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LE CABINET COULEUR D'OR,

OU

LE COTÉ COMIQUE

D'UNE MAISON D'ASSURANCE A VIE.

«L'usure est la fille aînée de l'avarice; elle en a toute la laideur.»>

L'esprit inépuisable d'invention, depuis plus d'un quart de siècle, semblait n'avoir plus aucun progrès à faire,surtout sous le rapport des assurances ; le bâtiment qui partait pour les Indes orientales était assuré, les maisons, les moissons, tous les genres de valeurs et de propriétés étaient garanties, soit contre l'incendie ou tout autre désastre ; on prétend même qu'il existe des entrepreneurs

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de mariages, qui assurent la fleur de la virginité aux épouseurs qui en sont jaloux, mais après tant de précieuses découvertes, il manquait au répertoire immense des bigarrures de l'esprit humain, l'administration légale de l'ASSURance a VIE. Le jour que le prospectus en fut placardé dans Paris, plus d'un gobemouche, tout joyeux de l'idée, ne saisissant pas son vrai sens se crut immortel, ou, pour le moins persuadé de vivre un bon siècle, moyennant une légère remise. « Parbleu! dit-il à sa femme, en se frottant les mains, me voilà solide maintenant sur mes jambes! Que les fluxions de poitrine viennent, escortées de la goutte, de la gravelle et de la pleurésie, je m'en mocque, je les nargue, je m'en bats l'œil; voilà de braves gens, qui, inspirés des sentimens de la plus belle philantropie, assurent la vie des

hommes, et on n'aura plus rien à redouter des caprices de la déesse camarde, avec sa vilaine faulx... » Mais expliquetoi donc, mon ami, avec ta déesse camarde et ta pleurésie, reprit sa femme?

Comment, tu ne m'entends pas! Eh bien! oui, des administrateurs généreux et compâtissans, touchés de la brièveté de la vie et des boutades de la mort, ont formé une ligue formidable contre elle, et l'homme ne mourra plus....., que quand, du moins, il sera las de vivre. Ah bah tu badines; tu as mal lu, tu as mal compris, sans doute : en effet, un ami entra et expliqua le fait. Faisons de même pour le lecteur qui l'ignore

En remontant aux causes, qui sont d'abord un luxe inconsidéré dans toutes les classes, ensuite un amour désordonné de jouir par anticipation; c'est, somme le dit le peuple, manger son

bled en herbe. Après avoir aliéné un champ patrimonial, un bien sacré, pour que madame ait des plumes, et monsieur, cabriolet, tel dissipateur, avide de s'enivrer de toutes les folies de la vie épicurienne de la capitale, vendra et cédera par réméré une rente viagère de mille écus, par exemple. L'acquéreur, homme rusé, qui fait toujours le délicat et le difficile, et n'accepte l'opération absolument

que pour vous obliger, vous fait raconter l'historique de toute votre vie, s'assure de la vigueur de vos poumons, et bien instruit du systême des probabi lités, vous accorde en général la faveur de cinq ans de vie, si vous n'avez que trente ans, et si, surtout, vous êtes doué d'une forte constitution. Quant aux femmes, l'honnête usurier se convainc bien par son extrait de baptême, si celle qui veut traiter a de 45 à 47 ans, et si

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elle a passé le temps critique, car à l'âge de 40 ans il refuserait toutes propositions: il s'informe également de son genre de vie, lui recommande bien de ne pas s'engager dans un procès, dans la passion des cartes, du théâtre, habitudes pernicieuses qui font veiller et altèrent singulièrement la santé. Car voulez-vous avoir en ce monde plaisant, quelqu'un qui prenne un véritable intérêt à votre santé ? vous n'avez qu'à lui négocier par réméré, une rente viagère; quel sentiment tendre vous ferez naître alors dans son cœur ce sera absolument la situation du mandarin Hoang-Pouf, petite piéce fort drôle de la porte St.-Mar:in: Dupe d'un statagême, un prétendu nécromancien lui fait accroire que son étoile est commune à son rival préféré; ainsi, tout le mal qu'il lui ferait, retomberait sur sa tête; IIoang-Pouf se met, donc à

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