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de se confesser, aussi bien que de faire des voeux de religion, cependant cette vertu n'auroit jamais lieu si les hommes ne péchoient point.

VII.

PENSÉE de Descartes sur une pierre prétendue miraculeuse.

(Tom. II, Lett. XXIX.)

Vous me parlez dans l'une de vos lettres (il écrit au P. Mersenne) de l'ombre du corps de saint Bernard, qui paroît sur une pierre; sur quoi je m'assure qu'il est aisé, en la voyant, d'examiner si elle est miraculeuse, ou bien si ce sont seulement les veines de la pierre qui représentent cette figure; mais il est mal aisé de deviner ce qui en est en ne la voyant pas; et je n'en puis dire autre chose, sinon que si elle est miraculeuse, et qu'on la regarde avec dessein d'examiner si les veines de la pierre la peuvent représenter sans miracle, il me semble qu'on y doit remarquer quelque circonstance qui fera voir qu'elles ne le peuvent pas : car pourquoi Dieu feroit-il un miracle, s'il ne vouloit qu'il pût être connu pour miracle?

VIII.

SOUHAIT de Descartes pour la réunion des Hollandois à l'église romaine.

( Tom. III, Lett. CVIII.)

J'ai lu avec bien de l'intérêt (il écrit à un Hollandois) votre traité flamand sur l'usage des orgues dans l'église, et je n'y ai rien remarqué qui ne s'accorde avec notre église.... Je voudrois cependant qu'en nous disant, comme vous faites, beaucoup d'injures, vous eussiez aussi bien déduit tous les points qui pourroient servir à réunir Genève avec Rome. Mais parce que l'orgue est l'instrument le plus propre de tous pour commencer de bons accords, permettez à mon zèle de dire ici, omen accipio, sur ce que vous l'avez choisi pour sujet. Si quelques Indiens ont refusé de se rendre chrétiens, par la crainte qu'ils avoient d'aller au paradis des Espagnols, j'ai bien plus de raison de souhaiter que votre retour à notre religion me fasse espérer d'être après cette vie avec les habitans de ce pays, où j'ai montré par le fait que j'aimois mieux vivre que dans le mien propre,

Da

IX.

QUELLE est la certitude de la présence du corps de Jésus-Christ dans une hostie.

(Tom. II, Lett. LIV.)

J'admire les objections de vos docteurs, (il écrit au P. Mersenne) qui prétendent que nous n'avons point de certitude, suivant ma philosophie, que le prêtre tient l'hostie à l'autel, ou qu'il ait de l'eau pour baptiser, etc. Car qui a jamais dit, même parmi les philosophes de l'école, qu'il y eût une autre certitude qu'une certitude morale de telles choses? Et quoique les théologiens disent qu'il est de la foi de croire que le corps de Jésus-Christ est dans l'Eucharistie, ils ne disent pas toutefois qu'il soit de la foi de croire qu'il est en cette hostie particulière, sinon en tant qu'on suppose, ex fide humaná, quòd sacerdos habuerit voluntatem consecrandi, et quòd verba pronunciarit, et sit ritè ordinatus, et talia quæ nullo modo sunt de fide.

X.

RESSOURCE des grandes ames dans les grands malheurs.

(Tom. Ier., Lett. XXVIII.)

L'opiniâtreté de la fortune à persécuter votre maison (il parle à la Princesse Palatine) vous

donne continuellement des sujets de peine si publics et si éclatans, qu'il n'est pas besoin d'user de beaucoup de conjectures ni d'être fort expérimenté dans les affaires, pour juger que c'est en cela que consiste la principale cause de l'indisposition que vous éprouvez; et il est à craindre que yous ne puissiez en être entièrement délivrée, à moins que, par la force de votre vertu, vous ne rendiez votre ame contente, malgré les disgrâces de la fortune. Je sais bien que ce seroit être imprudent de vouloir persuader la joie à une personne à qui la fortune envoie tous les jours de nouveaux sujets de déplaisir, et je ne suis point de ces philosophes cruels qui veulent que leur sage soit insensible: je sais aussi que votre altesse n'est point tant touchée de ce qui la regarde en son particulier, que de ce qui regarde les intérêts de sa maison, et des personnes qu'elle affectionne; ce que j'estime comme une vertu la plus aimable de toutes. Mais il me semble que la différence qui est entre les grandes ames et les ames vulgaires, consiste principalement en ce que les dernières se laissent entraîner par leurs passions, et ne sont heureuses ou malheureuses que selon que les choses qui leur surviennent sont agréables ou déplaisantes; au lieu que les autres ont des raisonnemens si forts et si puissans, que, quoiqu'elles aient aussi des passions, et même souvent de plus violentes que celles du commun, leur raison demeure

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néanmoins toujours la maîtresse, et fait que les afflictions mêmes leur servent, et contribuent à la parfaite félicité dont elles jouissent dès cette vie. Car considérant, d'une part, qu'elles sont immortelles, et capables de recevoir de très-grands contentemens, et considérant, de l'autre, qu'elles sont jointes à des corps mortels et fragiles, sujets à beaucoup d'infirmités, et qui ne peuvent manquer de périr dans peu d'années, elles font bien tout ce qui est en leur pouvoir pour se rendre la fortune favorable en cette vie; mais néanmoins elles l'estiment si peu auprès de l'éternité, qu'elles n'en considèrent presque les événemens que comme nous faisons ceux des comédies. Et comme les histoires tristes et lamentables, que nous voyons représenter sur un théâtre, nous donnent souvent autant de récréation que les histoires plaisantes, quoiqu'elles tirent des larmes de nos yeux; ainsi, les grandes amés dont je parle ont de la satisfaction en elles-mêmes de toutes les choses qui leur arrivent, même les plus fâcheuses et les plus insupportables. En ressentant de la douleur en leur corps, elles s'exercent à la supporter patiemment, et cette épreuve qu'elles font de leur force leur est agréable. Quand elles voient leurs amis dans quelque grande affliction, elles compatissent à leur mal, et font tout leur possible pour les en délivrer, ne craignant pas même de s'exposer à la mort pour ce sujet, s'il en est besoin; mais cependant le té

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