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un plus grand effort de génie que l'invention du calcul différentiel, qui fait pourtant la principale gloire de Leibnitz et de Newton. « C'est, dit un géomètre qui mérite bien « d'être cru dans cette partie, une idée des << plus vastes et des plus heureuses que l'es<< prit humain ait jamais eues, et qui sera << toujours la clef des plus profondes recher «< ches, non seulement dans la géométrie «<< sublime, mais dans toutes les sciences << physico-mathématiques ». (D'Alembert, Discours préliminaire). Et telle est, remarquons-le en passant, la modestie de Descartes, ou, si l'on veut, le noble sentiment de sa supériorité, que dans les démêlés fréquens qu'il eût avec quelques géomètres jaloux de sa gloire, et qui cherchoient à la déprimer, à peine parle-t-il de cette étonnante inven→ tion, ou s'il en parle, c'est sans aucun dessein d'en faire remarquer toute l'importance.

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Ce n'est pas qu'il ne connût parfaitement l'importance de ce qu'il avoit fait, et ne sentît tout ce qu'il pouvoit faire encore: mais il ne versoit guère ce sentiment que dans le coeur

de son ami, le P. Mersenne. Dans la Lettre 73°. de l'an 1657, tome III, il lui dit à l'occasion de Viete, fameux géomètre: «J'ai commencé « où il avoit achevé; ce que j'ai fait toutefois (sans y penser: car j'ai plus feuilleté Viete << depuis que j'ai reçu votre dernière lettre, « que je n'avois fait auparavant.... Au reste, « ayant déterminé, comme j'ai fait en cha« que genre de question, tout ce qui s'y peut << faire, et montré les moyens de le faire, « je prétends qu'on ne doit pas seulement « croire que j'ai fait quelque chose de plus «que ceux qui m'ont précédé, mais aussi, « qu'on doit se persuader que nos neveux « ne trouveront jamais rien en cette matière « que je ne pusse avoir trouvé aussi bien « qu'eux, si j'eusse voulu prendre la peine « de le chercher. Je vous prie que, ceci demeure entre nous; car j'aurai une grande « confusion que d'autres sussent que je vous « ai tant écrit sur ce sujet ».

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Il avoit déjà dit, au commencement de cette lettre, dans l'intime sentiment de sa force: « Dès le commencement de ma géométrie, « je résous une question qui, par le témoi

«gnage de Pappus, n'a pu être résolue << par aucun des anciens, et l'on peut dire << qu'elle n'a pu l'être non plus par aucun des « modernes.... Ce que je donne au second « livre touchant la nature et les propriétés << des lignes courbes, et la façon de les exa« miner, est, ce me semble, autant au-delà « de la géométrie ordinaire, que la rhétori« que de Cicéron est au-delà de l'A, B, C, <<< des enfans >>.

A-t-on bien remarqué ce qu'a dit Descartes: Nos neveux ne trouveront jamais rien en géométrie, que je ne pusse avoir trouvé aussi bien qu'eux, si j'eusse voulu prendre la peine de le chercher. Auroit-il trouvé le calcul de l'infini, ou des infiniment petits, s'il avoit continué de s'appliquer à la géomé→ trie, et de suivre ses principes? Notre confiance en Descartes nous engage à le croire: et cela est d'autant plus vraisemblable, que d'habiles géomètres ont remarqué qu'il en avoit donné clairement la première idée, dans son problème général des tangentes (1).

(1) Descartes a cru qu'il y avoit des infinis plus grands

Nous avons dit que la géométrie avoit fourni à Descartes le titre à une gloire immortelle, le plus universellement reconnu. Nous ne connoissons qu'un seul homme qui l'ait contesté; c'est Wallis, célèbre mathématicien anglois, apparemment par une suite de la rivalité nationale. Il n'a rien négligé pour ravir à Descartes le mérite de ses inventions en algèbre et en géométrie, et il les a toutes revendiquées pour Harriot, son compatriote. Mais M. de Montucla, dans son Histoire des Mathématiques, tome II, page 85, démontre jusqu'à l'évi

les uns que les autres; ce qui est un grand pas vers la théorie des infiniment petits. Dans votre lettre du 14, vous me disiez, écrivoit-il au P. Mersenne, que s'il y avoit une ligne infinie, elle auroit un nombre infini de pieds et de toises, et par conséquent, que le nombre infini des pieds, seroit six fois plus grand que le nombre des toises. Concedo totum. Donc ce dernier n'est pas infini. Nego consequentiam. Mais un infiui ne peut pas être plus grand que l'autre. Pourquoi non? Quid absurdi, principalement s'il est seulement plus grand in ratione finita, ut hic ubi multiplicatio per sex est ratio finita, quæ nihil attinet ad infinitum. Et de plus quelle raison avons-nous de juger si un infini peut être plus grand que l'autre, ou non, vu qu'il cesseroit d'être infini si nous pouvions le comprendre. Tome II, Lettre CIV, page 479, an 1630.

dence que cette accusation de plagiat intentée contre Descartes, est très-mal fondée, qu'elle est même on ne peut pas plus absurde.

Mais la vérité nous oblige de dire qu'en général les Anglois ne sont point aujour d'hui aussi justes à l'égard de Descartes que les François l'ont toujours été à l'égard de Newton. Nous pourrions citer en exemple plusieurs autres savans anglois, tels que Keil, Maclaurin. Ce dernier, dans le Io. livre des Découvertes philosophiques de Newton, page 69, ne craint point d'appeler le systême de Descartes une rapsodie qui ne mérite pas même qu'on la réfute, une entreprise extravagante, etc.

Peut-être M. Newton lui-même n'est pas à l'abri de tout reproche sur cet article ; du moins quelques traits rapportés par le docteur Pemberson, n°. 51, nous le feroient soupçonner.

Mais sur un point où notre jugement ne peut être compté que pour très-peu de choil vaut mieux entendre parler Leibnitz. « Vous avez raison, écrit-il à M. Bour

se,

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