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« il ne crut que les trompeuses et chancelan« tes pensées de l'homme pussent étayer ou << éclaircir des mystères inattaquables parce « qu'ils sont inaccessibles, beaucoup moins « qu'elles pussent.... ébranler les fondemens « de cet antique et majestueux édifice que « soutient la main de l'Eternel. Et s'il n'est pas moins flatteur pour Descartes, d'avoir « étendu les limites de l'esprit humain, que « pour les conquérans d'avoir reculé celles « des empires, il lui est encore plus glorieux « de ne les avoir jamais franchies......

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« Après avoir renversé les autels élevés « par l'ignorance et la superstition, après « avoir brisé les liens qui tenoient la rai<< son enchaînée, il croit sans hésiter ce qu'il « ne conçoit pas, il adore ce qu'il croit sur la << parole de celui qui, source de toute vérité, « est également l'auteur de la religion et de « la raison. Contemplez, si vous l'osez, ce << grand exemple, et soyez à jamais confon<«<dus, esprits faux, coeurs dépravés, qui <<< cherchez follement à vous faire, des élé« mens de la sagesse, un rempart contre la «sagesse souveraine, qui ne rougissez pas

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<< de tourner contre elle-même les armes « qu'elle seule a pu vous mettre en main, les ❝ rayons que vous avez dérobés au flambeau « de l'Evangile...... Et vous esprits distingués. << entre tous ceux qui ornent cet univers, « vous qui connoissant tout le prix de la sa«gesse et de la vérité, bornez votre ambition « à cultiver la philosophie, à vous éclairer « et à éclairer vos semblables, marchez sur « les pas du plus grand des philosophes; «osez, libres des préjugés de l'âge crédule, << des illusions du siècle et de l'enchantement « des passions, osez penser d'après vous-mê«mes, et rappeler à l'examen tout ce qui << ressortit au tribunal de l'esprit humain ;... << mais que la liberté ne dégénère point en « licence, la noble fierté d'un esprit qui sent « ses forces, en témérité qui s'aveugle, Quand « la sagesse a parlé, le philosophe digne de << ce nom, l'ami de la sagesse, à l'exemple de << Descartes, fait taire une foible et trop au<< dacieuse raison. Il sait que rien n'est plus « désavoué par la raison même, que de s'obs« tiner à rejeter ce qu'elle ne peut compren« dre, elle qui trouve à chaque pas des abî

« mes où elle se perd et se confond. Le flam<< beau de la philosophie à la main, il sonde << (la religion elle-même l'y invite), il sonde « les fondemens du christianisme. Il exami« ne, il discute, il approfondit ces preuves << victorieuses, ces faits éclatans que la reli«gion livre sans crainte, depuis son origine, «‹ à la discussion et à la critique de l'univers. << Mais aussitôt qu'il aperçoit les caractères <<< sensibles et éclatans qui décèlent la di« vinité, il couvre ses yeux d'un voile res<< pectueux, il adore et il croit.

«

« Périsse à jamais le nom de philosophie, <<< si l'on doit en abuser pour saper les fon« demens du trône, pour détruire les autels, « pour éteindre et pour arracher du coeur <<< des hommes les vérités que le doigt de << Dieu y a gravées, ou que le flambeau de «< la révélation y a fait luire, ces vérités pré« cieuses, le plus fort rempart des Etats, base <«< inébranlable des moeurs, frein nécessaire << de toutes les passions, effroi de l'injuste << oppresseur, espérance dernière et conso<«<lation unique de la vertu malheureuse ».

VIE

RELIGIEUSE

DE DESCARTES.

CE titre annonce que nous ne nous proposons point de donner la vie entière de Descartes. M. Baillet en a donné une qui est entre les mains de tout le monde, et où il n'a rien oublié de tout ce qui appartient aux actions de ce grand philosophe. C'est même une trop grande abondance de faits; ce sont des détails poussés peut-être trop loin, qui forment le principal des défauts que les adversaires de l'auteur ont reproché à cet ouvrage : défaut, qui n'en étoit point un aux yeux de Bayle, ce critique si habile; sans doute parce que rien de ce qui appartient à un aussi grand homme que Descartes, et qui contribue à le faire mieux connoître, ne peut être censé minutieux; défaut au reste qui a totalement disparu dans l'abrégé que M. Baillet a donné lui-même de la grande vie.

Nous nous sommes donc bornés à rassembler les traits de la vie de Descartes, qui manifestent le philosophe religieux et pieux. Ces traits, ajoutés à

bien d'autres qui sont disséminés dans ses écrits, et qui se représenteront encore dans le cours de notre ouvrage, prouveront jusqu'à l'évidence que, si Descartes a été le plus grand philosophe, le génie le plus hardi, et si nous pouvons nous servir de cette expression, le génie le plus créateur des derniers siècles, il a été aussi le plus religieux.

René Descartes naquit à la Haye, petite ville de Touraine, le 31 mars 1596, dans la septième année du règne de Henri IV. Il n'étoit encore âgé que de huit ans, lorsque son père, gentilhomme d'une des plus anciennes maisons de la Touraine, ét conseiller au parlement de Rennes, l'envoya en pension au collége, qui venoit d'être fondé cette même année à la Flèche, pour y commencer le cours de ses études. La direction de cet établissement, le plus magnifique en son genre, et le plus célèbre peut-être qui ait jamais existé, avoit été confiée par Henri IV aux jésuites. On sait que ces religieux n'avoient pas moins de zèle et de capacité pour former les mœurs de leurs élèves, que pour cultiver leurs talens. Ils ne s'étoient même livrés à l'étude des lettres, et chargés de la direction des colléges, que pour avoir l'occasion et la facilité de préserver les jeunes gens de la corruption si ordinaire à leur âge, et de jeter dans leurs cœurs les sémences de la religion et de la piété. Le jeune Descartes demeura huit ans et demi dans celte excellente école. La satisfaction extraordi

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