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nelle, nous en assure dans sa Nouvelle explication des planètes, imprimée en 1705; et la candeur de ce respectable ecclésiastique, aussi constante que sa grande pénétration, ne nous permet pas d'en douter. Et d'ailleurs qu'y a-t-il d'étonnant qu'un curé de Lyon n'ait point connu d'abord un ouvrage de Newton, quoiqu'imprimé à Londres depuis plusieurs années? puisqu'en Angleterre même, cet ouvrage est demeuré long-temps dans une sorte d'obscurité, et que pour en faire écouler la première édition, vingt-sept ans furent nécessaires.

Les cartésiens n'ont eu qu'à remarquer ou à supposer que les différentes couches des tourbillons sont en équilibre entr'elles, pour faire naître de ce principe la gravité, sa loi fondamentale, et même la fameuse loi de Képler sur le rapport des vitesses des planètes avec leur distance du soleil. Nous ne pouvons nous empêcher ici d'observer, avec M. Fontenelle, que la règle de Képler, démontrée géométriquement, et par les premières idées, est une chose d'un grand prix.

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Nous venons de citer Fontenelle qu'on prenne la peine de lire sa Théorie des tourbillons cartésiens, ouvrage qui n'a paru que dans les dernières années de sa vie, et auquel on ne donna alors aucune attention parce qu'il parut dans un moment où on commençoit à être engoué du newtonianisme, et on ne rêvait à Paris qu'attraction : qu'on lise cet ouvrage, où règne d'ailleurs tant d'ordre, d'élégance et de netteté, et on verra combien le système des tourbillons est magnifique, combien il est plausible, ingénieux, rempli même, pour me servir d'une expression du même Fontenelle, d'une sorte d'agrément philosophique (pag. 210). Combien donc a-t-on

été peu

peu fondé à prendre droit dans le systême des tourbillons, pour déprécier Descartes, ainsi qu'il est arrivé, il y a quelques années, et pour lui faire cet affront insigne qui a rejailli sur toute la nation françoise, et qui nous occupera à la fin de ce Discours.

Mais rappelons un fait qui suffira pour fermer la bouche à tant de légers et téméraires censeurs. Le François qui le premier a fait connoître et mis en vogue le newtonianisme

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parmi nous (ce sont nos adversaires euxmêmes qui nous l'attestent), le François qui connoissoit le mieux toutes les difficultés opposées jusqu'alors, et principalement par Newton, au systême de Descartes, c'est M. de Maupertuis voilà donc un témoin dont ils ne peuvent, dans le point dont il s'agit, ni suspecter les lumières, ni rejeter le témoignage. Or, qu'a pensé M. de Maupertuis du système des tourbillons? Après avoir dit d'abord que rien n'est plus beau que l'idée de Descartes, qui veut qu'on explique tout en physique par la matière et le mouvement, il témoigne, il est vrai, et il entreprend de prouver qu'on n'a pu accorder encore d'une manière satisfaisante les tourbillons avec les phénomènes (1); mais qu'ajoute-t-il? On n'est pas pour cela en droit d'en conclure l'impossibilité. Voilà donc M. de Maupertuis lui-même, qui ne désespère pas qu'un jour on ne réussisse à concilier le systême des tourbillons avec tous les phénomènes de la nature. Il ne croit donc pas que

(1) Fig. des astres, chap. III.

ce système ait été invinciblement réfuté. Il n'est donc pas démontré à ses yeux, si clairvoyans d'ailleurs, que ce système soit une pure chimère. Qu'arrive-t-il donc à ceux qui veulent couvrir ce système de ridicule? C'est qu'ils se couvrent de ridicule eux-mêmes.

Mais quand nous accorderions, quand il seroit vrai que les tourbillons doivent être relégués dans la région des chimères, ou, comme on s'exprime quelquefois, qu'ils ont été enfoncés de toutes parts, que s'ensuivroit-il contre Descartes? Que ce philosophe a fait un roman qui est au moins, il faut nécessairement en convenir, très-ingénieux, ou, si l'on veut aller plus loin, que ses panégyristes ne peuvent tirer aucun avantage de ce systême, pour l'éloge de Descartes. Mais ce système est-il l'unique, est-il même le principal titre de sa gloire? Quand Descartes ne l'auroit pas inventé, quand il n'auroit rien publié sur la génération et l'ordre de ce monde, ne seroit-il pas encore vrai qu'il a reculé ou plutôt qu'il a enlevé les bornes de la géométrie, et résolu des problêmes contre lesquels s'étoient brisés tous les efforts des an

ciens géomètres? Ne seroit-il pas toujours vrai qu'il a eu le premier l'idée d'appliquer l'algèbre à la géométrie, et la géométrie à la physique, deux idées qui supposent une grande profondeur de vues, et auxquelles nous sommes redevables du progrès de toutes les hautes sciences? Ne seroit-il pas toujours vrai que le premier il a ébranlé l'empire des péripatéticiens, décrédité leur méthode, et tenté d'expliquer par le mécanisme seul tous les effets de la nature? Ne seroit-il pas encore vrai qu'il a jeté une nouvelle lumière sur toute la métaphysique, ouvert une route plus sûre et plus facile pour arriver à la vérité; qu'il a découvert de nouvelles preuves de l'existence de Dieu, et porté jusqu'à l'évidence la distinction de l'ame et du corps? En un mot ne seroit-il pas toujours vrai que Descartes a donné le ton à son siècle, et que dans l'hypothèse où toutes les nations disputeroient entr'elles sur la prééminence des philosophes qu'elles ont produits, il est celui que la nation françoise opposeroit aux autres avec plus de confiance et d'avantage.

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