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semblé des matériaux, pour prouver que le concile de Trente étoit reçu en France quant à la foi. Il avoit conçu l'idée de cet ouvrage en 1790, à l'occasion d'un discours tenu à ce sujet à l'Assemblée constituante, et où il avoit remarqué de notables erreurs. D'autres occupations ne lui permirent pas sans doute de continuer ce travail, sur lequel il n'a laissé que des

notes.

Le désir de parler de suite de tous les écrits de M. Emery, et de rassembler sous un seul point de vue tous ses titres littéraires, nous a fait intervertir un peu l'ordre chronologique. Nous allons revenir sur nos pas, et le montrer, dans toute la suite de sa vie, toujours occupé à des choses utiles, et dans la retraite, comme dans le monde, travaillant toujours pour le bien de la religion. Lorsque la chute du Directoire eût rendu plus de liberté aux prêtres, il reparut pour prê cher la paix et la soumission à l'ordre établi. Il donna dans ce temps quelques écrits, pour engager les ecclésiastiques à des démarches qu'il croyoit convenables et même justes. Il cherchoit à calmer tous les ressentimens, et à ramener les esprits vers un gouvernement qui annonçoit le désir de réparer les maux passés. Ses conseils, goûtés de la plupart, déplurent néanmoins à quelques hommes un peu ardens, qui allèrent jusqu'à l'accuser d'ambition: mais il fit bientôt tomber ces vains reproches. A l'époque du Concordat, il fut nommé à l'évêché d'Arras. Cette nomination l'affligea extrê→

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mement, et sa santé en fut même altérée. Il se hâta de refuser l'épiscopat, malgré les conseils et les instances de quelques amis. Il déduisit ses raisons dans une lettre très-bien faite, qu'il adressa à M. Portalis : il lui exposoit, entr'autres motifs, qu'il seroit plus utile à l'Eglise, en reprenant ses anciennes fonctions de supérieur du séminaire. Ses excuses furent goûtées du chef de l'Etat, qui, loin de s'offenser de son refus, admira sans doute sa modération et son désintéressement, et qui trouva bon que M. Emery reprît, comme il le souhaitoit, des fonctions devenues de plus en plus nécessaires, après les pertes qu'avoit faites le clergé.

Celui-ci organisa donc un séminaire; il réunit quelques jeunes gens dont la vocation courageuse n'étoit point ébranlée par les orages précédens. Ses soins et

sa fortune furent consacrés à soutenir cet établissement_naissant. Cette œuvre lui paroissoit d'autant plus importante, qu'il voyoit mieux le vide effrayant du sanctuaire ; il sentoit le besoin de réparer tant de pertes, et sa première vocation lui en paroissoit encore plus nécessaire à suivre. Il se livra donc de nouveau à des occupations si chères; et, secondé par des ecclésiastiques respectables, il forma ses élèves à l'esprit et aux connoissances de leur état. Dépositaire des anciennes traditions, il les perpétuqit parmi eux ; il faisoit revivre, dans cette nouvelle école, ce ton de piété, cet amour du travail, ces habitudes religieuses et mo

destes qui avoient distingué autrefois les établissemens les plus parfaits en ce genre: il étoit comme la chaîne qui lioit l'ancien et le nouveau clergé; et au milieu de ce renouvellement de toutes choses, son âge, son expérience, ses travaux, donnoient à ses leçons et à ses exemples je ne sais quoi d'antique et de patriarchal, qui inspiroient à tout ce qui l'entouroit le respect et la confiance.

