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SAINT-GERMAIN.

TYPOGRAPHIE DE L. TOINON ET C

80, RUE DE PARIS

GERMANIQUE ET FRANÇAISE

TOME VINGT-SEPTIÈME

PARIS

BUREAUX DE LA REVUE GERMANIQUE ET FRANÇAISE

10, RUE DU FAUBOURG-MONTMARTRE

1863

DE LA LIBERTÉ ET DU PROGRES

A PROPOS DES ANCIENS ET DES MODERNES

Du Progrès intellectuel dans l'humanité: Supériorité des arts modernes sur les arts anciens, par E. VERON. Paris, Guillaumin et Cie, 1862. 1 fort vol. in-8° de xxxiv, 605 p.

Aucune découverte ne peut nous inspirer plus de confiance dans la justesse de nos jugements et dans la légitimité de nos espérances, relativement au temps où nous vivons, que celle d'une analogie essentielle entre les grands mouvements de l'humanité en marche vers le progrès et la direction contemporaine qu'on croit la meilleure, celle où l'on aime à marcher soi-même et où l'on voudrait voir marcher les autres. Ce qui n'était que vraisemblable devient en quelque sorte absolument certain et l'on échappe au doute, si facilement engendré par les études historiques, qui consiste à se demander à chaque instant si l'on n'est pas la dupe d'une illusion particulière à une époque et à un pays.

Dans le moment actuel, la grande question, en France, est celle de la liberté. Les dernières élections l'ont posée avec un éclat et un sérieux incontestables. Ce qui les caractérise au plus haut degré, ce n'est ni la grande majorité obtenue par le gouvernement, ni les échecs très-sensibles que lui ont infligés plusieurs grands centres et en tout premier lieu Paris, bien que tout esprit impartial doive tenir grand compte de ces deux signes de la situation: c'est le fait que les candidats de l'opposition n'ont triomphé, que la plupart des candidats officiels n'ont passé

qu'après avoir hautement déclaré leurs sympathies pour la liberté. Les cléricaux eux-mêmes ont fait chorus. Il paraît donc que, sur tous les points du territoire, les hommes intelligents, les plus intéressés à prêter l'oreille au ton vrai de l'opinion et à se mettre, autant que possible, à son diapason, il paraît, dis-je, qu'ils ont un peu partout entendu résonner cette fibre libérale que l'on croyait naguère engourdie pour longtemps, si ce n'est pour toujours.

Donc, la liberté nous redevient chère. Mais la question libérale se présente-t-elle tout à fait de la même manière qu'elle s'offrit à nos pères? N'y aurait-il pas lieu de préciser la notion, les conditions, les conséquences de la liberté avec un peu plus de rigueur qu'ils ne l'ont fait? Y a-t-il, oui ou non, solidarité entre la liberté et le progrès? Tels sont les points que nous désirons soumettre à nos lecteurs à l'occasion de l'ouvrage dont nous annonçons le titre en tête de cet article.

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I

Nous sommes revenus au temps des Perrault et des La Motte et nous verrons encore rompre des lances pour et contre les anciens et les modernes voilà ce qu'on serait tenté de croire à la vue du titre que M. E. Véron a donné à son livre. Il suffit toutefois d'en lire quelques pages pour savoir que le passé ne revient jamais, et, en particulier, pour avoir une idée du chemin que nous avons fait en critique littéraire depuis les jours de naïveté pédante où Mme Dacier expliquait si doctement pourquoi le premier chant de l'Iliade ne compte pas une seule comparaison 1. Ce n'est ni plus ni moins qu'une histoire philosophique de l'esprit humain que M. Véron a entreprise, et le titre n'est que la conclusion de la première partie contenue dans le volume que nous indiquons. L'auteur a donc eu le courage de tenter la réalisation d'un programme qui s'impose depuis quelques années à la philosophie sérieuse, celui d'une refonte de la psychologie, refonte opérée, non pas en réexaminant pour la millième fois l'âme de Platon, d'un ou deux éclectiques et la sienne, mais en prenant pour objet de l'exa

' Il vaut la peine de rappeler cette explication qui peint à elle seule le temps et ses idées en matière d'antiquité. « Cela prouve, » observe courageusement la savante dame, qu'Ho» mère a cru que les commencements d'un poëme épique ne sauraient être trop simples, et ⚫ que les grandes figures ne sont de saison qu'après que le fait est bien exposé et le lecteur bien instruit. Ce souci du vieux rhapsode à l'endroit des qualités qui font le bon poëme épique était déjà de toute force; mais que dire de ce lecteur qui arrive en serre-file?

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