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III

le éclectique. - Royer-Collard.-Victor Cousin. - Bérard. — Virey. Kératry. - Droz.- De Gérando. - Laromiguière. - Maine de Bin. — Jouffroy.- Damiron, etc., etc.

En dehors de l'école de la philosophie catholique, puissants adversaires combattirent le sensuame avec acharnement. Chateaubriand et madame Staël doivent être nommés ici à cause de la puisnte influence spiritualiste qu'ils ont exercée sur siècle. Sans parler du Génie du Christianisme, le nous essayerons de caractériser ailleurs, le vre de L'Allemagne est une des plus brillantes inpirations de l'école spiritualiste. Arrêté, en 1810, ar le brutal despotisme de l'empire, il vit le jour n 1814, et son effet fut général. Il fit plus pour e spiritualisme qu'un traité purement philosophique, parce qu'il était plus à la portée de la majórité des lecteurs, parce qu'il s'adressait à l'imagination, faculté plus brillante que le raisonnement et plus bruyante aussi, que l'on me passe ce mot. M. Royer-Collard avait eu la gloire de commencer trois années auparavant le mouvement de spiritualisme philosophique; M. Jouffroy a caractérisé ainsi l'œuvre de cet homme éminent: «Ila terminé

le règne exclusif d'une philosophie et commencé un nouveau mouvement qui est celui au milieu duquel nous nous trouvons; de plus, le mouvement qu'il a imprimé n'est pas celui d'une nouvelle doctrine dogmatique; c'est un mouvement véritablement scientifique qui, sous les auspices d'une méthode qui ne proscrit rien et qui professe que les recherches philosophiques n'ont point de terme, aspire à élever peu à peu à l'aide des siècles et de l'observation une véritable science de l'esprit humain. >>

M. Royer-Collard, lorsqu'il monta dans sa chaire philosophique, n'avait pas l'autorité imposante que nous lui avons vue depuis ; il arrivait presque inconnu; mais, fort de sa conscience et de son talent, il osa porter immédiatement les plus rudes coups à l'erreur triomphante. Il parla dès l'abord avec une gravité solennelle à laquelle on ne s'attendait pas; il combattit le condillacisme, et ne tarda pas à démontrer à tous l'étroitesse de ses doctrines incomplètes. Formé par la philosophie écossaise de Reid et par toute cette école si studieuse et si tolérante, il réhabilita l'âme en prouvant que la sensa tion, loin d'etre tout, n'est que le commencement et pour ainsi dire que l'occasion des opérations de l'âme. Il convainquit d'ignorance le système qui voit toute l'intelligence dans la sensation, en lui prouvant qu'il n'expliquait pas les notions de cause, de substance, de temps et d'espace.

La manière de M. Royer-Collard est très sa

vante; nous voudrions que l'espace nous permît de la faire juger par de nombreuses citations, mais nous sommes obligé de n'en faire qu'une. Nous choisissons le passage suivant sur le temps et sur l'espace :

« Comme la notion de durée devient indépendante des événements qui nous l'ont donnée, de ⠀ même la notion de l'étendue, aussitôt que nous l'avons acquise, devient indépendante des objets où nous l'avons trouvée. Quand la pensée anéantit ceux-ci, elle n'anéantit pas l'espace qui les contenait.

>> Comme la notion d'une durée limitée nous suggère la notion du temps, c'est-à-dire d'une durée sans bornes, qui n'a pas pu commencer et qui ne pourrait pas finir, de même la notion d'une étendue limitée nous suggère la notion de l'espace, c'est-à-dire une étendue infinie et nécessaire qui demeure immobile, tandis que les corps s'y meuvent en tous sens. Le temps se perd dans l'éternité, l'espace dans l'immensité. Sans le temps, il n'y aurait pas de durée ; sans l'espace, il n'y aurait pas d'étendue. Le temps et l'espace contiennent dans leur ample sein toutes les existences finies et ils ne sont contenus dans aucune. Toutes les choses créées sont situées dans l'espace, et elles ont aussi leur moment dans le temps; mais le temps est partout, et l'espace est aussi ancien que le temps. >> Après avoir réfuté le condillacisme dans sa partie psychologique, dans la manière dont il explique

les opérations de l'âme, M. Royer-Collard l'attaque avec une autorité toute sacerdotale relativement à ses résultats moraux. C'est là que sous la forme philosophique il mit en relief toute la vérité de l'enseignement chrétien, les devoirs et la responsabilité de l'homme, l'âme immatérielle et immortelle, la vie à venir, la justice et la bonté du Créateur, toutes ces grandes doctrines qu'il transporta depuis dans la politique aux applaudissements de la France entière.

En dehors du monde spécialement religieux, aucun philosophe n'a montré plus d'amour pour la vérité que M. Royer-Collard; il n'a fait que passer, mais il a laissé une trace lumineuse qui éclaire encore aujourd'hui.

Un jeune homme, dont le nom est devenu célèbre, assistait aux leçons de l'illustre professeur avec un recueillement profond et une avidité de science bien rare. C'était l'élève de prédilection de M. Royer-Collard, et cet élève était appelé à continuer le mouvement moral imprimé par son maitre; il est devenu lui-même un maitre illustre qui compte aujourd'hui des élèves nombreux et enthousiastes; cet élève est M. Victor Cousin, que nous voyons avec douleur enseveli dans les honneurs administratifs.

Un caractère bien remarquable (et qui cependant a son danger) de l'esprit de M. Cousin, c'est qu'il se passionne pour l'école qu'il étudie. Ainsi, après avoir suivi les traces de M. Royer-Collard dans son Exposition de la philosophie écossaise, il s'est mis à explo

rer l'Allemagne, et alors il s'est fait kantiste jusqu'à adopter le langage de cette école. Ces mots germains dont M. Cousin parsemait ses leçons, ont éloigné de lui beaucoup de lecteurs. On ne saurait trop recommander aux écrivains philosophiques de se mettre autant que possible à la portée de chacun; souvent on éloigne par un mot des esprits qui se seraient laissé pénétrer par un langage plus ordinaire.

M. Cousin divise la psychologie en trois points : LA LIBERTÉ, LA RAISON et LA SENSIBILITÉ. L'école catholique dit intelligence, amour, liberté. Il y a identité presque complète. Ce qu'il y a d'important dans la psychologie de M. Cousin, c'est l'immense rôle qu'il fait jouer à la volonté, qu'il regarde comme le principe et l'essence de la personnalité. On ne pouvait combattre avec une arme plus terrible l'école sensualiste qui expirait.

Nous ne pouvons entrer dans tous les détails du travail de M. Cousin sur la psychologie; cette étude ne conviendrait qu'à un livre spécialement consacré à la philosophie; nous aborderons des questions d'un intérêt plus général, dans ce sens qu'elles sont à la portée de plus d'intelligences. Arrivant aux théories religieuses, M. Cousin s'exprime E ainsi :

« Le Dieu de la conscience n'est pas un Dieu abstrait, un roi solitaire relégué par delà la création sur le trône d'une éternité silencieuse et d'une existence absolue, qui ressemble au néant même

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