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Le professeur Fontana, après de fructueuses recherches dans les archives du Vatican et à Ferrare, affirme que Calvin ne serait resté à Ferrare que du 25 mars au 14 avril 1536. C'est pendant ces jours-là que demeura dans cette ville un français de petite taille, qui attira par ses allures hérétiques l'attention de l'Inquisition. On ne put l'arrêter, mais des serviteurs de la duchesse elle-même, soupçonnée de partager ses opinions, un chanteur et un commissaire de trésorerie, furent incarcérés. La duchesse les réclama à l'Inquisition, qui, soutenue par le duc, les refusa. Renée mit tout en œuvre pour arriver à les délivrer et s'adressa même à la reine Marguerite de Navarre. Le personnage mystérieux, qui se déroba aux recherches, avait attaqué très énergiquement, devant un franciscain, dans le palais même du duc, l'autorité de l'Eglise, du pontife et le libre arbitre.

M. Fontana n'hésite pas à dire que cet inconnu doit être Calvin.

Ce ne pouvait être Marot, car le poète s'était fait précéder à Ferrare par des poésies dédiées aux souverains; il était donc connu. Marot avait d'ailleurs des allures de bon vivant plus que de théologien. Le poète, dans la relation de son voyage en Italie, ne parle nullement d'une fuite de Ferrare. Il avait laissé son fils et repassa vraisemblablement dans cette ville en septembre 1536.

Un bref pontifical ordonna à l'inquisiteur d'envoyer les prisonniers à Bologne, mais les ambassadeurs de France, gagnés par Renée, obtinrent qu'ils restassent à Ferrare, où ils avaient moins à craindre, couverts par la protection de la duchesse. Cette dernière arriva à faire délivrer les prisonniers. Le duc, cédant a l'influence de sa femme, pria son ambassadeur de faire valoir à Rome, en faveur de cette délivrance, les faits suivants. La France la désirait, et il était de tout intérêt pour Rome de la ménager. Le personnage le plus compromis dans l'agitation luthérienne avait échappé à toutes les recherches. Le pape céda; mais, en informant l'inquisiteur, il avait

soin d'ajouter que cette mise en liberté était quelque chose de tout à fait exceptionnel. Ainsi disparaît la légende de Calvin à Mantoue et à Aoste, car il ne pouvait être dans cette dernière ville en février 1536, puisqu'il n'avait pas quitté Ferrare en avril de la même année.

D'ailleurs, la délibération solennelle des états généraux du Val d'Aoste, contre la Réforme, inscrite en date du 18 février 1536, ne fait pas mention de Calvin, et le premier monument commémoratif de son voyage à Aoste ne fut élevé que deux cent cinq ans après ce séjour présumé. Que dira de tout cela M. Jules. Bonnet, qui prépare depuis de nombreuses. années une histoire de Renée de Ferrare?

L'illusion d'un pape libéral s'en va de plus en plus. Léon XIII favorise les jésuites et ne cesse de faire des saints. Le cardinal Franzolini, le seul jésuite du sacré collège, vient de succéder au cardinal Oreglia, comme préfet de la congrégation des indulgences.

Le 21 avril, la congrégation des rites, sous la présidence du pape, a reconnu la sainteté de frère Egidius Marie de Saint Joseph. Ce bienheureux a fait deux guérisons instantanées de maladies très graves. Des médecins de Rome ont déclaré ces guérisons miraculeuses. Il serait bon de connaître le nom de ces praticiens habiles pour ne pas les consulter en cas de maladie. La béatification solennelle aura vraisemblablement lieu en 1887, à l'occasion des fêtes du jubilé sacerdotal de Léon XIII.

On a célébré avec pompe, à Rome, la fête d'un saint récemment canonisé, celui qui érigea la malpropreté en vertu spirituelle, saint Labre. La foule a visité la maison où il est mort, rue des Deux Serpents, No 3, baisé les reliques conservées dans sa chambre, une chemise, un soulier, un pantalon, la petite boîte où il serrait son passeport. De là, elle est allée chez Mgr Viritti, postulateur de la cause de la béatification du saint, vénérer d'autres reliques: une lettre, un morceau de

cercueil, un ustensile de toilette tout neufcar le saint en usa peu son peigne.

