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naire qu'il donna à ses maîtres, le tendre intérêt que ceux-ci lui témoignèrent dans tous les temps, prouvent qu'il avoit rempli avec fidélité tous ses devoirs, et qu'il n'avoit pas moins profité de leurs exhortations à la vertu que de leurs leçons sur les sciences. Aussi conserva-t-il pour eux, jusqu'à la fin de ses jours, une reconnoissance, un respect, et une docilité qui honoroient également les maîtres et le disciple.

Quand la nouvelle philosophie de Descartes éclata, un jésuite, qui professoit dans le collége de Paris, l'attaqua vivement. Descartes crut qu'il auroit à combattre tout le corps des jésuites: il se tronipa, la plupart de ces religieux se montrèrent favorables à cette philosophie; et il compta bientôt au nombre de ses amis, ce même jésuite qui l'avoit d'abord combattu avec une sorte d'empor

tement.

Descartes avoit fini son cours de philosophie à l'âge de seize ans. Il sortit alors du collége. Sa conduite, pendant les premières années qui suivirent sa sortie, répondit apparemment à l'éducation pieuse qu'il avoit reçue, c'est-à-dire qu'elle fut régulière mais nous n'avons sur ce point que de simples présomptions, et il n'est rien dans les historiens de sa vie, et dans les témoignages particuliers de ses amis, qui les appuie positivement, comme il n'est rien aussi qui les démente. On sait seulement que, conséquemment aux vues de ses

parens, qui désiroient lui procurer un établissement dans le monde, il rechercha une demoiselle d'un grand mérite, connue depuis dans le monde sous le nom de Mme, du Rosay: mais cette recherche, qui n'avoit rien que de légitime, ne dura pas long-temps: et cette dame n'a point fait de difficulté d'avouer dans la suite que la philosophie avoit eu plus de charmes qu'elle, pour M. Descartes, et que quoiqu'elle ne lui parút point laide, il lui avoit dit pour toute galanterie, qu'il ne trouvoit point de beautés comparables à celle de la vérité.

Mais dans l'année 1619, qui étoit la 24°. de son âge, sa vie nous fournit un trait qui est un indice bien sûr de la plus sincère et de la plus tendre piété. Il étoit en quartier d'hiver dans la Bavière, fort occupé de découvrir et de fixer le genre de vie ou d'étude qu'il lui convenoit de suivre. Dans cet état d'incertitude et de perplexité, il recourut à Dieu; il le pria de lui faire connoître sa volonté, et de vouloir bien le conduire dans la recherche de la vérité. Il s'adressa ensuite à la sainte Vierge pour lui recommander cette affaire, qu'il regardoit comme la plus importante de sa vie et dans la vue de rendre cette bienheureuse mère de Dieu plus favorable à sa prière, il fit vœu de visiter l'église de Lorette en Italie. Dans les premiers jours du voyage qu'il entreprit pour l'exécution de son vou, son zèle le porta encore plus loin, et il pro

mit à Dieu que dès qu'il seroit arrivé à Venise, il poursuivroit à pied sa route vers le terme de son voyage, et que si ses forces ne lui permettoient

pas

de supporter cette fatigue, il y suppléeroit en prenant au moins l'extérieur le plus dévot et le plus humble. (Baillet, pag. 85.) C'est Descartes lui-même qui nous apprend la précieuse anecdote de ce pélerinage dans ses Olympiques, ouvrage qui est demeuré imparfait, et qui n'a point été imprimé, mais que Baillet, auteur de sa vie, avoit eu sous les yeux. Descartes nous y apprend encore que son vou, formé en 1619, ne fut accompli qu'en 1624, parce que son voyage d'Italie fut différé jusqu'à cette époque. Il n'est point entré dans le détail des circonstances qui accompagnèrent cet acte de religion. (Baillet, pag. 120.) Mais nous ne devons pas douter qu'elles n'aient été édifiantes, et dignes des sentimens qui l'animoient lorsqu'il forma sou vœu pour la première fois. De Lorette il se rendit à Rome, autant pour y profiter de la grâce du jubilé de 25 ans, dont l'ouverture devoit avoir lieu à la fin de la même année, que pour y contempler en philosophe, cette foule immense qui devoit y aborder de toutes les parties de l'Europe catholique, et par conséquent le dispenser de voyager davantage pour connoître les hommes.

Il revint en France en 1625, et fixa alors pour toujours le genre de ses occupations, c'est-à-dire qu'il prit la résolution invariable de consacrer tout

le cours de sa vie et toutes les forces de son ame a la recherche et à la défense de la vérité. Il n'étoit alors esclave d'aucune des passions qui dominent si communément les jeunes gens. Il étoit même parfaitement guéri de l'inclination qu'il avoit autrefois conçue pour le jeu. Le fonds de piété, que ses maîtreslui avoient inspirée à la Flèche, subsistoit toujours, et il le faisoit paroître dans les pratiques extérieures de la dévotion, aux devoirs de laquelle il étoit aussi fidèle que le commun des catholiques qui vivent moralement sans reproche. C'est l'observation de M. Baillet. (Pag. 132:)

L'espérance de pouvoir s'occuper, avec plus de tranquillité, de la recherche de la vérité, l'engagea à s'éloigner de sa patrie, et à fixer son séjour dans le fond de la Hollande. Le lieu où il résida le plus long-temps fut Egmont, (Baillet, p. 309.) et il le préféra à tous les autres, parce que les catholiques y formoient le plus grand nombre des habitans, qu'ils étoient en possession d'une église, et qu'ils exerçoient leur religion publiquement et avec une parfaite liberté. Le voisinage de quelques prêtres catholiques très-estimables, et la facilité de communiquer avec eux, influa encore dans le choix de cette résidence. En arrivant en Hollande, il s'étoit d'abord établi à Francker; et nous remarquons encore que ce qui lui avoit fait préférer le séjour de cette petite ville, c'est qu'on disoit la messe avec sûreté.

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Fidèle aux principes et aux devoirs de l'Église catholique, il évitoit avec soin toute communica tion avec les protestans dans leurs exercices religieux. Le P. Mersenne lui ayant écrit que le bruit s'étoit répandu qu'il assistoit aux sermons des calvinistes, il voulut se justifier de cette imputation, dans le moment même. « On vous a rapporté, <dites-vous, que je vais au prêche des calvi<<nistes ; c'est une calomnie très-pure. En exami<nant ma conscience, pour savoir sur quel pré<texte on a pu la fonder, je n'en trouve aucun « autre, sinon que j'ai été une fois à une lieue de «Leyde, pour voir, par curiosité, l'assemblée << d'une certaine secte de gens qui se nomment << prophètes, et entre lesquels il n'y a point de << ministre; mais chacun prêche quand il veut, << soit homme ou femme, selon qu'il s'imagine être << inspiré : en sorte qu'en une heure de temps nous <<< entendîmes les sermons de cinq à six paysans, « ou gens de métier; et une autre fois, nous fùmes << entendre le prêche d'un ministre anabaptiste, << qui disoit des choses si impertinentes, et parloit « un françois si extravagant, que nous ne pou«vions nous empêcher d'éclater de rire, et je ❝pensois être à une farce plutôt qu'à un prêche : << mais pour ceux des calvinistes, je n'y ai jamais « été de ma vie, que depuis votre lettre écrite le « 9°. de ce mois, jour où on fait des feux de joie, << et on remercie Dieu pour la défaite de la flotte

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