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plus haute considération. Milord Cavendish, habile mathématicien, et éperdument amoureux, dit M. Baillet, de la philosophie de Descartes, l'invita de la part du roi Charles I., qui aimoit les sciences, સે passer en Angleterre. Ce prince voulut même l'y fixer par les propositions les plus flatteuses pour un homme tel que Descartes; car il promettoit de consacrer de grandes sommes aux expériences de physique. Descartes étoit près de se rendre à l'invitation du roi; et nous croyons devoir observer, dès à présent, en preuve de l'attachement de Des cartes à l'Eglise catholique, qu'un des motifs qui l'y inclinoient, c'est qu'on l'avoit assuré que le prince étoit catholique de volonté. (Baillet, part. II. pag. 67.) Mais les troubles qui commençoient à agiter ce royaume, et qui aboutirent à la funeste mort du prince, l'arrêtèrent en Hollande. Le fameux Hobbes avoit recherché la correspondance de Descartes, et sollicitoit auprès de lui des éclaircissemens sur différens points de physique, avec un empressement qui alloit jusqu'à l'importunité. L'illustre

chevalier Digby entretenoit avec lui une correspondance suivie, et dès l'an 1638, il s'étoit montré un zélé défenseur de sa doctrine et de sa réputation. (Baillet, page 244.) Mais ni en Angleterre ni ailleurs personne n'a d'abord pensé plus favorablement de la philosophie de Descartes, ni témoigné plus d'admiration de son génie, que Henri Morus, docteur Anglois, qui jouit encore aujourd'hui dans l'esprit de ses compatriotes de la plus haute considération. M. Clerselier, qui préparoit l'édition des Lettres de notre incomparable philosophe, lui écrivit pour en obtenir les copies des lettres que ce savant Anglois avoit écrites à Descartes, et des réponses qu'il en avoit reçues. Morus s'empressa de le satisfaire, et lui disoit dans sa réponse, que nous traduisons : « Tel est « dans les écrits de M. Descartes l'importance « des matières qu'il y traite, la beauté des « vérités qu'il découvre, la grandeur et la à pénétration du génie qu'il montre, le con« cert et l'ordre admirable de tous les théo« rêmes qu'il y établit, qu'après les avoir «lus mille fois, on les lit encore avec un

« nouveau

« nouveau plaisir..... C'est ainsi que les hom« mes qui voient continuellement la lumiè«re, la trouvent toujours également belle, << et la reçoivent tous les jours avec une nou« velle reconnoissance. La philosophie de « Descartes, continuoit-il, n'offre pas seu«<lement les plus grands charmes à l'esprit, « elle est encore souverainement utile pour «< ce qui est la suprême fin de toute philo« sophie, je veux dire la religion; car tan« dis que les péripatéticiens admettent cer<<<taines formes substantielles nées de la « puissance de la matière, et qui lui sont « tellement unies qu'elles ne peuvent sub« sister sans elle, formes dans la classe des«quelles ils rangent les ames de presque « tous les êtres qui ont vie, et celles mêmes « auxquelles ils attribuent le sentiment et la « pensée; tandis que les épicuriens proscri<< vent au contraire toutes les formes sub«stantielles, et accordent néanmoins à la «matière la faculté de sentir et de penser, << Descartes est le seul que je connoisse, en«tre les physiologues, qui en même temps « qu'il a proscrit toutes les formes substan

H

*

si

«tielles et les ames tirées de la matière, «‹ a dépouillé la matière de toute faculté de « penser et de sentir; d'où il résulte que << on suit les principes de Descartes, on aura << un moyen très-sûr et une méthode infail<< lible de démontrer et l'existence de Dieu, << et l'immortalité de l'ame, deux articles qui << sont les grands fondemens et les points « d'appui de toute religion véritable..... En « un mot, je soutiens qu'il n'est point de phi«<losophie, si ce n'est peut-être celle de Pla«ton, qui enlève plus complètement aux << athées tous leurs subterfuges et toutes leurs « évasions ». (Lettres, tom. Ier, pag. 255.)

Il écrivoit à Descartes (p. 258): «Tous les << hommes qui travaillent, ou même qui de« puis l'origine du monde, ont travaillé à « découvrir les secrets de la nature, ne me « paroissent auprès de vous, si on compare « le génie au génie, que des nains et des « pigmées ». Après quelques autres éloges aussi magnifiques, il ajoute : « Ce n'est pas <<< seulement dans votre patrie et ailleurs, <«< c'est encore en Angleterre qu'il est des « hommes pénétrés de la plus profonde es

time pour votre personne et vos ouvra«ges, et dont l'admiration pour les divins « talens de votre esprit, est portée au plus << haut degré; mais il n'en est aucun dans <«< cette partie qui l'emporte sur moi ». (Lettres, tom. Ier, pag. 259.) Il lui disoit dans une autre lettre : « Vous parlez quelque part « d'Epicure et de Démocrite, comme de « grands hommes, mais je vous crois bien « plus sublime qu'eux, et très-supérieur, non<< seulement à eux, mais à tous les interprè«tes de la nature (1) ». (Pag. 278.)

(1) Il est vrai que Henri Morus a varié dans son opinion sur la philosophie de Descartes, et qu'il a paru croire, dans ses derniers écrits, que cette philosophie étoit peu favorable à la religion: mais, dans ces mêmes écrits, il revient fréquemment à ses premiers sentimens, et n'a pas craint de dire dans l'Appendix ad defensionem Cabbala philosophicæ, que Descartes lui paroissoit avoir été un génie inspiré et rempli de l'esprit de Dieu, ainsi que l'avoient été les deux personnages préposés par Moyse à la construction du tabernacle. Il confesse, il est vrai, dans des notes postérieures sur son ouvrage, qu'en parlant ainsi, il a été emporté trop loin; mais son excuse est encore un grand éloge de Descartes : il la fonde sur son amour et son admiration extrêmes pour un aussi puissant génie, qui sembloit étre tout à coup descendu du ciel pour expliquer mécaniquement les phénomènes de la nature. Dans la préface de son Traité sur l'immortalité de l'ame,

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