La papauté crée de nouveaux saints, organise de nouvelles fêtes; elle n'arrive pas à élever le niveau moral du clergé italien. En ouvrant les journaux ces jours-ci, on ne lit que scandales cléricaux. C'est une jeune fille qui s'est dégoûtée de la vocation religieuse : on l'a traînée de couvent en couvent, jusqu'à Turin, où elle subit les plus mauvais traitements; la police, avertie, la délivre et la reconduit chez elle, en Sicile. A Naples, ce sont des prêtres ivres, qui se promènent, en plein Tolède, au milieu des huées de la foule. C'est un prédicateur qui menace du choléra, si la quête n'est pas abondante. Ce sont des franciscains qu'on juge pour avoir extorqué 200 000 francs à la famille Murino, et sur l'honnêteté et la moralité desquels une monaca di casa donne les plus scandaleuses informations, en plein tribunal. C'est le curé de la paroisse de Monte Calvario, Del Pozzo, dépositaire infidèle de la fortune de ses ouailles, actuellement sous les verroux. Ce sont des prêtres de village, étalant une famille illégitime, avec une impudence dont on n'a aucune idée. Reconnaissons-le, le clergé du nord vaut mieux.

Je me plais à signaler, à ce sujet, une honorable exception dans le midi. Un homme de bien, un moine, vient de mourir à Naples; il est juste de lui rendre témoignage au moment où il disparaît. Il s'appelait dans le monde Arcangelo Palmentieri et en religion padre Ludovico da Casoria, car il était originaire de cette dernière ville. Son nom mérite d'être inscrit dans le livre d'or de la charité, pour son infatigable amour de l'humanité souffrante. Quantité d'institutions de bienfaisance lui doivent l'existence: asiles pour les enfants orphelins, scrofuleux, aveugles, sourds-muets, idiots; refuges pour les vieillards et les femmes tombées; congrégations charitables des deux sexes. Il s'en est occupé jusqu'à la fin. Pauvre, il savait ouvrir la bourse du riche. Son talent d'administration était vraiment remarquable. Catholique zélé, il aimait tous ceux qui ai

maient les hommes. Il était fort attaché à Alexandre Ecoffey, tout protestant qu'il fût, et ce dernier le lui rendait bien. Leurs visages s'illuminaient, leurs mains se cherchaient, lorsqu'ils se rencontraient.

Le brave moine est mort dans l'ancien lazaret de Frizio, qu'il avait converti en hospice, où les vieux hommes de mer s'endorment chaque jour, bercés par le bruit de la vague. On l'a exposé dans une petite chapelle, sur la grève, en face du golfe bleu. Une foule de toute classe venait contempler, une dernière fois, la belle et grave figure du défunt qui ressortait sous son capuchon brun, honorer cet homme qui, par sa bonhomie narquoise et son infatigable charité, rappelait Padre Rocco. Ses funérailles ont été fort belles. Les membres de la plus haute noblesse ont porté le corps à la chapelle funéraire. Quantité de femmes du monde suivaient à pied, puis venaient des membres de l'ordre de Saint-François en grand nombre, des prêtres, plusieurs évêques. L'autorité supérieure était représentée, la giunta au grand complet. Le ministre Mancini avait envoyé un délégué. Le char disparaissait sous les fleurs, la musique militaire jouait une marche funèbre, les spectateurs se découvraient respectueusement. Cet hommage public et universel était saisissant.

On vient de commencer un quartier de la nouvelle Naples, ce qui permettra de détruire une partie de l'ancienne ville, dont l'emplacement, au-dessous du niveau de la mer, sera toujours dangereux à habiter. Ce quartier s'élèvera sur le plateau du Vomero. L'ouverture du canal du Serino a eu lieu, au milieu du mois de mai, en présence du roi. Dans cette cérémonie d'inauguration, la présence de l'archevêque de Naples ne doit pas passer inaperçue. Entouré de son chapitre, avec toute la pompe possible, il a béni les réservoirs, devant le roi, qui s'est entretenu très affectueusement avec le prélat. Sauf dans les anciens Etats de l'Eglise, le clergé italien reconnait la dynastie; le fait est bon à noter.

Voilà notre ville abondamment pourvue d'eau. Facta et non verba: on peut se réjouir enfin. Mais nous nous associons pleinement au blâme infligé, en pleine chambre, à notre municipe, à propos de l'inauguration du canal. M. Nicotera a fort bien dit : « Quand un pays, › victime d'une catastrophe, a dû recourir à › la générosité de toute la nation, il ne lui est › pas permis de dépenser inutilement une › parcelle des secours accordés par la cham› bre et par l'Etat; de jeter, en fêtes et en il› luminations, les fonds publics et ceux de › la charité. Notre auguste roi et notre gracieuse souveraine n'avaient pas besoin de › ce luxe, à contretemps, pour apprécier › l'amour des Napolitains.

