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soit les bancs du choeur, soit la tribune. La messe terminée, on s'est mis en marche pour Issy, où devoit se faire la sépulture. Le corps étoit porté par les séminaristes eux-mêmes, qui avoient voulu donner à leur respectable maître cette dernière marque de leur attachement et de leur reconnoissance. Ils se relayoient sur la route, et marchoient en silence, ayant leurs surplis sur le bras. Ils étoient suivis par les parens, et par beaucoup d'ecclésiastiques et de laïques. Derrière étoient une douzaine de voitures. A la barrière de Vaugirard, on s'est formé en procession, et on a chanté quelques psaumes. A une heure, le corps a été enseveli dans l'enclos de la chapelle de Notre-Dame de Lorette. M. l'évêque de Montpellier a terminé la cérémonie par un petit discours en l'honneur du défunt. La tristesse et l'émotion étoient générales.

Il est en effet donné à peu d'hommes de laisser après eux tant de souvenirs et de causer tant de regrets, et il y a ici bien des malheurs dans un seul. Le clergé de Paris perd un de ses chefs, puisque M. Emery étoit un des vicaires-généraux nommés par le chapitre; il perd aussi un de ses modèles et une de ses lumières. L'Eglise de France même perd en sa personne celui que l'on consultoit de toutes les parties de l'Empire, et dont on s'étoit accoutumé à suivre l'exemple dans les circonstances les plus difficiles. Son séminaire pleure un maître et un appui. Le conseil de l'Université regrette un de ses membres les plus laborieux,

et nous avons entendu à ses obsèques un de ses collègues louer, les larmes aux yeux, un homme si instruit, si sage, si conciliant. Les lettres perdent un écrivain recommandable par la nature et par la solidité de ses ouvrages. La société perd un de ses mem‐ bres les plus vertueux. Enfin, si nous pouvons nous compter pour quelque chose au milieu de si grands intérêts, et si, simples particuliers que nous sommes, nous osons nous nommer après tant de corps respectables, nous aussi, nous avons ici des larmes à répandre nous perdons un ami, un conseil, nous dirions presque un père. M. Emery prenoit intérêt à nous. Quoique liés avec lui depuis quelques années seulement, il nous témoignoit une confiance dont le souvenir nous touche. Il nous parloit de ses travaux littéraires, il nous faisoit part d'anecdotes intéressantes sur les hommes et sur les événemens qu'il avoit vus. Il nous parloit de nous-mêmes, et sa bienveillante amitié s'intéressoit à tout ce qui nous concernoit. Si nous aimons à révéler ces marques d'attachement d'un homme si respectable, nous cherchons moins, nous osons le dire, à satisfaire notre amour propre, qu'à soulager notre et à témoigner notre douleur reconnoissance. L'affection de M. Emery nous étoit extrêmement précieuse, et nous en garderons le souvenir avec une religieuse fidélité, Digne prêtre, moniteur éclairé," père tendre, recevez cette expression de notre vénération. Peut-être ce tribut,

BIBL. UNTV.

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quelque foible qu'il soit, servira-t-il à adoucir les regrets de ceux qui vous pleurent. S'ils n'ont pas trouvé en nous un digne interprète de leurs sentimens, ils n'en auroient pu trouver du moins qui les partageât plus sincèrement. Nous unissons nos regrets à leurs regrets; nous déplorons avec eux la perte commune. Il faut l'avouer cependant; nos plaintes sont ici un peu intéressées, et c'est plutôt nous que nous envisageons, que celui même qui fut l'objet de nos larmes. Pour lui, son sort n'a rien d'alarmant; car, sans doute, une vie si pleine et si pure aura obtenu sa récompense, tant de travaux n'auront pas été perdus; et celui qui a promis de tenir compte d'un verre d'eau froide donné en son nom, aura mis dans la balance soixante années employées à le louer et à le servir. Il est permis de l'espérer. Ceux qui sont à plaindre, ce sont done ceux que cet homme juste a laissés sur la terre, et qui, ayant à y combattre encore, n'ont plus, pour se diriger, ni l'autorité de ses conseils, ni la leçon de ses exemples.

Nous ne pouvons mieux terminer cette Notice, qu'en présentant le portrait moral de M. Emery, tracé par une personne qui a long-temps vécu avec lui. Tous ceux qui l'ont connu en reconnoîtront la fidélité.

JACOBUS ANDREAS EMERY,

Seminarii sancti Sulpitii Superior nonus,
Universitatis imperialis Consiliarius perpetuus;

Vir optimi ingenii insignisque virtutis:
In vultu benignitas,

In ore sermo ad flectendos animos appositus; In scriptis doctrina sponte fluens, exquisitumque judicium; Prisci moris et avitæ disciplinæ tenacissimus;

In consiliis sagax et prudens,

In intricatis solers,

In regiminis arte præcipuus,

In adversis fortis et invictus,

Integer in omnibus.

Episcopalibus infulis pluries repulsis,
Elegit abjectus esse in domo Dei sui;
Beatæ Virginis Mariæ famulus addictissimus,
Sponsæque Christi Ecclesiæ, cui totus vixit,
Miles indefessus,

Bonum certamen certans obiit,

28 aprilis 1811, ætatis 79.

FIN DE LA NOTICE.

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