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tels que Mirabeau, Marat, Voltaire, Rousseau. Les deux premiers en ont été ignominieusement tirés par ordre d'une Assemblée nationale on y voit encore les deux

autres.

Dans la séance de l'Assemblée nationale, du 2 octobre 1793, un homme de lettres (M. Chénier) proposa, au nom du comité d'instruction publique, d'y transférer les cendres de Descartes (1). Ce grand homme

(1) M. Chénier partage ici pleinement les sentimens qu'avoit déjà manifestés M. d'Alembert sur les honneurs qu'il convenoit de rendre à la mémoire de Descartes. Ce célèbre académicien proposoit même quelque chose de plus qu'une simple translation de ses cendres. Dans une séance publique de l'Academie françoise, en 1771, il lut un dialogue entre Descartes et la reine Christine, en présence du roi de Suède, dialogue qu'il a fait imprimer dans le Ier, volume des Eloges des membres de l'Académie françoise. On y voit combien il jugeoit convenable, non-seulement de transporter les cendres de Descartes, mais encore de lui ériger un monument dans la nouvelle église de sainte Geneviève.

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.... Si on a eu le tort de vous oublier long-temps, il semble qu'on veuille aujourd'hui réparer cet oubli d'une ma-` nière éclatante. Savez-vous qu'on vous élève actuellement un mausolée.

DESCARTES.

Un mausolée à moi! La France me fait beaucoup d'hon

ayant eu son tombeau dans l'ancien temple de sainte Geneviève, avoit droit d'occuper une place dans le nouveau. M. Chénier, dans son discours, débuta par quelques traits que nous ne releverons point ici, mais qui sembloient alors nécessaires pour se concilier l'attention et la faveur de l'auditoire. Il fit ensuite l'éloge de Descartes, et ajouta : << Descartes, l'ornement de sa patrie, opeach jbní

neur; mais il me semble que si elle m'en jugeoit digne, elle auroit pu ne pas attendre cent vingt ans après ma mort,

CHRISTINE.

Vous faites vous-même bien de l'honneur à la France, mon cher philosophe, en croyant que c'est elle qui pense à vous élever un monument. Elle y songera bientôt, sans doute, et il s'en offre une belle occasion, car on reconstruit actuellement, avec la plus grande magnificence, l'église où vos cendres ont été apportées; et il me semble qu'un monument à l'honneur de Descartes, décoreroit bien autant cette église que de belles orgues ou une belle sonnerie. Mais en attendant ou vous érige un mausolée à Stockholm.....

M. d'Alembert observe, dans une note, que le mausolée a été effectivement érigé dans l'église de saint Olof à Stockholm, par ordre du roi de Suède. Il avoit remarqué auparavant qu'on cherchera toujours dans l'église de sainte Geneviève le mausolée de ce philosophe, comme on cherchera à saint Etienne-du-Mont, ceux de Racine et de Pascal, à saint Roch celui de P. Corneille, etc.

«primé, se vit contraint de la quitter do « bonne heure, et fut errant toute sa vie. Il «essuya les persécutions de ce même fana«tisme, qui du temps des guerres civiles de « France avoit égorgé Ramus, et qui depuis << en Italie avoit plongé le vieux Galilée dans « les cachots de l'inquisition.... Pressé par le « besoin, il se retira chez l'étranger, et bien« tôt accablé de travaux, de dégoûts et de «< chagrins, il mourut dans la force de son « âge, loin de sa patrie inhospitalière, en << prouvant, par sa misère illustre, que l'i«gnorance est l'alliée naturelle du fanatis«me et de la tyrannie, et que les despotes « en tout genre sont ennemis des lumières.... «C'est à vous, citoyens, qu'il appartient de « venger du mépris des rois, la cendre de «René Descartes >>.

Nous sommes bien fâchés de le dire, mais la vérité nous y oblige, M. Chénier a été ici bien mal servi par sa mémoire. Il y a dans ce fragment autant de faussetés que de paroles. 1°. Il n'est pas vrai qu'aucun genre d'oppression ait forcé Descartes de quitter sa patrie; et, s'il a erré toute sa vie, c'est par

pas

goût pour les voyages, et dans le désir de se soustraire à l'importunité des hommes qui troubloient ses méditations. 2°. Il n'est vrai qu'il ait été persécuté en France par les ministres de la religion catholique; et s'il a été en butte à quelques persécutions, c'est uniquement de la part de deux ou trois ministres protestans, et pendant son séjour en Hollande. 3°. Il n'est pas vrai que ce soit le besoin, et non l'amour de la solitude, qui l'ait forcé de se retirer chez l'étranger, puisqu'un patrimoine honnête le mettoit audessus des besoins (1), 4°. Il n'est pas vrai qu'il ait succombé sous les travaux, les dégoûts et les chagrins, puisque jamais il ne fut plus tranquille et plus honoré que pendant son séjour en Suède, où il passa les derniers jours de sa vie ; qu'il n'y eut d'autres ennemis

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que

(1) Je suis fort aise qu'on sache, écrivoit-il au P. Mersenne, que je ne suis pas, grâce à Dieu, en condition de voyager pour chercher fortune, et que je suis assez content de celle que je possède, pour ne point me mettre en peine d'en avoir d'autre; mais si je voyage quelquefois, c'est seulement pour apprendre, et contenter ma curiosité, (Tome II, Lel te LXXI.)!!!

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quelques savans jaloux de son crédit et de sa gloire; et s'il y mourut au bout de quatre mois, c'est l'âpreté du climat, l'assiduité à donner des leçons à la reine, le changement de régime, qui en furent la principale et même l'unique cause. 5. Il n'est pas vrai qu'il ait prouvé, par une misère illustre, que l'ignorance est l'alliée naturelle du fanatisme, et que les despotes en tout genre sont ennemis des lumières, puisque, encore une fois, jamais il n'a éprouvé de misère; puisque Louis XIII lui accorda une pension considé rable; puisque Charles I. voulut le fixer en Angleterre par les offres les plus avantageuses; puisque la plus chère et la plus zélée de ses disciples fut la princesse Palatine, fille du roi de Bohême; puisqu'il n'avoit fait le voyage de Stockholm que sur les invitations les plus flatteuses et les instances les plus pressantes de la reine de Suède; puisque cette princesse recevoit ses leçons avec autant d'empressement que de docilité, qu'elle avoit projeté de lui donner des terres jusqu'à la concurrence de dix mille livres de rente dans la partie méridionale de ses Etats, et qu'après

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