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dans les autres grandes bibliothèques de Paris. M. Baillet nous avoit appris, dans la Vie de Descartes, que les lettres originales de ce grand philosophe au P. Mersenne, dans le nombre desquelles il en étoit une vingtaine non imprimées, étoient tombées des mains de M. Roberval dans celles de M. de la Hire, et que celui-ci les avoit leguées à l'Acadé-. mie des sciences; cela nous a fait naître la pensée de les chercher dans la bibliothèque de cette Académie, faisant aujourd'hui partie de celle de l'Institut: et nous avons eu la satisfaction de reconnoître qu'elles y étoient encore fidèlement conservées. Nous ne connoissons plus que la bibliothèque d'Hanovre où l'on puisse espérer de trouver quelques manuscrits de Descartes; du moins cette bibliothèque est dépositaire des papiers de Leibnitz, et Leibnitz a témoigné plus d'une fois qu'il possédoit certains ouvrages manuscrits de Descartes, et qu'il étoit dans l'in→: tention de les donner au public. M. Kortholt nous assure que, dans le nombre de ces opuscules, se trouve un Discours de la Méthode entièrement différent de celui qui

est si connu. Peut-être ce Discours est-il le même que celui dont nous avons parlé plus haut, et que Leibnitz, qui écrivoit en 1707, ignoroit avoir été imprimé en Hollande en 1701 (1).

Enfin, M. Feder, bibliothécaire d'Hanovre, vient de découvrir un de ces opuscules inédits. C'est une ébauche de logique dirigée vers les études des mathématiques. Malheureusement il désespère d'en trouver quelque autre.

Mais ce n'est pas seulement la négligence à conserver les oeuvres de Descartes, et à tà les réunir en corps, qui rend notre nation digne de blâme à l'égard de ce grand philosophe : c'est surtout l'injure qu'elle a faite a sa mémoire il a y peu d'années. Ici par nation nous entendons une assemblée nationale.

On sait que les ossemens de Descartes avoient été transférés, dix-huit ans après sa mort, de Stockholm à Paris, avec la permission du gouvernement, et aux frais de M. d'A

(1) Tome V de la Coll. de Leibnitz, pag. 421 et 470,

libert, trésorier de France, personnage digne, à cet égard, d'une mémoire et d'une reconnoissance éternelle. Les hommes de lettres qui procurèrent cette translation, crurent que l'honneur de la France ne permettoit pas que les cendres du plus grand homme de génie qu'elle eût jamais porté dans son sein, reposassent dans une terre étrangère (1).

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(1) Voici, sur les restes de Descartes, une anecdote curieuse et peu connue. Nous la tirons du Ier. volume des Mémoires pour servir à l'Histoire de la reine Christine, imprimés à Amsterdam, en 1751, « On ne sauroit, dit l'auteur « des Mémoires, pag. 228, passer sous silence un fait qui ne « sera connu que de peu de personnes, , que M. Hof, profes« seur au collège de Skara en Westrogothie, vient de publier. «C'est que l'officier des gardes de la ville de Stockholm qui «<eut la commission de faire lever le cercueil de Descartes, « de l'endroit où il étoit enterré, et de le transporter en « France, ayant trouvé moyen d'ouvrir la bierre, il en ôta « le crâne de Descartes, qu'il garda le reste de ses jours fort « soigneusement, comme une des plus belles reliques de ce grand philosophe. Après la mort de l'officier, ses créan«< ciers, au lieu d'argent comptant qui les auroit fort accom« modés, ne trouvèrent guère d'autre chose que ce crâne, qui «< a passé depuis en d'autres mains. Sur quoi, M. Hof dit qu'il « l'avoit vu nouvellement chez un de ses amis à Stockholm, « qui sembloit en faire grand cas ».

Ce qui donneroit quelque crédit à cette anecdote, c'est qu'effectivement, les commissaires qui furent chargés de la

Elles furent déposées avec une grande pompe dans l'église de sainte Geneviève.

On jugeoit depuis long-temps que le vaisseau de cette église n'étoit point assez vaste pour les grandes cérémonies, nous voulons, dire les supplications ou les actions de grâçes qui souvent y réunissoient la cour et la ville. On avoit en conséquence, par les ordres de Louis XV, élevé un superbe temple, où les supplications et les actions de grâces de

translation des cendres et des ossemens de Descartes au Muséum ont déclaré n'avoir point trouvé son crâne, oụ du moins, n'en avoir trouvé qu'un fragment.

Ce qu'ajoute l'auteur des Mémoires, au même lieu, montreroit qu'outre le crâne, on croyoit à Stockholm posséder encore quelque autre partie des restes de notre philosophe.

« Un parent de Descartes, dit-il, M. Joachim, avoit intention de faire construire un autre monument à l'endroit où «René Descartes fut enterré, et où, comme il dit, un partie « des cendres et du reste du défunt se trouvoient encore. « Exuviarum ejus pars non exigua hoc superest loco. Mais « ce dessein n'a pas été exécuté ». Cependant nous mettrons ici l'inscription que son parent auroit mise sur ce monument. Cette inscription commence ainsi : Cartesius Joachimus, Gallus, Renati affinis.... durabilius et magnificentius monumentum Renato affini suo.... propè diem extrui curabit....

A la suite de cette inscription, il est dit qu'elle a été composée par Edmond Pourchot, ancien recteur et professeur de philosophie émérite de l'Université de Paris.

voient dans la suite avoir lieu, et où on auroit transféré le corps de la sainte patrone de Paris. L'édifice une fois construit, au lieu de remplir sa première destination, et de porter le nom de sainte Geneviève, reçut celui de Panthéon, et fut destiné à la sépulture des grands hommes de la nation. On y a transporté, à ce titre, par ordre des Assemblées nationales, et avec un très-grand appareil, les corps de plusieurs personnages,

Il est remarquable que M. Chanut, ambassadeur de France, avoit demandé que le corps de Descartes fut enseveli dans le cimetière des enfans morts après le baptême. La reine Christine vouloit qu'il le fût aux pieds des rois de Suède; mais M. Chanut désiroit donner aux parens et aux amis du défunt, la consolation de le voir placé parmi des prédestinés, selon le sentiment où nous sommes, que tout enfant baptisé au nom de la sainte Trinité, est sauvé, lorsqu'il meurt avant l'âge de raison au milieu même des protestans. (Vie de Descartes, pag. 425.)

Ah! que nous sommes éloignés aujourd'hui, d'avoir de semblables attentions! Ce n'étoit pas cependant un petit génie que ce M. Chanut. C'étoit un des plus habiles négociateurs, et un des meilleurs esprits de son siècle : et tout est dit, tout, est prouvé à cet égard, quand on observe qu'aucun homme ne posséda la confiance de la reine Christine à un si haut degré que M. Chanut, et ne fut plus estimé de Descartes,

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