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sieurs parens, entr'autres M. l'évêque de Montpellier, qui est son néveu à la mode de Bretagne. Mme. de Villette, née Varicourt, étoit sa parente au même degré (1).

Quand M. Emery fut en âge de commencer ses études, on l'envoya au collège des Jésuites, à Mâcon. Ainsi, il est encore un des élèves de cette société, qui en a produit tant et de si distingués. Il parut dans ses classes avec succès: nous en avons un témoignage dans une petite pièce de vers qu'il fit en l'honneur de M. de Lowendall, dont toute la France célébroit alors les exploits. Le jeune écolier de rhétorique voulut chanter aussi le héros. Il composa une pièce d'environ quatre cents vers françois, en l'honneur du maelle fut réchal. Nous avons cette pièce sous les yeux; imprimée à Mâcon en 1748, et elle porte le nom de M. Emery. Nous avions d'abord eu le projet de citer quelques fragmens de ce petit poème, vraiment extraordinaire pour un anteur de seize ans ; mais nous ne voulons pas paroître faire plus de cas de cette pro➡ duction de la jeunesse de M. Emery, qu'il n'en faisoit sans doute lui-même. C'est probablement le seul tribut qu'il ait payé aux Muses. Nous ne le verrons plus occupé que d'études graves.

(1) On nous a dit tenir d'un ancien secrétaire de M. Emery, que sa famille étoit alliée à celle de saint François de Sales. Nous ne garantissons point ce fait.

Il vint à Paris en 1749, ou au plus tard en 1750, et entra à la petite communauté de Saint-Sulpice. Il y fit son cours de philosophie; et comme il se destinoit à l'état ecclésiastique, il reçut la tonsure, des mains de M. de Beaumont, le 20 décembre 1750. Sa piété, son amour pour le travail, son goût pour la retraite étoient dès-lors des marques assez sûres de la bonté d'une vocation, qu'on peut bien assurer ne s'être mêlée chez lui à aucune vue d'ambition. Il entra en théologie, où il fut toujours le premier de son cours. Quand il l'eut fini, il parut digne d'enseigner aux au→ tres ce qu'il venoit d'apprendre: on le fit maître de conférence dans la même maison; c'est pendant qu'il en exerçoit les fonctions, qu'il fut ordonné soudiacre à Conflans, le 12 juin 1756. L'année suivante, on' l'envoya à la Solitude, pour y faire l'espèce de novique la congrégation de Saint-Sulpice avoit coutume de prescrire à ceux qui vouloient être admis dans son sein. Il y resta deux ans à se préparer, par la retraite et par la prière, aux fonctions auxquelles il se consacroit. Le 11 mars 1756, il fut ordonné prêtre

ciat

par

M. Dondel, évêque de Dol, en l'absence de M. de Beaumont, alors exilé dans le Périgord; car l'éducation ecclésiastique de M. Emery concouroit avec les orages qu'essuya dans ce temps le clergé de France : il ne prévoyoit pas sans doute qu'il dût être témoin de secousses bien plus terribles.

Son temps de retraite terminé, il fut envoyé pour

professer le dogme au séminaire d'Orléans. Il y résta depuis 1759 jusqu'en 1764, qu'on le fit passer à Lyon pour y enseigner la morale. Pour y remplir cette fonction, il falloit être docteur en théologie, et M. Emery n'avoit point voulu, lorsqu'il étudioit à Paris, faire sa licence. I prit donc des degrés dans l'université de Valence, et fut reçu docteur le 27 octobre 1764. Le diocèse de Lyon étoit alors gouverné par M. de Montazet, prélat qui ne manquoit ni d'instruction ni de talent, mais qui, jeté par les circonstances dans un parti pour lequel il n'étoit pas fait, favorisoit un esprit et des principes qui n'étoient pas ceux des plus sages de ses collègues. Ces principes n'étoient pas non plus ceux de M. Emery; mais il se montra là ce qu'il fut depuis, dans des circonstances bien plus difficiles, sage avec fermeté et conciliant sans mollesse, et il sut gagner l'estime de ceux mêmes dont il ne partageoit pas les opinions. Ce fut là qu'il connut M. Lalande (1), alors professeur à la maison de l'Oratoire de Lyon. Quoiqu'il n'y eût pas beaucoup d'intimité entre cette maison et le séminaire Saint-Irénée, le professeur de l'Oratoire conçut beaucoup d'estime pour le professeur Sulpicien, et s'ils coururent dans la suite une carrière différente, le premier se trouva heureux de rencontrer, après la révolution, M. Emery, dont les conseils

