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et

palais étoit plein de gens qui sacrifioient, d'autres qui faisoient des expiations et des purifications, et d'autres enfin qui se mêloient de faire des prophéties, tant il est vrai que c'est un terrible mal que la superstition, qui, comme l'eau, va toujours gagnant les parties basses, s'insinue de même dans les âmes abattues et foibles, les remplit de folie et de crainte: c'est ce qu'Alexandre éprouva. Cependant, malgré ses frayeurs, sur quelques oracles qui lui furent apportés au sujet d'Ephestion de la part du Dieu, renonçant à son deuil, il se livra encore à la débauche, et célébra des fêtes et donna des festins.

Un jour après avoir magnifiquement traité Néarque, il se mit au bain selon sa coutume pour aller se coucher ensuite ; mais il ne put refuser Médius le Thessalien, qui vint le prier d'aller, après-soupé, faire collation chez lui. Là, ayant bu toute la nuit et le lendemain, à la fin du repas il sentit des mouvemens de fièvre. Dans les éphémérides ou journal de sa vie, voici ce que l'on trouve écrit sur sa maladie : « Le dix-huitième du mois de »Daisius, le roi dormit dans sa chambre des bains à » cause de sa fièvre. Le lendemain dix-neuf, après s'être baigné, il passa dans sa chambre où il joua au dés toute la journée contre Médius. Le soir du même jour, > après s'être encore baigné, et avoir sacrifié aux dieux »'il soupa, et eut la fièvre la nuit. Le lendemain, qui » étoit le vingt, il se baigna, fit le sacrifice ordinaire ; et » s'étant couché dans la chambre des bains, il passa tout le jour à entendre le récit que Néarque lui fit de sa » navigation, et de tout ce qu'il avoit vu dans la grande » mer. Le vingt-un, il fit encore la même chose; sa fièvre » augmenta, et il eut une nuit très-mauvaise. Le vingt

» deux, sa fièvre devint beaucoup plus violente, et il se » fit porter près du grand étang, où il s'entretint avec ses » capitaines sur les places qui étoient vacantes dans son » armée, et leur dit qu'ils ne devoient les donner qu'à » des officiers éprouvés. Le vingt-quatre, il fut beaucoup » plus mal, mais il ne laissa pas d'offrir le sacrifice et de » s'y faire porter. Ce jour-là il ordonna à ses principaux » capitaines de faire la garde dans la cour, et aux chefs » de files et capitaines de cinquante hommes, de passer » la nuit et de faire la garde de même hors du palais. Ļe » vingt-cinq, il se fit porter dans le palais qui est au-delà » de l'étang; il dormit un peu, mais sa fièvre ne diminua » point, et ses capitaines étant entrés dans sa chambre;

» il ne parloit plus. Le vingt-six se passa de même, de

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» sorte que les Macédoniens craignant qu'il fût mort, » vinrent avec de grands cris aux portes du palais, et » menaçant leurs compagnons, ils les forcèrent de leur » ouvrir les portes. Dès qu'elles furent ouvertes, ils en» trèrent en foule et en tunique; ils passèrent l'un après » l'autre au pied de son lit. Ce même jour, Python et » Seleucus, envoyés au temple de Sérapis, demandèrent

au dieu s'ils porteroient Alexandre dans son temple. Le » dieu leur répondit qu'ils le laissassent où il étoit. Le » surlendemain, qui étoit le vingt-huit, il mourut sur le » soir.» Telles sont les circonstances de la mort d'Alexandre, qui fut naturelle, et non pas la suite du poison, comme quelques écrivains l'ont dit.

JULE CÉSAR.

SYLLA, devenu maître de Rome, n'ayant pu obliger César ni par promesses, ni par menaces, à répudier są femme Cornélie, fille de Cinna, qui avoit eu la souveraine puissance, confisqua sa dot. Il pensoit à le faire tuer lui-même, comme tant d'autres; mais César se déroba à ses poursuites, et se réfugia en Bithynie auprès du roi Nicomède.

Quand la puissance de Sylla commença à s'affoiblir ses amis le pressèrent de revenir à Rome. Mais auparavant il alla à Rhodes pour y étudier pendant quelque temps sous Apollonius, fils de Molon, qui enseignoit l'éloquence avec beaucoup de réputation, et auprès duquel il se forma dans cet art, au point qu'il seroit devenu, peut être, le premier orateur de Rome, s'il n'avoit eu l'ambition de devenir le premier de ses concitoyens dans l'art militaire. Son premier soin, dès qu'il fut de retour à Rome, fut de se faire remarquer par ses talens oratoires.

Son éloquence lui acquit beaucoup de crédit dans Rome; le bon accueil qu'il faisoit à tout le monde, et les charmes de son commerce lui procurèrent l'affection du peuple; la somptuosité de sa table, et sa magnificence contribuèrent sur-tout à augmenter son crédit.

Le premier qui parut soupçonner sa politique, ce fut Cicéron. Car il dit publiquement : « Dans tous les projets que cet homme forme, et dans toute la conduite qu'il

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