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IX.

LA croyance de l'immortalité de l'ame ne peut pas autoriser le suicide.

(Tom. Ier., Lett. VIII.)

La connoissance de l'immortalité de l'ame, et de la félicité dont elle sera capable, après cette vie, pourroit donner sujet d'en sortir à ceux qui s'y ennuient, s'ils étoient assurés qu'ils jouiroient ensuite de cette félicité: mais aucune raison ne les en assure; et il n'y a que la fausse philosophie d'Hégésias, dont le livre fut défendu par Ptolomée, parce que plusieurs s'étoient tués après l'avoir, lu, qui tâche de persuader que cette vie est mauvaise. La vraie enseigne, tout au contraire, que, même parmi les plus tristes accidens et les plus pressantes douleurs, on y peut toujours être content, pourvu qu'on sache user de sa raison.

X.

LA simplicité de l'ame, considérée seule, n'emporte pas la certitude absolue de son immortalité.

(MEDIT. Rép. aux secondes object., p. 174.)

Le P. Mersenne m'a observé que, de la distinction de l'ame d'avec le corps, il ne s'ensuit pas

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qu'elle soit immortelle, parce que, nonobstant cela, on peut dire que Dieu l'a faite d'une telle nature, que sa durée finit avec celle de la vie du corps. Je confesse que je n'ai rien à lui répondre; car je n'ai pas assez de présomption pour entreprendre de déterminer, par la force du raisonnement humain, une chose qui ne dépend que de pure volonté de Dieu.

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La connoissance naturelle nous apprend que l'esprit est différent du corps, et qu'il est une substance; et aussi que le corps humain, en tant qu'il diffère des autres corps, est seulement composé d'une certaine configuration de membres, et autres semblables accidens; et enfin que la mort du corps dépend seulement de quelque division ou changement de figure. Or nous n'avons aucun argument ni aucun exemple qui nous persuade que la mort, ou l'anéantissement d'une substance telle qu'est l'esprit, doive suivre d'une cause si légère, comme est un changement de figure, qui n'est autre chose qu'un mode, et encore un mode non de l'esprit, mais du corps, qui est réellement distinct de l'esprit. Et même nous n'avons aucun argument ni exemple qui nous puisse persuader qu'il y a des substances qui sont sujettes à être anéanties; ce qui suffit pour conclure que l'esprit, ou l'ame de l'homme (autant que cela peut être connu par la philosophie naturelle) est immortel.

Mais si on demande, si Dieu, par son absolue

puissance, n'a point peut-être déterminé que les ames des hommes cessent d'être, au même temps que les corps auxquels elles sont unies sont détruits; c'est à Dieu seul d'en répondre. Et puisqu'il nous a maintenant révélé que cela n'arrivera point, il ne nous doit plus rester touchant cela aucun doute (1).

(1) Il est bien vrai qu'on ne peut pas démontrer rigoureu→ sement, par les seules lumières de la raison, que toutes les ames subsisteront éternellement après la mort; mais on peut démontrer qu'en général elles survivront aux corps, et qu'il y aura pour elles une autre vie. Car Dieu, souverainement juste et souverainement sage, doit mettre une différence entre ceux qui auront constamment observé ses commandemens pendant leur vie, et ceux qui les auront constamment violés, entre ceux qui auront prolongé leurs jours à la faveur des crimes, et ceux qui les auront terminés plutôt, parce qu'ils ont refusé d'en commettre.

Nous convenons bien qu'en général les observateurs fidèles de la loi divine sont plus heureux, même dans cette vie, que ses transgresseurs : mais cela n'arrive pas toujours, et avec les proportions convenables. Un homme périt dans de cruels tourmens, parce qu'il a refusé de rendre un faux témoignage : la paix qu'il éprouve dans sa conscience forme-t-elle pour lui un dédommagement suffisant de la perte de sa vie, et de tout ce qu'il possédoit dans ce monde ? Donc, s'il n'existoit point une autre vie, Dieu ne seroit pas juste; et il n'y auroit point en ce monde de motif toujours suffisant pour faire le bien et s'abstenir du mal.

Si on prend la peine d'approfondir la pensée de Descartes, on verra qu'il a été bien éloigné d'insinuer le contraire.

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DIVERS SUJETS RELIGIEUX.

I.

DIFFÉRENCE entre les vérités acquises et les vérités révélées. Abus qu'on peut faire des vérités ré

IL

vélées.

(Tom. II, Lett. C.)

Ly a cette grande différence entre les vérités acquises et les révélées, que la connoissance de celles-ci ne dépendant que de la grâce, (laquelle Dieu ne refuse à personne, quoiqu'elle ne soit pas efficace en tous) les plus idiots et les plus simples y peuvent aussi bien réussir que les plus subtils; au lieu que, sans avoir plus d'esprit que le commun, on ne doit pas espérer de rien faire d'extraordinaire dans les sciences humaines. Et enfin, quoique nous soyons obligés à prendre garde à ce que nos raisonnemens ne nous persuadent aucune chose qui soit contraire à ce que Dieu a voulu que nous crussions, je crois néanmoins que c'est appliquer l'Ecriture sainte à une fin pour laquelle Dieu ne l'a point donnée, et par conséquent en abuser, que d'en vouloir tirer la connoissance des vérités qui n'appartiennent qu'aux sciences humaines, et qui ne servent point à notre salut.

II.

LA foi chrétienne, qui est obscure dans son objet, est claire dans son motif.

(AEDIT. Rép. aux secondes object., p. 168.)

Quoiqu'on dise que la foi a pour objet des choses obscures, néanmoins ce pourquoi nous les croyons n'est pas obscur, mais il est plus clair qu'aucune lumière naturelle. Il faut ici distinguer entre la matière ou la chose à laquelle nous donnons notre créance, et la raison formelle qui meut notre volonté à la donner: car c'est dans cette seule raison formelle que nous voulons qu'il y ait de la clarté et de l'évidence. Et quant à la matière, personne n'a jamais nié qu'elle peut être obscure, et l'obscurité même; car quand je juge que l'obscurité doit être ôtée de nos pensées pour leur pouvoir donner notre consentement sans aucun danger de faillir, c'est l'obscurité même qui me sert de matière pour former un jugement clair et distinct.

Outre cela, il faut remarquer que la clarté, ou l'évidence par laquelle notre volonté peut être excitée à croire, est de deux sortes : l'une qui part de la lumière naturelle, et l'autre qui vient de la grâce divine.

Or, quoiqu'on dise ordinairement que la foi est

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