(1) On comprend sans doute que ce n'est pas de l'astronome qu'il s'agit ici.

et l'amitié l'engagèrent à réparer ses torts, et à finir ses jours d'une manière plus digne d'un chrétien et d'un prêtre.

En 1767, M. Emery fut nommé chapelain et aumônier de Gex. C'est ce qui résulte d'un brevet que nous avons vu, signé par le roi lui-même, et daté du 11 avril de cette année. Il y est dit, que S. M. lui faisoit don de cette charge. M. Emery ne l'avoit sans doute pas sollicitée. Occupé alors de professer la théologie à Lyon, il ne songeoit guère à obtenir des places. Peutêtre celle-ci fut-elle demandée pour lui par ses compatriotes ou par sa famille, qui vouloient le rappeler ainsi au milieu d'eux. Si c'étoit là leur projet, ils n'y réussirent point, et il ne paroît pas que M. Emery ait jamais fait les fonctions de cette charge, ni qu'il en ait touché les appointemens. Son patrimoine suffisoit à la modération de ses désirs.

Ce fut pendant son séjour au séminaire Saint-Irénée, qu'il publia deux ouvrages qui commencèrent à le faire connoître. Le premier est l'Esprit de Leibnitz, qui parut en 1772. Il ne faudroit point, sur ce seul titre, juger de cet ouvrage comme de tant d'autres qui ont paru dans ce siècle. « Je n'ignore pas, disoit << M. Emery dans sa préface, ce que pensent les savans, « de cette foule de livres dont le public est inondé, sous « le nom de pensées, d'esprit, de génie, etc. Nous « en condamnons avec eux la plus grande partic, et « nous convenons du tort qu'en souffre la littérature ».

L'Esprit de Leibnitz ne ressemble en effet nullement à ces compilations faciles et oiseuses. L'auteur se proposa d'y réunir tout ce que Leibnitz avoit écrit sur la religion. Affligé de l'esprit de son siècle, il voulut le ramener à la révélation par une grande autorité. Il voulut prouver que l'incrédulité n'étoit pas nécessairement, comme on s'en vantoit, le partage de toute tête pensante, et que l'on pouvoit ici opposer philosophe à philosophe. Il rapporte en effet une foule de témoignages, qui montrent, combien Leibnitz étoit attaché au christianisme, Des argumens métaphysiques, des réflexions pieuses, des dissertations théologiques même, enfin une foule de passages en faveur de la religion, établissent d'une manière indubitable les sentimens de Leibnitz.

L'Esprit de sainte Thérèse, qui suivit l'Esprit de Leibnitz, est un extrait des maximes et des conseils les plus utiles dans les écrits de la sainte. M. Emery, voyant que ces écrits n'étoient point assez lus, a cru que cela pouvoit provenir de ce que sainte Thérèse y parle très-souvent de révélations et d'extases, matières qui ne sont pas à la portée de tout le monde, et qui ne sont pas d'une utilité directe pour le commun des fidèles. De plus, la sainte se livre fréquemment à des digressions qui coupent le fil du discours. M. Emery jugea donc qu'il seroit bon de faire un extrait, où il n'entreroit que ce qu'il y a de plus usuel et de plus pratique dans les ouvrages de la fondatrice des Car

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