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pose. Je dis donc, premièrement, que le passage de saint Paul, de la première aux Corinthiens', chap. vIII, V. 2, se doit seulement entendre de la science qui n'est pas jointe avec la charité, c'està-dire de la science des athées; parce que quiconque connoît Dieu comme il faut ne peut pas être sans amour pour lui, et n'avoir point de charité: ce qui se prouve tant par ces paroles qui précèdent immédiatement, la science enfle, mais la charité édifie, que par celles qui suivent un peu après, que si quelqu'un aime Dieu, celui-là (savoir Dieu) est connu de lui. Car ainsi l'Apôtre ne dit pas qu'on ne puisse avoir aucune science, puisqu'il confesse que ceux qui aiment Dieu le connoissent, c'est-à-dire qu'ils ont de lui quelque science'; mais il dit seulement que ceux qui n'ont point de charité, et qui par conséquent n'ont pas une connoissance de Dieu suffisante, et quoique peut-être ils s'estiment savans en d'autres choses, ils ne connoissent pas néanmoins encore ce qu'ils doivent savoir, ni comment ils le doivent savoir, parce qu'il faut commencer par la connoissance de Dieu, et après, faire dépendre d'elle toute la connoissance que nous pouvons avoir des autres choses, ce que j'ai aussi expliqué dans mes Méditations. Et par conséquent, ce même texte, qui étoit allégué contre moi, confirme si ouvertement mon opinion touchant cela, que je ne pense pas qu'il puisse être bien expliqué par ceux qui sont d'un

;

sentiment contraire: car si on vouloit prétendre que le sens que j'ai donné à ces paroles, que si quelqu'un aime Dieu, celui-là (savoir Dieu) est eonnu de lui, n'est pas celui de l'Ecriture; et que ee pronom, celui-là, ne se réfère pas à Dieu, mais à l'homme qui est connu et approuvé par lui l'apôtre saint Jean, en sa première Epître, chap. II, favorise entièrement mon explication par ces paroles: En cela nous savons que nous l'avons connu, si nous observons ses commandemens; et au chap. IV, . 7: Celui qui aime, est enfant de Dieu, et le connoît.

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Les lieux qu'on allègue de l'Ecclésiaste ne sont point aussi contre moi : car il faut remarquer que Salomon, dans ce livre, ne parlé pas en la personne des impies, mais en la sienne propre, en ce qu'ayant été auparavant pécheur et ennemi de Dieu, il se repent pour lors de ses fautes, et confesse que tant qu'il s'étoit seulement voulu servir, pour la conduite de ses actions, des lumières de la sagesse humaine, sans la référer à Dieu, ni la regarder comme un bienfait de sa main, jamais il n'avoit rien pu trouver qui le satisfît entièrement, ou qu'il ne vît rempli de vanité. C'est pourquoi, en divers lieux, il exhorte et sollicite les hommes de se convertir à Dieu, et de faire pénitence. Et notamment au chap. x1, v.9, par ces paroles: Et sache, dit-il, que Dieu te fera rendre compte de toutes les actions; ce qu'il continue dans les au

tres suivans jusqu'à la fin du livre. Et ces paroles' du chap. VIII, V. 17: Et j'ai reconnu que de tous les ouvrages de Dieu qui se font sous le soleil,' l'homme n'en peut rendre aucune raison, etc., ne' doivent pas être entendues de toutes sortes de personnes, mais seulement de celui qu'il a décrit au' verset précédent: Il y a tel homme qui passe les jours et les nuits sans dormir; comme si le Prophète vouloit en ce lieu là nous avertir que le trop grand travail et la trop grande assiduité à l'étude des lettres, empêche qu'on ne parvienne à la connoissance de la vérité.... Mais surtout il faut prendre garde à ces paroles, qui se font sous le soleil; car elles sont souvent répétées dans tout ce livre, et dénotent toujours les choses naturelles, à l'exclusion de la subordination et dépendance qu'elles ont à Dieu; parce que Dieu étant élevé au-dessus de toutes choses, on ne peut pas dire qu'il soit contenu entre celles qui ne sont que sous le soleil: de sorte que le vrai sens de ce passage est, que l'homme ne sauroit avoir une connoissance parfaite des choses naturelles, tandis qu'il ne connoîtra point Dieu, en quoi je conviens aussi avec le Prophète. Enfin, au chap. III, . 19, où il est dit que l'homme et l'animal passent de la même manière, et aussi que l'homme n'a rien de plus que l'animal, il est manifeste que cela ne se dit qu'à raison du corps; car en cet endroit il n'est fait mention que des choses qui appartiennent au

corps; et incontinent après il ajoute, en parlant séparément de l'ame: Qui sait si l'esprit des enfans d'Adam monte en haut, et si l'esprit des animaux descend en bas? c'est-à-dire, qui peut connoître par la force de la raison humaine, et à moins que de se tenir à ce que Dieu nous en a révélé, si les ames des hommes jouiront de la béatitude éternelle? A la vérité, j'ai bien tâché de prouver par raison naturelle que l'ame de l'homme n'est point corporelle; mais de savoir si elle montera en haut, c'est-à-dire si elle jouira de la gloire de Dieu j'avoue qu'il n'y a que la seule foi qui puisse nous l'apprendre.

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XXV.

DIEU cause de toutes les actions qui dépendent du libre arbitre de l'homme.

(Tom. Ier., Lett. VIII.)

Toutes les raisons qui prouvent l'existence de Dieu, et qu'il est la cause première et immuable de tous les effets qui ne dépendent point du libre arbitre des hommes, prouvent, ce me semble, qu'il est aussi la cause de toutes les actions qui en dépendent. Car on ne sauroit démontrer qu'il existe, qu'en le considérant comme un être souverainement parfait; et il ne seroit pas souverainement parfait, s'il pouvoit arriver quelque chose dans le monde qui ne vînt pas entièrement de lui. Il est

vrai qu'il n'y a que la foi qui nous enseigne ce que c'est que la grâce par laquelle Dieu nous élève à une béatitude surnaturelle; mais la seule philosophie suffit pour connoître qu'il ne sauroit entrer la moindre pensée en l'esprit d'un homme, que Dieu ne veuille et n'ait voulu de toute éternité qu'elle y entrât. Et la distinction de l'école entre les causes universelles et particulières n'a point ici de lieu; car ce qui fait que le soleil, par exemple, étant la cause universelle de toutes les fleurs, n'est pas cause pour cela que les tulipes diffèrent des roses, c'est que leur production dépend aussi de quelques autres causes particulières, qui ne lui sont point subordonnées; mais Dieu est tellement la cause universelle de tout, qu'il en est de la même manière la cause totale, et ainsi rien ne peut arriver sans sa volonté....

C'est mal à propos qu'on croiroit qu'il arrive quelque changement dans les décrets de Dieu, l'occasion des actions qui dépendent de notre libre arbitre. La théologie n'admet point ce changement; et lorsqu'elle nous oblige à prier Dieu, ce n'est pas afin que nous lui apprenions ce dont nous avons besoin, ni afin que nous tâchions d'impétrer de lui qu'il change quelque chose dans l'ordre établi de toute éternité par sa providence, l'un et l'autre seroit blâmable; mais c'est seulement afin que nous obtenions ce qu'il a voulu de toute éternité être obtenu par nos prières. Et je crois que

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