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les termes les plus clairs: mais telle est votre insigne piété à l'égard de Dieu, que vous vous efforcez, par vos calomnies, de rendre impuissans et infructueux des argumens qui renversent de fond en comble l'athéisme. Vous m'imputez de vouloir écarter et faire tomber dans l'oubli les communes et anciennes preuves de l'existence de Dieu, pour leur substituer les miennes : mais sur quoi fondez-vous cette odieuse imputation? C'est, dites-vous, que, dans la même Epître, j'ai dit que mes preuves étoient plus concluantes que toutes les autres : mais suit-il de là que je rejette les autres? N'ai-je pas, au contraire, ajouté au même lieu, que la plupart des preuves qui ont été employées jusqu'ici par tant de grands hommes, pour prouver l'existence de Dieu, si on les entendoit bien, étoient vraiment démonstratives. Il paroît de là que, dans ce point qui n'est pourtant pas de grande importance, vous vous êtes encore rendu coupable de calomnie.

Mais après avoir fait semblant de produire quelques raisons pour prouver que j'enseigne l'athéisme, (sans doute pour en imposer plus facilement à ceux qui ne liroient que les titres de vos chapitres, sans prendre la peine de peser vos moyens) vous proposez en ma faveur quatre exceptions que vous réfutez en même temps de cette manière: 1o. Plusieurs personnes pensent plus favorablement de Descartes que de César Vanini, et il pro

fesse ouvertement la religion catholique romaine: mais, dites-vous, cela ne prouve rien; Vanini, ce perfide Sisyphe, en faisoit tout autant. 2°. Il ne peut pas se prévaloir de ce qu'il écrit contre les athées: Vanini leur avoit aussi déclaré la guerre. 3°. On ne peut pas non plus, pour le justifier, tirer avantage de ce qu'il combat les théologiens opposés à la religion, et nommément Voëtius, que les théologiens de l'université de Louvain regardent comme un hérétique : Vanini, en France, tenoit la même conduite.

Ici, comment pourroit-on ne point rire de votre impertinente vanité? Votre réputation, dites-vous, est parvenue jusqu'à Louvain; et parce que j'écrivis, il y a quelque temps, deux ou trois pages sur votre chapitre, je combats, dites-vous, les théologiens. Je combats les théologiens, moi qui n'ai jamais eu de démêlés avec d'autres théologiens qu'avec vous, et même qui n'en ai point eu avec vous sur la théologie : car il ne s'agissoit, dans mes deux ou trois pages, que de vos procédés injurieux. Croyez-moi, si les Lovanistes et d'autres étrangers vous connoissent, ce n'est point à votre génie, à votre habileté dans la théologie, ou à quelque estimable qualité que vous en êtes redevable; vous le devez à vos défauts éclatans, à cette insigne fureur de médire qui vous rend célèbre comme un autre Erostrate: et sachez qu'avant même de parler de vous dans mes écrits, j'avois

cessé

cessé de vous regarder comme un théologien ; je ne vous envisageois plus que comme un ennemi de la piété et de la théologie.

Nous honorons, il est vrai, plus particulièrement que les autres, les hommes qu'à la forme et à la couleur de leurs habits, nous jugeons être les domestiques du prince; et, d'après ce principe, je respecte singulièrement les théologiens comme les domestiques du grand maître : j'étends même ce respect à ceux qui sont d'une religion différente de la mienne, parce que nous sommes tous au service du même Dieu. Mais si un traître avoit pris la livrée du prince, pour vivre avec plus de sécurité au milieu de nous, tous ses vêtemens n'empêcheroient assurément pas que ceux qui sauroient, à n'en point douter, qu'il est du nombre de nos ennemis, ne fussent obligés de le faire connoître. Ainsi, quoiqu'un homme fasse profession d'être théologien, si je suis instruit qu'il est un imposteur et un calomniateur insigne, si je crois que les vices, dont il est rempli, sont propres à faire naître de grands troubles dans la république, le nom de théologien, que porte ce personnage, n'empêchera pas que je ne les manifeste or vous n'ignorez pas qu'un calomniateur, en grec, s'appelle diable, et que c'est le nom que donnent les chrétiens à ce mauvais esprit, qui est l'ennemi de Dieu.

Voici quelle est votre quatrième et dernière exception. Descartes n'échappera pas, en repré

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sentant qu'il passe, dans l'esprit de plusieurs personnes, pour un redoutable antagoniste des athées; car Vanini auroit pu en dire autant: il étoit estimé d'un grand nombre de personnes simples qui ne connoissoient pas les ruses du diable. Mais un petit nombre d'autres le mirent si bien à découvert aux yeux des premiers magistrats, que ceux-ci en délivrèrent heureusement le monde, en le condamnant à un supplice dont il étoit bien digne.

C'est ainsi que le seul nom de Vanini vous fournit toutes vos armes. Mais il y a lieu d'observer ici une ruse bien digne du diable. J'ai remarqué, en commençant, que le fondement de votre calomnie contre moi, c'est que j'ai écrit contre les athées, et que, si les paroles seules fournissoient un témoignage suffisant de la vertu, on ne pourroit former contre moi le plus léger soupçon d'athéisme et maintenant vous concluez que je mérite le dernier supplice, sur le fondement que, quoique je passe, auprès de plusieurs personnes, pour un grand adversaire des athées, un petit nombre d'autres (et ce petit nombre se réduit à vous seul) ont découvert ce que j'étois dans le fond, c'est-àdire, m'ont méchamment et calomnieusement accusé d'athéisme.

Voilà un trait qui met en évidence la noirceur et l'impudeur de votre extrême et incroyable méchanceté. Čar, si de ce que, dans mes écrits, j'ai combattu les athées, et que beaucoup de per

sonnes sont persuadées que je les ai fait tomber sous mes coups, si de cela seul vous prenez une occasion et un titre pour m'accuser d'athéisme, quel sera donc, dans le monde entier, l'hommé asseż innocent et assez irréprochable pour se croire en sûreté contre votre fureur de médire. Certainement personne n'écrira jamais contre les athées; personne ne sera jamais censé, dans l'opinion des autres hommes, les avoir victorieusement combattu, dont vous ne puissiez également, et à meilleur titre encore, affirmer tout ce que vous avez prétendu dans vos écrits contre moi. Si donc on ne veut pas être proscrit comme un athée détestable, digne du plus affreux des supplices, si on ne veut pas être diffamé dans un gros volume plein de calomnies, préparé pendant long-temps, il faut souverainement se donner dẹ garde de réfuter les athées. Mais c'est ainsi qué vous-même protégez et fomentez, autant qu'il est en vous, l'athéisme.

Je ne m'étonne plus maintenant que, dans les quatre écrits que vous avez publiés contre l'athéisme, vous n'ayez pas produit l'argument même lè plus léger, pour prouver l'existence de Dieu, ou pour confondre l'athéisme, mais que vous vous soyez contenté de témoigner que cette réfutation étoit très-difficile. Apparemment vous avez craint qu'on ne vous comparât à Vanini, parce que vous aviez entendu dire qu'il avoit écrit contre les athées, et qu'il n'en avoit pas moins été brûlé pour Z 2

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