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« guet, d'être choqué des expressions peu « polies de celui qui a fait la préface de la << seconde édition de M. Newton (Cotes), et « je m'étonne que M. Newton l'ait laissé pas« ser. Ils devoient parler avec plus de con«< sidération de M. Descartes, et avec plus de « modération de ses sectateurs ». (Tome II, page 330).

Au témoignage de Leibnitz joignons celui du P. Boscovich. On sait quelle étoit l'étendue et la profondeur de ses connoissances en géométrie et en physique. Il n'étoit ni anglois ni françois? Il n'avoit donc aucun intérêt de favoriser une des deux nations préférablement à l'autre. C'est donc un témoin en même temps le plus éclairé et le plus désintéressé. Or, voici ce qu'il avance, no. 26, page 39, de son célèbre Commentaire sur le poème de l'Arc-en-ciel du P. Noceti, son confrère, imprimé à Rome en 1747. «Il est constant que Descartes a « beaucoup plus contribué à l'explication de «<l'arc-en-ciel que Newton ne le donne à « entendre, ad explicationem iridis multò « sanè plus contulit quàm ipsi à New

« tono tribui videtur. Tous ceux qui avant « Descartes, passent pour avoir proposé et <«< connu les fondemens de l'explication de «< ce phénomène, et dont les ouvrages ont << pu tomber entre mes mains, n'ont rien ou « presque rien contribué à l'explication de << l'arc-en-ciel, et reliqui qui ante Cartesium « iridis explicandæ fundamenta et nosse « et proposuisse dicuntur, quorum qui« dem opera nancisci potuimus, aut nihil « aut ferè nihil ad ipsam explicandam iri« dem contulerunt». Le P. Boscovich prouve surtout son assertion en analysant le travail de De Dominis, qui est celui auquel Newton paroît vouloir faire honneur de cette explication plutôt qu'à Descartes. Il analyse aussi le travail de Képler sur le même objet car on a voulu aussi faire honneur à ce célèbre astronome de l'explication de l'arc en ciel. Toute cette discussion du P. Boscovich est aussi lumineuse qu'intéressante; et il conclut par ce témoignage: «Des«< cartes est donc le premier qui ait jeté les « fondemens de l'explication du phénomène « de l'arc-en-ciel, et il a élevé tout le corps « de

« de l'édifice jusqu'au sommet, en sorte que << Newton n'a eu besoin que d'y mettre le « comble. Is primus iridis explicandæ et « fundamenta jecit, et vero etiam ædifi« cii totius molem maximâ ex parte erexit « et ad fastigium duxit, à Newtono de« mum impositum ».

L'arc-en-ciel est le phénomène de la nature le plus frappant, le plus singulier, celui dont il paroît d'abord plus difficile d'assigner la véritable cause. Hé bien, Descartes doit donc être regardé, préférablement à tout autre, comme celui qui, le premier, à l'aide de la dioptrique, dont il est l'inventeur, en a donné l'explication, et une explication si satisfaisante, qu'elle ne laisse lieu à aucun doute. Ce trait seul suffiroit pour rendre sa mémoire immortelle (1).

(1) Descartes est le premier qui a tenté d'expliquer le flux et le reflux de la mer. Il l'attribuoit à la pression de l'atmosphère : cette explication a paru insuffisante, Mais au moins il a mis les autres sur la voie d'en imaginer une plus heureuse. « Descartes, ce grand philosophe françois, dit « M. Euler (Lettre LXIII, à une princesse d'Allemagne), a « remarqué que le flux et reflux de la mer se régloit principa « lement sur le mouvement de la lune ; ce qui étoit déjà sans

C

M. d'Alembert, qui a rendu si hautement justice à la géométrie de Descartes, en a fort peu rendu à sa métaphysique. Mais M. d'Alembert étoit géomètre, et n'étoit point métaphysicien; et d'ailleurs aucun intérêt de société ou de parti, aucune particulière disposition de coeur n'empêchoit qu'il ne tînt la balance juste, dans le jugement qu'il portoit sur la géométrie de Descartes, tandis qu'il n'en étoit pas ainsi, quand il s'agissoit de juger sa métaphysique. La métaphysique de Descartes, dit-il, aussi ingénieuse et aussi nouvelle que sa physique, a eu le même sort à peu près. Il veut dire apparemment qu'elle a été généralement abandonnée, et qu'elle est devenue presque ridicule, comme ses tourbillons. Mais, sans doute, M. d'Alem

« contredit une très-grande découverte...... L'effort de Descartes pour expliquer le flux et reflux de la mer n'a pas «eu de succès; mais la liaison de ce phénomène avec le « mouvement de la lune, que le philosophea si bien dévelop «pée, a mis ses successeurs en état d'y employer plus heu<< reusement leurs lumières ».

Quel homme que celui qui eut de si vastes conceptions, qui en s'égarant a mis tous les autres sur la véritable voie, et dont les erreurs ont été pour eux une source de lumières.

bert n'a pas voulu parler de la méthode que Descartes a introduite dans la métaphysique, car c'est la méthode des géomètres (1) ; et peut-être l'application de cette méthode géométrique à la métaphysique, n'est pas moins digne d'admiration, et n'a pas été moins utile au genre humain, que l'applica→ tion de l'algèbre à la géométrie. Nous ne pensons pas non plus que la métaphysique de Descartes ait paru, au jugement de d'Alembert, tombée dans un si grand discrédit, précisément parce qu'elle aboutissoit à démontrer l'existence de Dieu et la spiritualité de l'ame, puisqu'il fait profession, en

(1) M. Baillet (Vie de Descartes, tom. II, p. 484), nous apprend une anecdote qui montre que Descartes avoit eu l'idée de sa méthode, et en avoit fait usage de très-bonne heure. «Etant encore à la Flêche, dit-il, il s'étoit formé une << méthode singulière de disputer en philosophie, qui ne dé« plaisoit pas au recteur et au préfet, quoiqu'elle donnât un « peu d'exercice à son régent. Lorsqu'il étoit question de " proposer un argument, dans la dispute il faisoit d'abord « plusieurs demandes touchant les définitions des noms. Après « il vouloit savoir ce que l'on entendoit par certains prin«cipes reçus dans l'école. Ensuite il demandoit si on ne con« venoit pas de certaines vérités connues, dont il faisoit de« meurer d'accord: d'où il formoit enfin un seul argument, a dont il étoit fort difficile de se débarrasser ».

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