Page images
PDF
EPUB

chées devoient paroître sur les hauteurs, dès la pointe du jour il fit prendre les armes à toute son armée, et l'ayant partagée en trois corps, il se mit à la tête du centre; et marchant le long du fleuve par le sentier qui étoit le plus étroit, il mena toutes ses troupes droit à la montagne, toujours exposé aux traits des Macédoniens, et toujours combattant corps à corps contre ceux qui défendoient les

passages.

Cependant le soleil se leva, et en même-temps on vit dans le lointain s'élever sur la cime des montagnes une fumée semblable à ces brouillards qui s'élèvent le matin. D'abord les Romains n'osèrent s'assurer que ce fût-là le signal dont ils étoient convenus. Mais, bientôt après, voyant cette fumée se grossir, obscurcir l'air, et s'élever en se déployant par tourbillons, ils ne doutèrent plus que ce ne fussent les feux que leurs amis avoient allumés pour marquer qu'ils avoient gagné les sommets de la monta→ gne. En même-temps ils redoublent leurs efforts; et se jetant impétueusement sur l'ennemi avec de grands cris, ils le poussèrent dans les endroits les plus difficiles. Les autres, qui étoient derrière, répondirent du haut de la montagne à ces crís avec un bruit épouvantable, et qui effraya tellement les Macédoniens, que perdant courage, ils prirent tous la fuite. Il n'en fut pourtant pas tué plus de deux mille, car la difficulté des lieux empêcha de les poursuivre.

Les Romains, après avoir pillé leur camp, pris leurs fentes et leurs esclaves, s'emparèrent de tous les passages, et traversèrent toute l'Epire avec tant d'ordre et de discipline, que lorsqu'ils furent sur les frontières de la Thessalie toutes les villes envoyèrent des députés

TOME II.

B

au-devant de Flaminius, pour le féliciter de ses succès, et faire alliance avec les Romains. Les Achéens firent plus; non-seulement ils renoncèrent à l'alliance de Philippe, mais ils résolurent même, par un décret public, de s'unir contre lui avec les Romains.

Ceux qui voyoient Flaminius pour la première fois, étoient forcés de lui accorder leur estime. Et comment l'auroient-ils refusée à un homme qui, loin d'être un homme cruel, comme les Macédoniens l'avoient annoncé, se montroit partout doux et humain.

Philippe, déconcerté de l'accueil que les Grecs faisoient à Flaminius, parut disposé à faire la paix : Flaminius la lui offrit avec l'amitié des Romains, à condition qu'il laisseroit les Grecs libres et soumis à leurs lois, et qu'il retireroit ses garnisons de leurs places. Philippe ayant refusé ces conditions, on vit clairement que les Romains étoient venus pour faire la guerre, non aux Grecs, mais aux Macédoniens en faveur des Grecs.

Dans l'espoir de réussir mieux auprès du sénat, Philippe envoya des ambassadeurs à Rome; mais Flaminius y envoya aussi des députés pour demander au sénat, ou qu'il fût continué dans sa charge pendant toute la guerre, ou qu'on lui donnât les pouvoirs nécessaires pour la terminer par une paix avantageuse; car, comme il étoit ambitieux et jaloux, il craignoit qu'on ne lui envoyât un successeur, qui lui ravît toute sa gloire.

Ses amis le servirent si bien, que le sénat refusa à Philippe tout ce qu'il demandoit, et ordonna que Flaminius seroit continué dans son consulat. Il n'eut pas plutôt reçu ce décret, que se livrant à de nouvelles espérances, il se rendit en Thessalie, pour terminer par un combat

cette guerre contre Philippe. Son armée étoit de vingtsix mille combattans, dont les Etoliens avoient fourni six mille hommes de pied et quatre cents chevaux. Celle de Philippe n'étoit pas inférieure en nombre. Les deux armées se rencontrèrent près de la ville de Scotuse. Ni les officiers, ni les soldats de l'une et de l'autre armée ne furent étonnés de se trouver en présence; au contraire, à cette vue, ils sentirent tous augmenter leur courage, les Romains pensant que s'ils étoient vainqueurs des Macédoniens, dont les victoires d'Alexandre avoient rendu le nom si fameux, rien ne seroit comparable à leur gloire ; et les Macédoniens se flattant que s'ils battoient les Romains, si supérieurs aux Perses, ils rendroient le nom de Philippe plus célèbre et plus éclatant que celui d'Alexandre.

