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loge qu'il avoit fait de ce géomètre célèbre. Euler, est-il dit, étoit très-religieux. Si la vérité exigeoit cet aveu, elle ne demandoit pas moins qu'on conservât fidèlement dans les Lettres les passages retranchés mais si la bonne foi le demandoit, l'intérêt du parti demandoit autre chose, et l'un fut plus écouté que l'autre.

En 1807, M. Emery publia un ouvrage d'un genre un peu différent des précédens, savoir, les Nouveaux Opuscules de l'abbé Fleury. Il avoit entre les mains le manuscrit autographe du Discours de ce célèbre historien, sur les libertés de l'Eglise gallicane, et il remarqua avec surprise que, dans plusieurs éditions, ce Discours étoit notablement altéré. Il crut donc devoir le donner tel qu'il étoit sorti de la plume de l'auteur, et débarrassé des notes qu'y avoient successivement ajoutées les différens éditeurs. Il indique avec soin les passages changés, altérés, ou même entièrement supprimés. Il mit à la suite du Discours plusieurs pièces écrites de la main de Fleury; elles étoient jus– qu'ici restées manuscrites, et sont fort courtes pour la plupart : elles peuvent servir de supplément aux Opuscules de l'abbé Fleury, par Rondet, qui ne les avoit pas connues.

Nous terminerons cette notice des écrits de M. Emery, en disant un mot de son ouvrage sur Descartes. Cet ouvrage se rattache au même but que ceux súr Bacon et sur Leibnitz. L'auteur continuoit ainsi la liste

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des grands hommes, que le christianisme compte parmi ses enfans, «< liste capable, disoit d'Alembert lui-même « dans l'éloge de Bernouilli, liste capable d'ébranler, « même avant l'examen, les meilleurs esprits, mais « suffisant au moins pour imposer silence à une foule « de conjurés, ennemis impuissans de quelques vérités nécessaires aux hommes, que Pascal a défendues, « queNewton croyoit, et que Descartes a respectées ». On verra, par l'ouvrage de M. Emery, que Descartes pas seulement respecté ces vérités nécessaires aux hommes, mais qu'il les a aussi crues et défendues. On verra qu'il étoit non-seulement chrétien, mais catholique, et catholique exact à remplir ses devoirs. C'est ce que M. Emery établit dans une Vie religieuse de Descartes, qui est pleine de recherches très-curieuses. Le Discours préliminaire ne sera pas moins goûté. Il est rédigé avec la même critique et la même sagacité que ses autres ouvrages, et l'auteur y venge très-bien Descartes des imputations de ses détracteurs. Ayant eu communication du Discours et de la Vie, nous pouvons assurer d'avance qu'ils ne feront que confirmer la réputation de M. Emery, et qu'ils fermeront dignement la liste de ses productions.

Il se proposoit de joindre Newton aux philosophes que nous avons successivement nommés, et de montrer que, comme eux, le célèbre anglois avoit été attaché à la religion. Il avoit annoncé ce projet dans plusieurs de ses écrits, et nous savons en effet qu'on a

trouvé dans ses papiers des notes sur ce sujet. Peutêtre ne sont-elles pas aussi nombreuses qu'on eût pu le désirer. Nous croyons néanmoins qu'il seroit possible, en y joignant quelques nouvelles recherches, d'en composer un ouvrage, sinon aussi étendu que ceux sur Bacon et sur Leibnitz, au moins suffisant pour manifester les sentimens religieux du génie dont l'Angleterre s'honore. Il seroit à désirer qu'un tel but portât quelqu'un des amis de M. Emery à achever son travail. Plus la réputation de Newton est grande, plus il importe de montrer combien ce grand homme étoit attaché au christianisme. Nous savons déjà, par Fontenelle, qu'il étoit persuadé de la révélation, et qu'il faisoit sa lecture la plus habituelle et la plus assidue dans la Bible. Voltaire nous apprend qu'il ne prononçoit le nom de Dieu qu'avec des marques extérieures de respect, et M. Emery a remarqué ailleurs que ce célèbre philosophe a rendu hommage à la religion jusqué dans son Optique, où rien ne l'obligeoit à la rappeler. Il est sûrement à regretter que l'apologiste de Bacon, de Descartes et de Leibnitz, n'ait pas eu le temps de leur associer Newton. Espérons qu'on s'efforcera de réparer cette perte autant que possible.

Nous avons dit que M. Emery étoit en correspondance avec plusieurs savans étrangers. Nous ne citerons que M. de Luc, avec lequel il entretenoit des relations très-suivies. On a trouvé dans ses papiers beaucoup de lettres de ce savant naturaliste, pour lequel M. Emery

professoit une estime particulière. Il admiroit le zèle avec lequel M. de Luc travailloit à repousser les attaques de quelques physiciens modernes contre nos livres saints. On dit même qu'il avoit reçu une lettre dans laquelle cet adversaire courageux de la philosophie laissoit entrevoir des dispositions très-favorables pour la religion catholique. Quoi qu'il en soit, ils s'écrivoient fréquemment, et toujours sur des matières intéressantes pour les sciences, et qui se rapportoient directement ou indirectement à la religion. M. Emery rendit même à M. de Luc le service de surveiller l'impression de plusieurs de ses ouvrages, comme des Lettres à M. de Blumenbach, du Précis de la Philosophie de Bacon, des Elémens de Géologie, etc. Il ne tint à lui probablement que le style de ces ouvrages ne fùt plus clair, et que la partie systématique ne fût plus fondée en preuves. Nous croyons, à dire le vrai, M. de Luc plus fort quand il réfute les systèmes des autres que lorsqu'il établit le sien. Au ́reste, nous pouvons séparer ici le philosophe du physicien, et louer le zèle, les principes et les efforts de M. de Luc, sans approuver toujours ses idées en géologie. C'étoit probablement aussi la manière de voir de M. Emery sur les ouvrages de son ami.

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M. Emery fut aussi l'éditeur des Lettres à un évêque sur divers points de morale et de discipline concernant l'épiscopat, par M. de Pompignan, archevêque de Vienne. Ce fut lui qui rédigea le Dis

cours préliminaire mis, en tête de cet ouvrage, et qui contient une notice sur la vie et les écrits du prélat. Il y donne de justes éloges au zèle et à la piété dont M. de Pompignan se montra toujours animé, et il caractérise les écrits qui sortirent de sa plume pour la défense de la religion. Ces écrits, que Voltaire se plut à tourner en ridicule, sont d'autant plus propres à persuader le lecteur, que la conduite de l'auteur étoit plus conforme aux principes qu'il professsoit. Il pratiquoit avec ferveur ce qu'il soutenoit avec force. M. Emery, en rendant à sa mémoire ce légitime hommage, a essayé de la venger de quelques reproches un peu vifs d'un écrivain d'ailleurs estimable: il trouve que cet écrivain a jugé M. l'archevêque de Vienne avec trop de sévérité; et il montre que si, au milieu des plus grands orages, ce prélat a manqué ou de prévoyance ou de fermeté, on n'en peut rien conclure contre ses qualités épiscopales. Il faudroit dire seulement que M. de Pompignan n'étoit pas un politique profond. Ce Discours préliminaire annonce d'ailleurs la touche de M. Emery, par l'exactitude des faits, par sage sobriété des réflexions, par le ton de modération et de réserve qui y règne.

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Nous ne parlerons pas des manuscrits que M. Emery a dû laisser; nous ne doutons pas qu'il n'y en ait de fort intéressans, et qui mériteroient d'être livrés à l'impression: mais ne les ayant point vus, nous n'en pouvons rien dire. Nous savons seulement qu'il avoit ras

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