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PRÉLIMINAIRE.

Nous publiâmes, il y a quelques années, les Pensées de Bacon et celles de Leibnitz sur la religion et la morale, les premières en 1799 et les secondes en 1803. Ces der nières avoient déjà paru, du moins en trèsgrande partie, en 1772, dans l'ouvrage ayant pour titre L'Esprit de Leibnitz, ouvrage qui traduit aussitôt en allemand par un mi nistre protestant de Stettin, fut réimprimé à Vittemberg en 1775.

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Nous avions annoncé, en 1803, que nous travaillions à rassembler aussi les, Pensées de Descartes et de Newton sur le même objet. Notre travail étoit même dès-lors bien avancé; mais des occupations indispensables qui nous survinrent, et qui demandoient tout notre temps, nous obligèrent de l'interrompre. La Providence nous ayant procuré quelques momens de liberté, nous en avons profité aussitôt pour mettre la der

A

nière main à notre travail sur Descartes; et c'est ce travail que nous publions aujourd'hui. On pourra donc dès à présent, à l'autorité de Bacon et de Leibnitz, si clairement et si hautement prononcés sur l'article de la religion chrétienne, si profondément pénétrés l'un et l'autre de sa vérité, joindre avec la plus grande confiance l'autorité de Descartes, qui est au moins d'un aussi grand poids que celle de ces deux philosophes. Sans doute c'en est bien assez pour confondre ces écrivains téméraires qui ont osé díre que la croyance sincère à la vérité de la religion chrétienne, ne peut être que le partage des petits esprits. Mais leur confusion ne devra-t-elle pas être à son comble quand on aura prouvé, ce qu'il serà si facile de faire, que Newton n'a pas fait une moins claire et moins constante profession de croire à la vérité du christianisme, que Descartes, Bacon et Leibnitz; et qu'ainsi łá religion chrétienne voit marcher humblement sous ses enseignes les quatre grands chefs de toute la philosophie moderne.

Il est sans doute important de forcer à

la modestie un certain nombre de mécréans qui regardent en pitié les véritables chrétiens, et s'imaginent qu'il suffit de secouer le joug de la foi, pour prendre aussitôt rang parmi les esprits supérieurs. Cependant si cet avantage devoit être le seul résultat de notre travail, nous ne croirions pas avoir assez utilement employé nos veilles, et il n'y auroit point, pour bien des personnes, une raison suffisante d'entreprendre la lec ture de notre ouvrage. Mais les différens traits que nous avons rassemblés, et qui, en manifestant les sentimens religieux de ces grands hommes, amènent le résultat dont nous parlons, sont par eux-mêmes, et indépendamment de ce résultat, très-instructifs et très-lumineux. Le grand nom de leurs auteurs y ajoute une sorte d'autorité, et on est sûr quand on les rappelle, et qu'on les cite en témoignage, d'exciter plus vivement l'attention et même la confiance des lecteurs.

Ce ne sont pas seulement les lettres et les écrits de Descartes qui nous fourniront la preuve de sa religion sincère et de sa véri

table piété nous la tirerons encore cette preuve, et avec plus d'avantage, de toute sa conduite; car on sait que les actions sont bien plus que les paroles, des garans sûrs de nos véritables sentimens. Or une multitude d'actes de religion et de piété ont signalé la conduite de Descartes. C'est à rechercher et à réunir ces actes que nous nous sommes principalement attachés en étudiant l'histoire de ce grand homme, et ils rempliront presqu'entièrement la Vie que nous donnons à la suite de notre Discours, et que nous appellerons conséquemment la Vie religieuse de Descartes.

Notre dessein, dans ce Discours, n'est point de faire un éloge de Descartes dans les formes: on se rappelle que cet éloge fut proposé par l'Académie françoise comme le sujet du prix qu'elle devoit distribuer dans l'année 1765. M. Thomas et M. Gaillard partagèrent le prix, et il est vrai que Descartes a été dignement loué dans les discours de l'un et de l'autre; mais il est vrai aussi que dans le nombre de ceux qui concoururent pour le prix, il en est quelques

uns, tels que ceux de M. l'abbé Couanier des Landes, et de M. l'abbé de Gourci, qui ont dû balancer les suffrages, et faire au moins, pendant quelque temps, douter les juges, s'ils n'étoient pas autant que les premiers, du moins autant que celui de M. Gaillard, dignes de la couronne. Un sujet aussi intéressant que l'éloge de Descartes, avoit singulièrement excité l'émulation des gens de lettres. Mais il auroit été à désirer, ce me semble, que tous ceux qui travaillèrent à cet éloge, eussent été capables d'apprécier parfaitement le mérite de Descartes, et par conséquent eussent été, non pas seulement des littérateurs distingués, mais encore des savans profonds dans tous les genres de science qu'a cultivés et approfondis ce grand philosophe.

Quoi qu'il en soit, nous nous proposons d'ajouter à ces éloges quelques traits qui ont été oubliés, et de donner à d'autres un peu plus de saillie et d'étendue. Puisque, dans ce moment, nous nous prévalons pour notre but du grand nom de Descartes, nous sommes intéressés à maintenir sa gloire, et

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