Page images
PDF
EPUB

repentir de Descartes avoit précédé la naissance de sa fille, et nous le prouvons, parce qu'elle naquit le 19 juillet 1655, et qu'il déclaroit, en 1644, qu'il y avoit près de dix ans que ses moeurs étoient innocentes. Cet enfant, qu'il appeloit Francine, mourut le 7 septembre 1640.

Nous croyons devoir, à cette occasion, faire remarquer le témoignage que rendent à la bonté du coeur de Descartes et à toutes ses qualités morales, deux de ses amis intimes, et qui méritent bien d'en être crus; nous voulons dire MM. Chanut

titatem servent, in cælibatu noluisse me fingere illis sanctiorem. (Epist. ad Voetium, p. 11.)

Voëtius le fils, dans une réponse à Samuel Desmarets, partisan de Descartes, et qui a pour titre : Maresii tribunal' iniquum, etc., Ultrajecti, an. 1646, relève avec assez d'adresse, mais en termes grossiers, ce que Descartes observe, dans sa Défense, qu'il n'avoit pas fait le vœu de chasteté. De stupris ac scortationibus non laborat ipse Cartesius, qui ore libero profitetur se votum castitatis nullum fecisse. Vocem dicam hirci, non hominis christiani, qui contra peccata omnia, omnium virtutum votum, in et cum ipsâ christianismi susceptione ac professione, fecisse intelligitur. (P. 61.)

Voëtius a raison de dire que l'obligation de vivre chastement, est suffisamment renfermée dans la profession du chris-. tianisme : mais il a tort, de supposer que Descartes fût dans: une opinion contraire; et quand celui-ci observe qu'il n'a jamais fait le vœu de chasteté, il ne veut rien insinuer par-là, sinon qu'en péchant contre la chasteté, il seroit moins coupable que ceux qui en auroient fait un vœu particulier.,

et Clerselier. « On ne vit jamais, dit ce dernier, dans la préface des Lettres de Descartes, tom. I“.), « un homme plus simple, plus humble, plus sin« cère, mais surtout plus humain que lui. Dans « la médiocrité de sa fortune, et dans une retraite « aussi éloignée que celle où il vécut, il se chargea « du soin et de l'entretien de sa nourrice, pour la « subsistance de laquelle j'ai vu, dans ses lettres << plusieurs ordres donnés à celui qui avoit le soin « de ses affaires ».

M. Baillet ajoute qu'il lui créa, sur son bien patrimonial, une pension viagère qui lui fut payée exactement jusqu'à sa mort. Mais ce qui est vraiment touchant, c'est que, dans une lettre à ses deux frères, qu'il dicta cinq ou six heures avant d'expirer, il parle de sa nourrice et leur recommande d'en prendre soin. Nous apprenons ce trait de Mile. Descartes, dans la relation de la mort de son oncle, dont nous parlerons incessamment. M. Chanut écrivoit à M. Perrier, beau-frère de Pascal, le 28 mars 1650, six semaines après la mort de notre philosophe : « Nous avons perdu M. Des<< cartes : je soupire encore en vous l'écrivant; car « sa doctrine et son esprit étoient encore au-des<< sous de sa grandeur d'ame, de sa bonté et de «<l'innocence de sa vie ».

Descartes fit imprimer, en 1641, ses Méditations. sur l'existence de Dieu et sur l'immatérialité de Fame. (Baillet, pag. 100.) Nous remarquons ce

fait, parce qu'il fut un acte de la piété de Descartes, et qu'il nous assure qu'il ne fit imprimer ses Méditations métaphysiques que pour obéir à sa conscience. J'ai fait, dit-il, (Lett. LVII, t. II.) en publiant ma Métaphysique, ce à quoi je pensois être obligé pour la gloire de Dieu et la décharge de ma conscience. La crainte des contradictions qu'il prévoyoit, et l'amour de son repos, lui avoient fait prendre pendant long-temps la résolution de les ensevelir dans les ténèbres (1) ; mais

