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COMPARAISON

D'AGÉSILAS ET DE POMPÉE.

POMPÉE s'éleva à une grande puissance et à une grande réputation par des voies justes et légitimes; au lieu qu'Agésilas parvint à la royauté par une conduite qui ne peut être excusée, ni devant les dieux ni devant les hommes, ayant déclaré bâtard le jeune Léotychidas, que son frère avoit reconnu pour son fils lé gitime.

Pompée continua toujours d'honorer Sylla pendant sa vie et après sa mort; au lieu qu'Agésilas rompit avec Lysandre et le traita avec la dernière indignité. Cependant, les services que Sylla avoit reçus de Pompée n'étoient pas moins grands que ceux que Pompée avoient reçus de lui. Au contraire, c'étoit Lysandre qui avoit fait Agésilas roi de Sparte, et capitaine général de toute la Grèce.

Les fautes qu'ils firent l'un et l'autre en violant la justice dans le gouvernement, Pompée les fit en faveur des alliances qu'il avoit contractées; car, dans la plupart, il eut en vue de servir César et Scipion, qui étoient ses beaux-pères, et quand Agésilas sauva la vie à Sphodrias, qui avoit mérité la mort par tout ce qu'il avoit fait contre les Athéniens, ce fut pour servir la violente passion de son fils. Et s'il soutint si hautement et avec tant de

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zèle Phoibidas dans l'horrible action qu'il avoit commise en violant le traité de paix fait avec les Thébains, il parut évidemment qu'il ne le fit qu'en faveur du crime même. En un mot, tous les maux que Pompée fit aux Romains par ignorance, ou par une mauvaise honte, pour n'oser rien refuser à ses amis, Agésilas les fit aux Lacédémoniens par une opiniâtreté obstinée et par un excès de colère, qui le portèrent à allumer la guerre contre les Béotiens.

Si l'on considère Pompée et Agésilas, du côté de leurs exploits guerriers, je suis persuadé que, ni quant au nombre des trophées que Pompée a érigés, ni quant à la grandeur des armées qu'il a conduites, ni à la quantité des batailles rangées qu'il a gagnées, Xénophon lui-même n'oseroit mettre en comparaison les victoires d'Agésilas.

Cependant, s'il faut adjuger le prix de la vertu guerrière au général qui a fait les plus grands et les plus importans exploits d'armes, et donné les conseils les plus profonds, les plus glorieux et les plus solides, il est certain que le Lacédémonien laisse ici le Romain bien loin derrière lui.

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ALEXANDRE.

C'EST une opinion généralement reçue, qu'Alexandre, du côté de son père, descendoit d'Hercule par Caranus, et du côté de sa mère, d'Achille par Neoptolème. On dit que Philippe, encore très-jeune, étant à Samothrace, fut initié aux mystères de cette île avec Olympias, qui étoit encore enfant, et que là il devint amoureux de cette princesse, qui étoit orpheline, et qu'il l'obtint enfin en mariage de son frère Arymbas. C'est de ce mariage qu'Alexandre naquit.

Dès son enfance, il fit connoître quelle seroit sa tempérance ainsi que sa modération dans les plaisirs. Mais, en même-temps, il montra les germes de cette ambition démesurée, qu'il devoit porter à un si haut degré. Il n'aimoit pas toute sorte de gloire. Un jour ses amis lui demandant s'il se présenteroit aux jeux olympiques pour y disputer le prix de la course, il répondit : « Qu'oui, s'il devoit avoir des rois pour antago»nistes ».

Une autre fois des ambassadeurs du roi de Perse étant arrivés à la cour pendant l'absence de Philippe, Alexandre les reçut, et les traita avec tant de bonté et de politesse, qu'ils en furent charmés. Mais ce qui les surprit. davantage encore, c'est qu'il ne leur fit aucune question. qui ne fût de son âge; car en s'entretenant avec eux, il leur demandoit les distances des lieux, quel chemin il

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