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D

Si, dans l'ancien royaume de Naples, la capitale change, l'eau circule, de nouveaux quartiers s'élèvent, l'on se met à travailler, la province reste stationnaire. Torre del Greco, où j'ai passé quelques jours de convalescence, est toujours la ville du dolce far niente, de de la piété à la fois touchante et naïve, superstitieuse et grossière. A huit heures du matin les popolani jouent à la scopa (jeu de cartes), devant leurs maisons. Des marins flånent sur le sable, étendus au bord de la mer. A la poste - la ville est presque aussi grande que Lausanne on dépend du bon vouloir d'un vieil employé qui en prend al suo commodo. De midi à trois heures, dès le mois d'avril déjà, pharmacies, télégraphe, poste, épiceries, sont fermés. On les aime pourtant, ces paresseux; leur piété, je le répète, est sincère. Les premiers jours, j'ai quelque peine à marcher. Laissez faire le bon Dieu, ne doutez pas, disent les gens, en me voyant passer. On parle du choléra. Nous avons tenté le Seigneur, sa patience est à bout, s'écrie un brave homme. J'entre dans un atelier de corail. Travaillez-vous le dimanche ? demandai-je aux ouvriers. Jamais, répond une belle fille d'un air indigné; ce serait pécher. Un main va lancer une barque, il peint, sur l'avant, ette devise: Jésus. Qui a ce nom inscrit

sur son front ne peut naufrager. Oui; mais aussi que de grossières superstitions! Un dimanche, les saints du pays, quarante-deux statues en bois peint, ont fait, en grande pompe, le tour de la ville, à la joie de la foule. SaintMichel ouvre le cortège, puis vient JeanBaptiste, saint François, ayant à sa ceinture un chapelet de poissons. Des religieuses béatifiées en costume, etc. Quand paraissent la vierge Marie et le simulacre du Christ, les boîtes détonnent sur la place. Chose étrange, une sainte est en robe décolletée; quelle peut être cette bienheureuse !

Ce qu'il y a de vraiment gracieux, ce sont des pavillons en fleurs naturelles d'une grande élégance, sous lesquels on porte des madones. Dix musiques de campagne, en uniforme éclatants, jouent des airs gais. Les femmes portent des robes bleues, rouges, roses, vert clair; les marins, fort nombreux, sont vêtus de blanc, pantalon et veste, cette dernière relevée d'un col bleu. A la lumière éclatante du midi, la fête a quelque chose qui plaît à l'artiste. Mais la ferveur et l'enthousiasme de la foule attristent profondément celui qui adore en esprit et en vérité. En religion comme en tout, l'Italie est le pays des contrastes.

J. PETER.

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douleur est donc une amie, et souffrir est un bienfait. Ce qui n'empêche pas de lui chercher au plus vite un remède et surtout un consolateur.

Qui sera-ce? Appuyé sur son heureuse expérience et fort d'une telle autorité, tout vrai chrétien saura nommer le sien.

Tel est aussi le cas de notre auteur.

Laissant done, avec lui, le redoutable et sombre problème au seuil même de l'ouvrage, hatons-nous vers la douce lumière et les paisibles horizons de la céleste patrie. Une série de vingt-cinq méditations nous en dépeint les aspects. Signalons la seconde et la troisième, où la soumission, sœur de la confiance, entre au cœur au nom du Dieu seul bon, devant qui tout se tait et s'incline sur le terrain sacré de la souffrance; la cinquième, où Jésus est présenté souffrant, mais pour nous seuls et comme nous, afin de conquérir le droit de ne nous laisser point seuls, à notre tour, en tête à tête avec la mort; puis la douzième, intitulée : la Justice; enfin la vingt et unième, où Celui qui peut tout se trouve être Celui qui nous aime.

Courtes, faciles à lire, coulant allègres, aimables, familières, faites, semble-t-il, en vue des petits, mais assez empreintes de charité divine pour aller au cœur de tous, partout où ces méditations seront lues, elles plairont; on saura les relire et s'en souvenir au besoin.

CH. PARIS.

CHARLOTTE KRUMMACHER, NÉE PILGERAM. SOUvenirs recueillis par l'une de ses filles. Traduction libre. Lausanne, Arthur Imer, 1884.

