368 COMP. D'ALEXANDRE ET DE CÉSAR. particulièrement, il est aisé de les comparer; mais il n'est si aisé de décider lequel remporte l'avantage. pas On dira peut-être en faveur d'Alexandre qu'il fut toujours invincible, au lieu que César fut quelquefois battu. Mais outre qu'on ne doit pas reprocher à un capitaine des échecs aussitôt réparés que reçus, cela même tourne à l'avantage de ce dernier; car quelle idée ne doit-on pas avoir des troupes qui ont battu César, et quelle gloire n'est-ce pas de les vaincre? D'ailleurs Alexandre mourut fort jeune pendant le torrent de ses prospérités, et avant que la fortune eût pu penser à changer de parti. S'il avoit vécu plus long-temps, peut-être auroit-il éprouvé ses caprices. Ce qui donne à César un avantage incontestable sur son rival, ce sont les ennemis qu'il a eu à vaincre. Alexandre n'a eu presque jamais à combattre que des troupes qui fuyoient; au lieu que César a toujours combattu contre des hommes très-aguerris. Quant aux motifs, qui sont l'âme des actions, et qui en font tout le prix au jugement des sages, Alexandre paroît fort supérieur à César. S'il entreprend de conquérir l'Asie, c'est pour venger la Grèce des ravages que les barbares y avoient faits; s'il cherche à tout soumettre, ce n'est pas pour faire des esclaves, mais pour rendre les peuples plus heureux. Au lieu que César sacrifie tout à son ambition personnelle; les plus grandes injustices ne lui coûtent rien. Il voit avec plaisir Catilina et ses complices prêts à renverser l'empire, et il se prépare à profiter des traubles pour régner. Le caractère de tyran est si fort empreint en lui, que sous la feinte douceur dont il tâche de le couvrir, c'est alors qu'il prend des mesures pour asservir COMP.D'ALEXANDRE ET DE CÉSAR. 369 asservir sa patrie, César paroît né pour la ruine des hommes, et Alexandre pour leur bonheur. Ils avoient tous les deux des qualités morales qui leur ont attiré les éloges de la postérité. Cependant ils ont commis l'un et l'autre des actes de cruauté. L'ambition de César étoit de se faire roi d'un peuple qui avoit une aversion insurmontable pour les rois ; et celle d'Alexandre étoit de se faire reconnoître dieu. L'ambition de l'un étoit injuste, et celle de l'autre étoit impie. Mais il y a entre eux cette différence, que César voulut se faire roi après avoir versé un déluge de maux dans l'empire, et qu'Alexandre voulut se faire reconnoître dieu après avoir comblé la terre de biens, TOME II. A a |