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FRENCH.

I.

Après le sacrifice, nous faisions un festin champêtre; nos plus doux mets étaient le lait de nos chèvres et de nos brebis, que nous avions soin de traire nous-mêmes, avec les fruits fraîchement cueillis de nos propres mains, tels que les dattes, les figues, et les raisins: nos siéges étaient les gazons; nos arbres touffus nous donnaient une ombre plus agréable que les lambris dorés des palais des rois.

II.

On croyait entendre gronder le canon. Nous écoutions en marchant de quel côté le combat s'engageait. Mais à l'exception de quelques troupes de Cosaks, ce jour-là, comme les suivants, le ciel seul se montra notre ennemi. En effet, à peine l'Empereur avait-il passé le fleuve qu'un bruit sourd avait agité l'air. Bientôt le jour s'obscurcit, le vent s'éleva et nous apporta les sinistres roulements du tonnerre. Ce ciel menaçant, cette terre sans abri nous attrista. Quelques-uns même, naguère enthousiastes, en furent effrayés comme d'un funeste présage. Ils crurent que ces nuées enflammées s'amoncelaient sur nos têtes et s'abaissaient sur cette terre pour nous en défendre l'entrée.

III.

Voilà, me dit l'esclave, le bois de Teuteberg et le camp de Varus. La pyramide de terre que vous apercevez au milieu est la tombe où Germanicus fit renfermer les restes des légions massacrées. Mais elle a été rouverte par les barbares; les os des Romains ont été de nouveau semés sur

B

la terre, comme l'attestent ces crânes blanchis, cloués aux troncs des arbres. Un peu plus loin vous pouvez remarquer les autels sur lesquels on égorgea les centurions des premières compagnies, et le tribunal de gazon d'où Arminius harangua les Germains.

IV.

Le bon Hollandais mourut dans mes bras; je pris, à sa prière, et son nom et son commerce: le ciel a béni ma fortune, je ne puis être plus heureux, je suis estimé: voici votre sœur bien établie; votre beau-frère remplit avec honneur une des premières places dans la robe. Pour vous, mon fils, vous serez digne de moi et de vos aïeux ; j'ai déjà remis dans notre famille tous les biens que la nécessité de servir le prince avait fait sortir des mains de vos ancêtres ; ils seront à vous ces biens; et, si vous pensez que j'aie fait par le commerce une tache à leur nom, c'est à vous de l'effacer; mais dans un siècle aussi éclairé que celui-ci, ce qui peut procurer la noblesse n'est pas capable de l'ôter.

V.

Depuis ce lieu, le bateau, remontant le fleuve, était tiré par des chevaux. La voyageuse éprouva dans ce dernier trajet un accident qui lui fit courir les plus grands dangers. Pendant un de ces violents orages qui sont très fréquents dans ces contrées, les bateliers, voulant éloigner la barque du rivage, poussèrent avec force une grande rame, qui servait de gouvernail, du côté où plusieurs personnes étaient assises sur le bord du bateau, et n'eurent plus le temps de la retirer : trois passagers, au nombre desquels était Prascovie, furent renversés dans le fleuve.

VI.

Télémaque, voyant qu'on lui avait destiné une tunique d'une laine fine, dont la blancheur effaçait celle de la neige, et une robe de pourpre avec une broderie d'or, prit le plaisir qui est naturel à un jeune homme, en considérant cette magnificence.

Mentor lui dit d'un ton grave: Est-ce donc là, ô Télémaque! les pensées qui doivent occuper le cœur du fils d'Ulysse? Songez plutôt à soutenir la réputation de votre père et à vaincre la fortune qui vous persécute. Un jeune homme, qui aime à se parer vainement comme une femme, est indigne de la sagesse et de la gloire : la gloire n'est due qu'à un cœur qui sait souffrir la peine et fouler aux pieds les plaisirs.

VII.

Annibal me paraît avoir été le plus grand capitaine de l'antiquité : si ce n'est pas celui que l'on aime le mieux, c'est celui qui étonne davantage. Il n'eut ni l'héroïsme d'Alexandre ni les talents universels de César: mais il les surpassa l'un et l'autre comme homme de guerre. Pendant seize années il fait la guerre sans secours au sein de l'Italie : pendant seize années il ne lui échappe qu'une de ces fautes qui décident du sort des empires, et qui paraissent si étrangères à la nature d'un grand homme, qu'on peut les attribuer raisonnablement à un dessein de la Providence.

VIII.

