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tions de leurs ames pendant ce même temps (1). 4°. Ceux qui combattent plus fortement que les autres en faveur de l'ame

(1) Nous ne pouvons nous défendre du plaisir de nous rappeler et de rappeler à nos lecteurs un bel endroit de l'Eloge de Descartes, par M. Thomas, page 31.

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«Qui nous díra ce que c'est que l'ame des bêtes? Quels « sont ces êtres singuliers, si supérieurs aux végétaux par leurs << organes, si inférieurs à l'homme par leurs facultés? Quel «< est ce principe qui, sans leur donner la raison, produit en <«<eux des sensations, du mouvement et de la vie? Quelque « parti que l'on embrasse, la raison se trouble, la dignité de << l'homme s'offense, la religion s'épouvante. Chaque systême <«<est voisin d'une erreur; chaque route est sur le bord d'un << précipice. Ici Descartes est entraîné par la force des consé«quences et l'enchaînement de ses idées, vers un systême « aussi singulier que hardi, et qui est digne au moins de la « grandeur de Dieu. En effet, quelle idée plus sublime que <«< de concevoir une multitude innombrable de machines, à qui «l'organisation tient lieu de principe intelligent; dont tous <«<les ressorts sont différens selon les différentes espèces et les <«< différens buts de la création; où tout est prévu, tout est «< combiné pour la conservation et la reproduction des êtres; « où toutes les opérations sont le résultat toujours sûr du «< mouvement; où toutes les causes qui doivent produire des « millions d'effets, sont arrangées jusqu'à la fin des siècles, et << ne dépendent que de la correspondance et de l'harmonie de quelque partie de matière. Avouons-le, ce systême donne <«< la plus grande idée de l'art de l'éternel géomètre, comme l'appeloit Platon. C'est ce même caractère de grandeur que « l'on a retrouvé depuis dans l'harmonie préétablie de Leib

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des bêtes, sont en même temps les ennemis les plus ardens des idées innées. Mais ontils fait attention que si on accorde aux bêtes, des ames promptement dites, des ames capables de pensées et de sensations, dès-lors ils doivent admettre des idées innées? (Gerdil, page 151.) 5. La raison de croire à l'ame des bêtes, est tirée de la conformité de leurs organes avec ceux de l'homme, et de ce qu'elles éprouvent en apparence des passions semblables aux nôtres : cette raison frappe tout le monde. Mais se donne-t-on la peine de considérer les conséquences qui suivent de ce sentiment? Rien de plus embarrassant que ces conséquences. Nous n'en indiquons qu'une dans ce moment notre conduite dans le traitement que Jes animaux éprouvent de notre part, paroît alors barbare, et il nous est bien difficile de concilier leurs souffrances avec la justice et la bonté

nitz, caractère plus propre que tout autre à séduire les « hommes de génie, qui aiment mieux voir tout en un instant <«< dans une grande idée, que de traîner leur ame sur des dé-, <«< tails d'observations, et sur quelques vérités éparses et isoK lées»

de Dieu, avec ce grand principe de saint Augustin: Sub Deo justo, nemo miser, nisi

mereatur.

On a encore chargé la philosophie de Descartes d'une accusation bien odieuse. On a prétendu qu'elle avoit enfanté le spinosisme, et que Spinosa avoit fondé tout son systême sur les principes de Descartes. Le cardinal Gerdil, dans sa grande Dissertation, qui a pour titre Incompatibilité des principes de Descartes et de Spinosa, a prouvé jusẻ qu'à l'évidence que rien n'étoit plus injuste qu'une semblable accusation.

Il nous suffira d'observer, 1°. que le principal vice du systême de Spinosa consiste à identifier dans une seule et même substance la pensée et l'étendue, et à les regarder comme deux attributs inséparables: or, il est notoire que Descartes a démontré, au contraire, que la pensée et l'étendue ne pouvoient compatir ensemble, et s'excluoient dans la même substance; 2°. que Spinosa ne reconnoissoit point de premier moteur distingué de la matière, tandis que la nécessité de ce premier moteur est un point manifeste et ca

pital dans toute la doctrine de Descartes; 3°. que Spinosa lui-même, dans une lettre du 5 mai 1676, déclare que bien loin d'adopter les principes de Descartes, il les a toujours regardés comme inutiles et même ab→ surdes. Non dubitavi affirmare rerum naturalium principia Cartesiana inutilia esse, ne dicam absurda.

Nous ne pousserons pas plus loin cette discussion. Il y a une défense de la philosophie de Descartes sur ce point, bien plus ancienne que celle du cardinal Gerdil, et aussi triomphante; je parle de la défense du P. Lami, bénédictin, dans l'ouvrage imprimé en 1696, qui a pour titre: le Nouvel athéisme ren→ versé. On y voit un parallèle des principes de Descartes avec ceux de Spinosa, où l'on peut voir, dit avec raison le P. Lami, l'in justice ou du moins l'aveuglement de ceux qui prétendent que le cartesianisme a pro⇒ duit le spinosisme (1),

Enfin il est, dans les temps où nous som→ mes, des gens de lettres qui n'osant contester

(1) Les auteurs du Nouveau Dictionnaire historique, par

le génie supérieur de Descartes, se retranchent à dire qu'il s'est épuisé en vaines spéculations sur la formation du monde, et que Descartes n'a jamais travaillé pour l'utilité réelle du genre humain. On a donc oublié, ou on n'a jamais remarqué que Des cartes, dans ses travaux, avoit eu presque perpétuellement en vue la perfection de la médecine, et par conséquent la prolongation de la vie humaine, que dans le dessein de parvenir à un but si intéressant, il avoit

une société de gens de lettres, assurent que dans l'ouvrage du P. Lami, les argumens de Spinosa sont très-bien exposés et très-mal réfutés, d'où ils concluent que l'ouvrage doit être mis au nombre des livres dangereux. Ils donnent pour garant d'un jugement aussi téméraire qu'injuste, M. Michaut. Au témoignage de ce M. Michaut, qui n'avoit peut-être jeté qu'un coup d'œil rapide sur l'ouvrage du P. Lami, nous opposons deux témoignages de la plus grande autorité, celuide Bossuet et celui de Fénélon: Bossuet écriyoit à l'auteur en 1696 J'approuve fort tout ce que je vois dans votre ouvrage. Il est plein d'une excellente et sublime métaphysique. M. de Fénélon, dans l'acte d'approbation du même ouvrage, assure que l'auteur a sapé les fondemens du systéme impie de Spinosa, et défendu la vérité par des raisons très-solides. C'est le témoignage, dit M. de Fénélon, que je lui rends de tout mon cœur, avec toute l'estime possible. Ces deux témoignages sont imprimés à la tête de l'ouvrage.

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