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X.

ce qu'ils préviennent ou empêchent CHAP. de plus grands maux. Il y a d'autres maux qui font tels feulement par leur établiffement, & qui étant dans leur origine un abus ou un mauvais usage, font moins pernicieux dans leurs fuites & dans la pratique, qu'une loi plus jufte, ou une coutume plus raifonnable. L'on voit une efpéce de maux que l'on peut corriger par le changement ou la nouveauté, qui eft un mal, & fort dangereux. Il y en a d'autres cachés & enfoncés comme des ordures dans un cloaque, je veux dire enfevelis fous la honte, fous le fecret & dans l'obfcurité : on ne peut les fouiller & les remuer, qu'ils n'exhalent le poifon & l'infamie : les plus fages doutent quelquefois s'il eft mieux de connoître ces maux, que de les ignorer. L'on tolere quelquefois dans un Etat un affez grand mal, mais qui détourne un million de petits maux, ou d'inconvéniens qui tous feroient inévitables & irremédiables. Il fe trouve des maux dont chaque Particulier gémit, & qui deviennent néanmoins un bien public, quoique le Public ne foit autre chofe que tous les Particu

Du Sou

liers. Il y a des maux perfonnels, qui verain, concourent au bien & à l'avantage de chaque famille. Il y en a qui affligent, ruinent ou deshonorent les familles, mais qui tendent au bien & à la confervation de la machine de l'Etat & du Gouvernement. D'autres maux renverfent des Etats; & fur leurs ruïnes en élevent de nouveaux. On en a vû enfin qui ont fappé par les fon- demens de grands Empires, & qui les ont fait évanouir de deffus la terre, pour varier & renouveller la face de l'Univers.

* Qu'importe à l'Etat qu'Ergafte foit riche, qu'il ait des chiens qui arrê tent bien, qu'il crée des modes fur les équipages & fur les habits, qu'il abonde en fuperfluités ? Où il s'agit de l'intérêt & des commodités de tout le Public, le Particulier cft il compté ? La confolation des peuples dans les chofes qui lui pefent un peu, eft de favoir qu'ils foulagent le Prince, ou qu'ils n'enrichiffent que lui: ils ne fe croyent point redevables à Ergafte de l'embelliffement de fa fortune.

*La guerre a pour elle l'antiquité, elle a été dans tous les fiécles: on l'a

tou

X,

toujours vûe remplir le monde de CHAP. veuves & d'orphelins, épuifer les familles d'héritiers, & faire périr les freres à une même bataille. Jeune SOYECOUR! je regrette ta vertu, ta pudeur, ton efprit déja mûr, pénétrant, élevé, fociable: je plains cette mort prématurée qui te joint à ton intrépide frere, & t'enleve à une Cour où tu n'as fait que te montrer : malheur déplorable, mais ordinaire! De tout tems les hommes pour quelque morceau de terre de plus ou de moins font convenus entr'eux de fe dépouiller, fe brûler, fe tuer, s'égorger les uns les autres ; & pour le faire plus ingénieusement & avec plus de fûreté, ils ont inventé de belles régles qu'on appelle l'Art militaire: ils ont attaché à la pratique de ces règles la gloire, ou la plus folide réputation ; & ils ont depuis encheri de fiécle en fiécle fur la maniere de fe détruire réciproque-. ment. De l'injustice des premiers hommes comme de fon unique fource est venue la guerre, ainfi que la néceffité

où. ils fe font trouvés de fe donner des maîtres qui fixaffent leurs droits & leurs prétentions. Si content du fien,

on

Du Sou

on eût pû s'abftenir du bien de ses voiverain. fins, on avoit pour toujours la paix & la liberté.

*Le peuple paifible dans fes foyers, au milieu des fiens, & dans le fein d'une grande Ville où il n'a rien à craindre ni pour les biens ni pour fa vie, refpire le feu & le fang, s'occupe de guerres, de ruïnes, d'embrafemens & de maffacres, fouffre impatiemment que des Armées qui tiennent la campagne, ne viennent point à fe rencontrer, ou fi elles font une fois en préfence, qu'elles ne combattent point, ou fi elles fe mêlent, que le combat ne foit pas fanglant, & qu'il y ait moins de dix mille hommes fur la place. Il va même souvent jufques à oublier fes intérêts les plus chers, le repos & la fûreté, par l'amour qu'il a pour le changement, & par le goût de la nouveauté, ou des chofes extraordinaires. Quelques-uns confentiroient à voir une autre fois les ennemis aux portes de Dijon ou de Corbie, à voir tendre des chaînes, & faire des barricades, pour le feul plaifir d'en dire, ou d'en apprendre la

nouvelle.

* Demo

* Demophile à ma droite se lamente & s'écrie, tout eft perdu, c'est fait de l'Etat, il eft du moins fur le penchant de fa ruine. Comment résister à une fi forte & fi générale conjuration? quel moyen, je ne dis pas d'être fupérieur, mais de fuffire feul à tant & de fi puiffans ennemis ? cela eft fans exemple dans la Monarchie. Un Héros, un ACHILLE y fuccomberoit. Y On a fait, ajoute-t-il, de lourdes fautes; je fai bien ce que je dis, je fuis du métier, j'ai vû la guerre ; & l'Hiftoire m'en a beaucoup appris. I parle là-deffus avec admiration d'Olivier le Daim & de Jacques Coeur : c'étoient là des hommes, dit-il, c'étoient des Miniftres. Il débite fes nouvelles, qui font toutes les plus triftes & les plus défavantageufes que l'on pourroit feindre tantôt un parti des nôtres a été attiré dans une embuscade, & taillé en piéces tantôt quelques troupes renfermées dans un Château fe font rendues aux ennemis à difcretion & ont paffé par le fil de l'épée; & fi vous lui dites que ce bruit eft faux & qu'il ne fe confirme point, il ne vous écoute pas il ajoute qu'un tel Général a

été

СНАРЯ

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