L'original a eu une grande vogue en Allemagne puisqu'il a atteint en peu de temps sa cinquième édition. La traduction est bien accueillie dans les pays de langue française, car nous sommes heureux de connaître la femme de l'illustre auteur des Méditations sur Elie le Thisbite. Krummacher, dans son autobiographie traduite par C. Pronier, déclare que sa

fidèle compagne est ce qu'il a possédé au monde de plus précieux, après Dieu.

Ce témoignage nous donne le désir d'entrer dans l'intimité de Charlotte. Née à Francfort-sur-Mein en 1799, elle se maria en 1823 et mourut en 1867. Elle fut un modèle de femme de pasteur, une excellente ménagère, prévoyante et mettant la main à tout, une mère de famille pleine de sollicitude, répandant la joie autour d'elle, une vraie aide pour l'œuvre spirituelle. Elle faisait des visites, accueillait les petits et les grands aver tact et sympathie, exerçait l'hospitalité sans murmures. Elle écoutait les prédications de son mari avec enthousiasme et était bon juge pour les critiques; elle lui facilitait sa tache, le fortifiait lorsqu'il était découragé.

Charlotte Krummacher était une femme profondément sympathique, et sa biographie est bien le reflet de cette personnalité si germanique.

CH. CURCHOD.

LA VIE ETERNELLE ET LA FOI qui sauve. Discours évangéliques par N. Coste. — Lyon, Librairie évangélique, 1885.

Personne ne songera à accuser cette prédi cation de manquer de pensée et de n'être qu'un tissu de phrases banales. En lisant cette étude sérieuse et complète de la foi qui saisit la vie éternelle, on se dit que ceux qui l'ont entendue ont reçu une nourriture solide, dont ils ont largement pu profiter pour leur édification. Nous craindrions même un pen qu'un discours si didactique, si serré, si riche, n'ait passé par-dessus la tête de certains auditeurs, si nous ne savions pas qu'il est difficile de juger, à la lecture, une prédication destinée à être entendue.

Nous souhaitons, à cette brochure, des lecteurs nombreux et désireux de se laisser diriger dans la recherche de la vérité, par un homme qui l'a comprise et s'efforce d'y

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LE CHRÉTIEN ÉVANGÉLIQUE

ÉTUDE MORALE

peu qu'on ait d'affabilité, de bonne humeur et aussi d'amour-propre. Elle est poussée par ses instincts de maîtresse de maison empressée et flattée, tandis que sa sœur est sous l'empire des impressions, peut-être encore un peu vagues, mais certainement profondes, de sa conscience.

Voyez les conséquences de cette pre

Le remède à la complication de la vie. Les plus petits incidents mettent en évidence, à notre insu, certains traits. fondamentaux de la physionomie humaine, certains fruits du péché qui la dénature. Ces faits, insignifiants à nos yeux, frappaient au contraire Jésus lors-mière légèreté; non contente de s'admiqu'il vivait au milieu des hommes ; comme il n'était pas un simple moraliste, il ne se contentait pas de signaler à l'attention tel ou tel de ces désordres, il posait en même temps le principe méconnu, et faisait jaillir ainsi une lumière vive et inattendue qui éclairait tout l'horizon.

Traversant un jour un village, il entre dans la modeste maison de deux sœurs; aussitôt ces deux femmes s'efforcent de lui faire le meilleur accueil. L'une a compris sans hésitation que la seule manière d'accueillir dignement le Sauveur envoyé de Dieu, c'est de le prendre pour guide, de se laisser instruire par lui, de lui donner sa confiance; l'autre, tout aussi sincère dans son respect, le lui témoigne par des égards plus nombreux, mais beaucoup moins bien inspirés; elle s'ingénie à multiplier les prévenances, les petits services dont on est prodigue envers un visiteur pour

JUILLET 1885.

rer elle-même, elle se croit très supérieure à sa sœur, et va jusqu'à faire intervenir son hôte dans sa comparaison, oubliant non seulement qu'elle franchit les bornes de l'humilité et de la charité, mais qu'elle transgresse ainsi les lois de la politesse, dont elle se croyait fidèle observatrice.

C'est alors que Jésus, discernant la grave erreur qui l'égare, lui adresse cet avis şi simple et si hautement sage, qui a servi de texte à d'innombrables discours : « Une seule chose est nécessaire. » De cet avis donné sans aucune solennité extérieure, en présence de deux seuls témoins, nous avons fait un des préceptes chrétiens les plus importants et le plus souvent invoqués, et nous n'avons point outrepassé les intentions de celui qui l'a prononcé. Sa sagesse, sa divine connaissance de la condition humaine, lui avaient montré dans cet acte de présomption, assez innocent

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