Le 20 mai 1802, M. de Belloy, nouvel archevêque de Paris, le fit son grand-vicaire. M. Emery étoit trèsassidu aux séances du conseil archiepiscopal, où son avis avoit toujours beaucoup d'influence. De retour chez lui, il avoit à faire face aux détails d'une correspondance étendue. On conçoit à peine qu'il trouvât le temps de suffire à toutes ses occupations; il étoit consulté de tous côtés. Les visites, qu'il étoit obligé de recevoir, lui absorboient seules une bonne partie de son temps: aussi, pour compenser cette perte, il ne prenoit même plus de récréation après ses repas. Son délassement étoit de passer d'une occupation à une autre. Un travail si continu, et sans aucun relâche, a sûrement contribué à altérer sa santé.

Ce travail fut encore augmenté en dernier lieu, par sa nomination à la place de conseiller titulaire de l'Université impériale. S. M., de son propre mouvement, le mit le second sur la liste. Pour répondre à une si honorable confiance, M. Emery parut redoubler d'ardeur; il voulut remplir les devoirs de cette nouvello

place avec la même exactitude que les autres devoirs de son état : il lui sembloit que plus il approchoit du terme, plus il devoit travailler ; et tandis que d'au tres se fussent crus autorisés à se ménager davantage, fui, comme un ouvrier infatigable, vouloit être trouvé la main à la tâche; et, en effet, il travailloit encore cinq jours avant sa mort.

Dès l'année dernière, il avoit eu à la jambe un mal qui inquiéta ses amis, mais qui céda aux remèdes de l'art. Il paroît qu'il regarda 'cet accident comme un avertissement de la Providence; car on remarque que, depuis ce temps-là, il parloit plus souvent de sa fin prochaine : sans doute qu'il s'y préparoit en secret avec plus de soin. On étoit loin de penser que le moment en fût arrivé, quand il tomba malade le 23 avril. Il dit encore la messe le lendemain; mais, dès ce jour même, on jugea que sa maladie étoit mortelle. Le vendredi 26, il vouloit encore célébrer les saints mystères; son extrême foiblesse l'en empêcha: il fut obligé de se coucher. La tête étoit déjà prise. Dans le peu d'intervalle qu'il l'a recouvrée, il a montré les sentimens qui l'ont animé toute sa vie. Le même jour, on lui administra les derniers sacremens; et comme on l'interrogeoit sur ses dispositions, il répondit: Je ne vis que pour Dieu, pour l'Eglise, pour vous tous. Il entendoit ce qu'on lui disoit, lors même qu'il ne pouvoit répondre. Ses séminaristes le veillèrent pendant sa maladie avec un empressement filial, et lui rendirent

tous les soins qu'exigeoit son état. Enfin, les remèdes de l'art n'ayant produit aucun effet, le malade expira paisiblement, le dimanche 28 avril 1811, à deux heures trois quarts après-midi, étant âgé de soixantedix-huit ans, huit mois et deux jours. Mgr. le cardinal Fesch arriva comme il venoit de rendre le dernier soupir. On sait que S. A. Em. honoroit M. Emery d'une confiance toute particulière; elle daignoit le visiter quelquefois, et elle le mandoit souvent auprès d'elle pour s'édifier de la piété, et s'entourer des lumières d'un prêtre si éclairé et si vertueux. Elle partage aujourd'hui le regret général que cause la perte de celui qu'elle avoit su connoître et apprécier.

Après la mort de M. Emery, son corps fut exposé sur son lit, la figure découverte. Ses jeunes séminaristes se succédoient pour réciter des prières à son intention. Sa chambre étoit même visitée par beaucoup de personnes du dehors, qui, à la nouvelle d'un si triste événement, venoient mêler leurs larmes à celles d'une famille désolée. Les obsèques eurent lieu le 30 avril, dans la chapelle du séminaire. M. l'évêque de Montpellier, parent du défunt, officioit; Mgr. le cardinal Dugnani et plusieurs évêques assistoient à la cérémonie. Plusieurs conseillers de l'Université impériale y étoient venus aussi rendre hommage à la mémoire de leur collègue. Un grand nombre d'ecclésiastiques, des laïques, parmi lesquels plusieurs étoient du plus haut rang, des militaires même, occupoient,

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