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M. de Fénélon adopte aussi pleinement cette seconde preuve de l'existence de Dieu; et il l'a exposée à sa mamière, c'est-à-dire, de la manière la plus claire et la plus touchante, dans son Traité de l'existence de Dieu. Les, développemens de cette preuve ont fait naître aussi dans son cœur des sentimens que nous croyons devoir communiquer encore à nos lecteurs, comme nous représentant ceux qu'elle faisoit naître dans l'ame de Descartes, et que malheureusement ce philosophe n'a point épanchés dans ses écrits.

Il est donc vrai, ô mon Dieu! que je vous trouve de tous côtés. J'avois déjà vu qu'il falloit dans la nature un être nécessaire et par lui

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aucune impossibilité dans le concept ou la pensée de Dieu, ainsi qu'il l'a prouvé, et qu'on l'accorde, la nature de Dieu est par-là même prouvée possible. Nous invitons le lecteur à lire en entier la réponse de Descartes aux secondes objections, parag. vi: il verra que Descartes a parfaitement prouvé la possibilité de la nature divine. Quoi qu'il en soit, Leibnitz, pour prouver cette possibilité, et remplir ainsi le vide qu'il croit exister dans la preuve de Descartes, fait ce raisonnement, « Si Dieu, ou l'étre de soi, est impossible, tous les « êtres par autrui le sont aussi, puisqu'ils ne sont enfin que « par l'étre de șoi: ainsi rien ne pourroit exister ».

Ou bien autrement, Si l'être nécessaire n'est point, il n'y a point d'être possible. Leibnitz croit qu'en joignant cette observation, ou ce point, à la preuve de Descartes, l'existence de Dieu est démontrée géométriquement à priori. On peut consulter sur ce point le premier volume des Pensées de Leibnitz, pag. 81.

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même, que cet être étoit nécessairement parfait et infini, que je n'étois point cet être, et que j'avois été fait par lui : c'étoit déjà vous reconnoître et vous avoir trouvé. Mais je vous retrouve encore par un autre endroit : vous sortez, pour ainsi dire, du fond de moi-même par tous les côtés. Cette idée, que je porte au dedans de moi, d'un être nécessaire et infiniment parfait, que dit-elle, si je l'écoute au fond de mon coeur ? qui l'y a mise, si ce n'est vous? qui peut-elle représenter, si ce n'est vous? Le mensonge est le néant; pourroit-il me représenter une suprême et universelle vérité? Cette idée infinie de l'infini, dans un esprit borné, n'est-elle pas le sceau de l'ouvrier tout-puissant, qu'il a imprimé sur son ouvrage ?

De plus, cette idée ne m'apprend-elle pas que vous êtes toujours actuellement et nécessairement; comme mes autres idées m'apprennent ce que d'autres choses peuvent être par vous, ou n'être point, suivant qu'il vous plaît? Je vois aussi évidemment votre existence nécessaire et immuable, que je vois la mienne empruntée et sujette au changement. Pour en douter, il faudroit douter de la raison même, qui ne consiste que dans les idées : il faudroit démentir l'essence des choses, et se contredire soi-même. Toutes ces différentes manières d'aller à vous, ou plutôt de vous trouver en moi, sont liées et s'entre-soutiennent. Ainsi, ô mon Dieu ! quand on ne craint point de vous voir,

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et qu'on n'a point des yeux malades qui fuient la lumière, tout sert à vous découvrir, et la nature entière ne parle que de vous: on ne peut même la concevoir, si on ne vous conçoit. C'est dans votre pure et universelle lumière qu'on voit la lumière intérieure, par laquelle tous les objets particuliers sont éclairés.

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XII.

LES attributs de Dieu se déduisent facilement des démonstrations précédentes, ainsi que la nécessité de croire aux mystères qu'il nous a révélés.

(Princ. de la Philos., p. 14.)

Nous avons cet avantage, en prouvant, ainsi que nous avons fait, l'existence de Dieu, que nous connoissons, par le même moyen, ce qu'il est, autant que le permet la foiblesse de notre nature. Car faisant réflexion sur l'idée que nous avons naturellement de lui, nous voyons qu'il est éternel, tout-connoissant, tout-puissant, source de toute bonté et vérité, créateur de toutes choses, et qu'enfin il a en soi tout ce en quoi nous pouvons reconnoître quelque perfection infinie, ou bien qui n'est bornée d'aucune imperfection.

Car il y a des choses dans le monde qui sont limitées, et en quelque façon imparfaites, quoique nous remarquions en elles quelques perfec

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tions; mais nous concevons aisément qu'il n'est pas possible qu'aucunes de celles-là soient en Dieu ainsi, parce que l'étendue constitue la nature du corps, et que ce qui est étendu peut être divisé en plusieurs parties, et que cela marque du défaut, nous concluons que Dieu n'est point un corps. Et quoique ce soit un avantage aux hommes d'avoir des sens, néanmoins à cause que les sentimens se font en nous par des impressions qui viennent d'ailleurs, et que cela témoigne de la dépendance, nous concluons aussi que Dieu n'en a point, mais qu'il entend et veut, non pas encore comme nous par des opérations différentes, mais que toujours par une même et très-simple action, il entend, veut, et fait tout, c'est-à-dire toutes les choses qui sont en effet; car il ne veut point la malice du péché, parce qu'elle n'est rien.

Après avoir ainsi connu que Dieu existe, et qu'il est l'auteur de tout ce qui est ou qui peut être, nous suivrons sans doute la meilleure méthode dont on se puisse servir pour découvrir la vérité, si de la connoissance que nous avons de sa nature, nous passons à l'explication des choses qu'il a créées, et si nous essayons de la déduire en telle sorte des notions qui sont naturellement en nos ames, que nous ayons une science parfaite, c'est-à-dire, que nous connoissions les effets par leurs causes. Mais afin que nous puissions l'en

treprendre avec plus de sûreté, toutes les fois que nous voudrons examiner la nature de quelque chose, nous nous souviendrons que Dieu, qui en est l'auteur, est infini, et que nous sommes entièrement finis.

Tellement que s'il nous fait la grâce de nous révéler, ou bien à quelques autres, des choses qui surpassent la portée ordinaire de notre esprit, telles que sont les mystères de l'Incarnation et de la Trinité, nous ne ferons point difficulté de les croire, quoique nous ne les entendions peut-être pas bien clairement. Car nous ne devons point trouver étrange qu'il y ait en sa nature, qui est immense, et dans ce qu'il a fait, beaucoup de choses qui surpassent la capacité de notre esprit."

XIII.

Les notions générales et l'idée de Dieu ne viennent point des sens: réfutation anticipée de Locke.

(Tom. Ier., Lett. XCIX.)

- Regius, après avoir dit que l'esprit n'a pas be soin d'idées qui soient naturellement imprimées en lui, mais que la seule faculté qu'il a de penser lui suffit pour exercer ses actions, conclut que toutes les communes notions qui se trouvent empreintes en l'esprit, tirent toutes leur origine ou de l'obser vation des choses, ou de la tradition: comme si la

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