Le roi de Bohéme, vieux et aveugle, se tenait pourtant à cheval parmi ses chevaliers. Quand ils lui dirent ce qui se passait, il jugea bien que la bataille était perdue. Ce brave prince qui avait passé sa vie dans la domesticité de la maison de France, et qui avait du bien au royaume, donna l'exemple comme vassal et comme chevalier. Il dit aux siens: "Je vous prie et requiers très spécialement que vous me meniez si avant que je puisse frapper un coup d'épée.” Ils lui obéirent, lièrent leurs chevaux au sien, et tous se lancèrent à l'aveugle dans la bataille. On les retrouva le lendemain gisant autour de leur maître, et liés encore.

IX.

Le prince d'Orange n'était rien autre chose qu'un particulier illustre, qui jouissait à peine de cinq cent mille florins de rente; mais telle était sa politique heureuse, que l'argent,

la flotte, les cœurs des Etats-généraux étaient à lui. Il était roi véritablement en Hollande par sa conduite habile, et Jacques cessait de l'être en Angleterre par sa précipitation. On publia d'abord que cet armement était destiné contre la France. Le secret fut gardé par plus de deux cents personnes. Barillon, ambassadeur de France à Londres, fut trompé le premier. Louis XIV. ne le fut pas; il offrit des secours à son allié, qui les refusa d'abord avec sécurité, et qui les demanda ensuite, lorsqu'il n'était plus temps, et que la flotte du prince, son gendre, était à la voile. Tout lui manqua à la fois, comme il se manqua à lui-même.

X.

En arrivant à Paris, Georges conduisit ses amis dans un logement qu'il avait déjà occupé chez de bonnes gens qui, moyennant un modique salaire, lui louaient une petite chambre dans laquelle il déposait ses marchandises. Par malheur, cette fois il ne retrouva plus les mêmes personnes, et l'exigence de celles qui les avaient remplacées le forcèrent à changer de système. Ce ne fut point à Paris qu'il résolut alors de s'établir, mais à l'une de ses portes où tout lui parut devoir être moins dispendieux. A Neuilly un petit logement se trouvait vacant; une vieille femme désirant rendre un peu plus productive son étroite maison s'était retirée dans un petit rez-de-chaussée, et, après avoir meublé du plus nécessaire la seule pièce au premier étage qui, avec celles qu'elle occupait dans le bas, composait sa propriété, elle consentit à y recevoir nos jeunes gens pour une légère rétribution. Nos petits amis s'installèrent donc dans leur nouveau local.

XI.

L'officier avait bien deviné la manœuvre de ces voleurs ; ils avaient compris qu'ils étaient découverts, que leurs camarades avaient été faits prisonniers, et qu'ils espéraient qu'à la faveur de l'incendie et des efforts des gendarmes pour l'éteindre, ils pourraient s'échapper et reprendre leurs amis. Nous vîmes bientôt les six voleurs restants et leur capitaine

sortir avec précipitation hors de l'entrée masquée par les broussailles; trois gendarmes seulement se trouvaient à ce poste; ils tirèrent chacun leur coup de carabine avant que les voleurs eussent eu le temps de faire usage de leurs armes. Deux voleurs tombèrent ; un troisième laissa échapper son pistolet il avait le bras cassé. Mais les trois derniers et leur capitaine s'élancèrent avec fureur sur les gendarmes, qui, le sabre d'une main, le pistolet de l'autre, se battirent comme des lions.

XII.

Comme ils cheminaient ensemble, le hérisson dit à sa femme: "Fais bien attention à ce que je vais te dire. Nous allons courir dans cette grande pièce de terre que tu vois. Le lièvre court dans un sillon et moi dans l'autre, nous partirons de là-bas. Tu n'as qu'à te tenir cachée dans le sillon, et, quand le lièvre arrivera près de toi, tu te montreras à lui en criant: Me voilà ! "

Tout en disant cela, ils étaient arrivés ; le hérisson marqua à sa femme la place qu'elle devait tenir et il remonta le champ. Quand il fut au bout, il y trouva le lièvre, qui lui dit: 66 Allons-nous courir ?

-Sans doute, reprit le hérisson.

-En route donc."

Et chacun se plaça dans son sillon. Le lièvre dit : “Une, deux, trois!" et partit comme un tourbillon, arpentant le terrain. Le hérisson fit trois pas à peu près, puis se tapit dans le sillon et y demeura coi.

Quand le lièvre fut arrivé à de grandes enjambées au bout de la pièce de terre, la femme du hérisson lui cria : “Me voilà!” Le lièvre fut tout étonné et s'émerveilla fort. Il croyait bien entendre le hérisson lui-même, car la femme ressemblait parfaitement à son mari.

Et

Le lièvre cria: "Recommençons; encore une course." il courut encore, partant ainsi qu'un tourbillon, si bien que ses oreilles volaient au vent. La femme du hérisson ne bougea pas de sa place. Quand le lièvre arriva à l'autre

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