Le lendemain à la pointe du jour, après une nuit fort pluvieuse, les nuages s'étant tournés en brouillards, toute la campagne fut couverte d'un air épais qui remplit tout l'espace qui séparoit les deux camps, de manière que les deux armées ne pouvoient se voir. Ceux qui furent envoyés des deux côtés à la découverte, pour se saisir de quelques postes, s'étant rencontrés sans se voir, se chargèrent; mais bientôt l'affaire fut générale, et les deux armées en vinrent aux mains. Philippe eut d'abord l'avantage à son aile droite. Il n'en fut pas de même à son aile gauche, dont les rangs se trouvoient rompus et séparés par la disposition du terrein. Flaminius la culbuta et la mit en fuite. Alors l'aile droite des Macédoniens qui combattoit encore avec succès, fut prise en flanc, et il en fut fait un carnage horrible.

Il n'y en eut pas moins de huit mille de tués sur la

place, et on fit environ cinq mille prisonniers. Les Etoliens furent accusés d'avoir, par leur imprudence, ménagé le salut de Philippe ; car ils s'amusèrent à piller son camp pendant que les Romains étoient occupés à sa poursuite; de sorte que quand ils furent revenus, ils ne trouvèrent presque plus de butin.

Ce qui irrita le plus Flaminius, c'est que ces Etoliens s'attribuèrent l'honneur de cette victoire.

La défaite de Philippe assura la liberté de toute la Grèce, et entraîna la chute de la puissance Macédonienne; Philippe fut obligé de recevoir la loi des Romains: Flaminius lui laissa, son royaume, mais il lui ordonna de se retirer entièrement de la Grèce, le condamna à payer mille talens, lui enleva tous ses vaisseaux, excepté dix qu'il lui laissa, et prit pour ôtage l'un de ses deux fils, nommé Démétrius, qu'il envoya

à Rome..

Le sénat chargea dix députés de porter des instructions à Flaminius. Suivant ces instructions, Flaminius devoit rendre la liberté à tous les Grecs, et retenir seulement les villes de Corinthe, de Chalcis et de Démétriade, pour s'en assurer contre Antiochus.

On étoit alors sur le point de célébrer les jeux Isthmiques. Le jour de l'assemblée, dès que le son de la trompette eut ordonné le silence, le héraut s'avançant au milieu, prononça à haute voix : « Que le sénat de Rome, et » Titus Quinctius Flaminius, général des Romains, avec » le pouvoir consulaire, ayant défait en bataille le roi » Philippe et les Macédoniens, délivroient de toutes gar»nisons et de tous impôts les Corinthiens, les Locriens, »les Phociens, les Eubéens, les Achéens, les Phthiotes,

[ocr errors]

es Magnésiens, les Thessaliens et les Perrhèbes, qu'ils » les déclaroient libres, et vouloient qu'ils gardassent leurs » lois et leurs priviléges ».

Aussitôt la joie éclata par des cris si forts et si perçans, que la mer en retentit. Tout le théâtre se leva, on ne pensa plus aux athlètes, et on alla en foule pour saluer, embrasser et remercier le défenseur et le sauveur de la Grèce, et l'auteur de sa liberté.

Dès que l'assemblée fut levée, si Flaminius n'eût sagement prévu l'empressement de la foule qui alloit l'environner dans un moment, et qu'il ne se fût promptement retiré pour éviter les caresses du peuple, il auroit sûrement couru des dangers au milieu de l'enthousiasme universel, tant étoit grand le concours de ceux qui vouloient le voir et le presser dans leurs bras.

Après cette grande action, Flaminius entreprit la plus belle et la plus juste de toutes les guerres contre Nabis, le plus injuste et le plus cruel des tyrans, qui tenoit Lacédémone dans une dure servitude. Mais la fin ne répondit point aux grandes espérances qu'on avoit conçues de lui; car pouvant le faire prisonnier, il ne le voulut pas, et lui accorda la paix, abandonnant ainsi les intérêts de Sparte, et la laissant indignement livrée aux entreprises du tyran.

Flaminius ne manquoit pas de raisons pour justifier sa conduite à l'égard de Nabis; il disoit « Qu'il n'avoit ter»miné cette guerre, que parce qu'il voyoit qu'il ne pou» voit absolument ruiner et perdre le tyran, sans causer » de très-grands maux à tous les Spartiates. »

De tous les honneurs que les Grecs lui décernèrent pour lui marquer leur reconnoissance, il n'y en eut qu'un seul qui parut égaler ses bienfaits; ce fut un présent qu'ils

« PreviousContinue »