le chemin de fer, après un changement de train à Wädensweil, m'amène directement à Einsiedeln. Rien de radieux et d'agreste comme les bords du lac de Zurich. Nous traversons, à mi-côte, le vignoble- Bacchus amat colles prenant ou laissant des voyageurs dans des villages d'une propreté élégante; les maisons sont entourées de jardins en fleurs, entretenus avec un soin et un goût remarquables. La nature est en fète, le soleil brille. Des prés nous arrive la délicieuse odeur des foins coupés; sur le lac les bateaux

« PreviousContinue »