(1) On est peut-être étonné que Descartes ne voulût point rendre ses Méditations publiques; car il est assez naturel de penser qu'il aimoit la gloire: cependant on se tromperoit. Loin d'aimer, de rechercher la gloire, il la haïssoit, il la fuyoit plutôt, ainsi qu'il le déclare dans son Discours de la Méthode; et la raison qu'il en donne, c'est qu'il la jugeoit contraire au repos, repos, dit-il, que j'estime au-dessus de toutes choses. On retrouve presque à chaque page de ses ouvrages ce sentiment; ce qui prouve que ce n'étoit pas dans Descartes un sentiment passager. « Je suis ennemi de toutes « les louanges, écrivoit-il, (Lett. XII, tome II.) non que je « sois insensible, mais parce que j'estime que c'est un plus "grand bien de jouir de la tranquillité de la vie et d'un hon<< nête loisir, que d'acquérir beaucoup de renommée, et que « j'ai bien de la peine à me persuader que, dans l'état où nous << sommes, et de la manière dont on vit, on puisse posséder << les deux biens ensemble ». De là sa devise, Bene qui latuit, bene vixit.

Ce qui est bien remarquable, c'est que cet amour dominant de Descartes pour la tranquillité, a été aussi le goût dominant de Newton, et que les deux philosophes des derniers

sa conscience éclairée parla plus haut, et ne lui permit pas de priver la religion des avantages inestimables qu'elle devoit retirer de cet excellent ouvrage. Effectivement, les Méditations de Descartes feront toujours une époque mémorable dans l'histoire de la religion. (Baillet, p. 100.) L'auteur n'y a pas seulement fourni, pour le dogme de l'existence de Dieu, des preuves nouvelles et d'un prix inestimable; il y a mieux développé encore, et plus clairement fait connoître qu'on ne l'avoit fait jusqu'alors, la nature de l'ame; et en démontrant son immatérialité aux yeux de tous les hommes qui raisonnent et qui sont de bonne foi, il a détruit jusqu'à la racine le matérialisme, cette erreur la plus dangereuse et la plus mortelle de

toutes.

M. Arnauld a été même jusqu'à dire, à l'occasion du livre des Méditations, (Tom. V de ses Difficultés à M. Steyaert, pag. 100.) et il l'a répété cinq ou six ans après, dans sa DI. lettre à M. du

siècles qui sont le plus couverts de gloire, sont en même temps les deux philosophes qui ont le moins ambitionné la gloire, et lui ont attaché le moins de prix. Newton nous apprend qu'il a présenté sa doctrine sous une forme géométrique, dans la crainte que la chose ne tournát en dispute, ne res traheretur in disputationem. Il déclare qu'il préfère le repos à tout, et il l'appelle une chose entièrement substantielle, rém prorsus substantialem.

Vaucel, que Dieu avoit suscité Descartes pour ars rêter le progrès de l'irréligion. «On doit regarder, << dit-il, comme un effet singulier de la providence « de Dieu, ce qu'a écrit M. Descartes sur le sujet de << notre ame, pour arrêter la pente effroyable que << beaucoup de personnes de ces derniers temps << semblent avoir à l'irréligion et au libertinage, « par un moyen proportionné à leur disposition. « Ce sont des gens qui ne veulent recevoir que « ce qui se peut connoître par la lumière de la << raison; qui ont un entier éloignement de com<«< mencer par croire; à qui tous ceux qui font <«< profession de piété, sont suspects de foiblesse «<< d'esprit ; et qui se ferment toute entrée à la re«ligion par la prévention où ils sont, et qui est << en la plupart une suite de la corruption de « leurs mœurs, que ce qu'on dit d'une autre vie « n'est que fable, et que tout meurt avec le corps. << Il semble donc que ce qu'il y avoit de plus im<< portant pour lever le plus grand obstacle au << salut de tous ces gens-là, et pour empêcher que <<< cette contagion ne se répande de plus en plus, « étoit de les troubler dans leur faux repos, qui « n'est appuyé que sur la persuasion où ils sont, « qu'il y a de la foiblesse d'esprit à croire que notre <«<ame survit à notre corps. Or Dieu, qui se sert «< comme il lui plaît de ses créatures, et qui cache << par-là les effets admirables de sa providence, << pouvoit-il mieux leur causer ce trouble, si

« PreviousContinue »