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«< effraie dans la transsubstantiation. En cet objet, qu'on «<appelle communément pain, pris tout ensemble, il y <«< avoit je ne sais quoi d'invisible et d'impalpable qui fai<< soit son être, et qui soutenoit tout le reste.... L'invi«sible et l'impalpable du pain n'y est plus; mais un «antre invisible et impalpable, infiniment plus pré<«< cieux, y est en sa place. La merveille est grande; mais » où est la contradiction formelle dans cette pensée et « dans la volonté de Dieu ? Nous le disons hardiment <«<dès que vous réduisez ce miracle à un invisible ôté et << un invisible mis à sa place, il est impossible que cela soit impossible à celui qui peut tout, qui ayoit tout fait, <«<tant le visible que l'invisible, qui avoit lié l'un à l'autre, << et pouvoit aussi facilement ne les pas lier, ou les délier «< l'un d'avec l'autre, quand il lui plairoit.

<< Ne nous parlez plus du témoignage des sens, sur le << quel vos écrivains font ici tout leur vacarme, il n'en est << pas question. Vous voyez et vous touchez comme au<< paravant, il est vrai; l'Eglise ne vous dit point aussi » qu'il y a rien de changé en ce qui se voit et se touche. <«< Vos sens ne vous trompent pas; mais votre raison vous « trompe, quand elle dit : Rien n'est changé au dehors, << donc il est absolument impossible que rien soit changé <«<au dedans. Elle ne se défend aussi là-dessus que par les « règles ordinaires, qui cessent aussitôt que le pouvoir <«<extraordinaire paroît ».....

Mais il est temps de laisser parler Descartes.

Mon dessein n'a point été, dans mes écrits, de rien définir touchant la nature des accidens, mais j'ai seulement proposé ce qui m'en a semblé de

prime abord; et enfin de ce que j'ai dit, que les modes ne sauroient être conçus sans quelque substance en laquelle ils résident, on ne doit pas inférer que j'aie nié que par la toute-puissance de Dieu ils puissent être séparés; parce que je tiens pour très-assuré, et crois fermement que Dieu peut faire une infinité de choses, que nous ne sommes pas capables d'entendre ni de concevoir.

Mais, pour procéder ici avec plus de franchise, je ne dissimulerai point que je me persuade qu'il n'y a rien autre chose par quoi nos sens soient touchés, que cette seule superficie, qui est le terme des dimensions du corps, qui est senti ou aperçu par les sens; car c'est en la superficie seule que se fait le contact, lequel est si nécessaire pour le sentiment, que j'estime que sans lui pas un de nos sens ne pourroit être mû; et je ne suis pas le seul de cette opinion. Aristote même, et quantité d'autres philosophes avant moi en ont été : de sorte que, par exemple, le pain et le vin ne sont point aperçus par les sens, sinon en tant que leur superficie est touchée par l'organe du sens, ou immédiatement, ou médiatement par le moyen de l'air ou des autres corps, comme je l'estime, ou bien, comme disent plusieurs philosophes, par le moyen des espèces intentionnelles.

Et il faut remarquer que ce n'est pas la seule figure extérieure des corps, qui est sensible aux doigts et å la main, qui doit être prise pour cette

superficie, mais qu'il faut aussi considérer tous ces petits intervalles qui sont, par exemple, entre les petites parties de la farine dont le pain est composé, comme aussi entre les particules de l'eaude-vie, de l'eau douce, du vinaigre, de la lie ou du tartre, du mélange desquelles le vin est composé, et ainsi entre les petites parties des autres corps, et penser que toutes les petites superficies, qui terminent ces intervalles, font partie de la superficie de chaque corps.

Car, dans le vrai, ces petites parties de tous les corps ayant diverses figures et grosseurs,et différens mouvemens, jamais elles ne peuvent être si bien arrangées, ni si justement jointes ensemble, qu'il ne reste plusieurs intervalles autour d'elles, qui ne sont pas néanmoins vides, mais qui sont remplis d'air, ou de quelque autre matière; comme il s'en voit dans le pain qui sont assez larges, et qui peuvent être remplis non-seulement d'air, mais aussi d'eau, de vin ou de quelque autre liqueur: et puisque le pain demeure toujours le même, 'quoique l'air, ou telle autre matière qui est contenue dans ses pores soit changée, il est constant que ces choses n'appartiennent paint à la substance du pain, et partant que sa superficie n'est pas celle qui par un petit circuit l'environne tout entier, mais celle qui touche et environne immédiatement chacune de ses petites parties.

Il faut aussi remarquer que cette superficie n'est

pas seulement remuée toute entière, lorsque toute la masse du pain est portée d'un lieu en un autre, mais qu'elle est aussi remuée en partie, lorsque quelques-unes de ses petites parties sont agitées par l'air, ou par les autres corps qui entrent dans ses pores tellement que s'il y a des corps qui soient d'une telle nature, que quelques-unes de leurs parties, ou toutes celles qui les composent, se remuent continuellement (ce que j'estime être vrai de plusieurs parties du pain et de toutes celles du vin), il faudra aussi concevoir que leur superficie est dans un continuel mouvement.

Enfin, il faut remarquer que, par la superficie du pain ou du vin, ou de quelque autre corps que ce soit, on n'entend pas ici aucune partie de la substance, ni même de la quantité de ce même corps, ni aussi aucunes parties des autres corps qui l'environnent, mais seulement ce terme que l'on conçoit être moyen entre chacune des particules de ce corps, et les corps qui les environnent, et qui n'a point d'autre entité que la modale.

Ainsi, puisque le contact se fait dans ce seul terme, et que rien n'est senti, si ce n'est par contact, c'est une chose manifeste que de cela seul que les substances du pain et du vin sont dites être tellement changées en la substance de quelque autre chose, qué cette nouvelle substance soit contenue précisément sous les mêmes termes sous qui les autres étoient contenues, ou qu'elle existe

dans le même lieu où le pain et le vin existoient auparavant, (ou plutôt, parce que leurs termes sont continuellement agités, dans lesquels ils existeroient s'ils étoient présens) il s'ensuit nécessairement que cette nouvelle substance doit mouvoir tous nos sens de la même façon que feroient le pain et le vin, s'il n'y avoit point eu de transsubstantiation.

Or l'Eglise nous enseigne, dans le concile da Trente, (Session XIII, can. II et 1v.) qu'il se fait une conversion de toute la substance du pain, en la substance du corps de Notre-Seigneur JésusChrist, demeurant seulement l'espèce du pain. Où je ne vois pas ce que l'on peut entendre par l'espèce du pain, si ce n'est cette superficie qui est moyenne entre chacune de ses petites parties, et les corps qui les environnent.

Car, comme il a déjà été dit, le contact se fait en cette seule superficie; et Aristote même confesse que non-seulement ce sens, que par un privilége spécial on nomme l'attouchement, mais aussi tous les autres ne sentent que par le moyen de l'attouchement. C'est dans le livre III, de l'ame, chap. XIII, où : ou sont ces mots : καὶ τα άλλα αποθετήρια άφη αιθάνεται.

Or il n'y a personne qui pense que, par l'espèce, on entende ici autre chose que ce qui est précisément requis pour toucher les sens. Et il n'y a aussi personne qui croie la conversion du pain

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