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vages sembloient adoucis dans ce moment par la douleur. Il s'avança, et dit:

Romains, la peste a désolé nos climats. On dit qu'elle avoit parcouru l'univers, et qu'elle étoit venue des frontières des Parthes jusqu'à nous. La mort étoit dans nos cabanes: elle nous poursuivoit dans nos forêts. Nous ne pouvions plus ni chasser, ni combattre: tout périssoit. J'éprouvai moimême ce fléau terrible, et je ne soutenois plus le poids de mes armes. Dans cette désolation nous avons invoqué Marc-Aurèle: Marc-Aurèle a été notre Dieu conservateur. Il approcha, posa sa massue sur la tombe, et dit: J'apporte à ta cendre l'hommage de vingt nations que tu as sauvées. Vous entendez, Romains, reprit Apollonius, ses soins s'étendoient sur toutes les parties du monde. Dans l'espace de vingt ans la terre éprouva tous les fléaux 12); mais la nature avoit donné Marc-Aurèle à la terre.

Et ce grand homme a eu des ennemis! Faut-il donc, est-ce un arrêt éternel que la vertu jamais ne puisse désarmer la haine? Romains, vos meilleurs empereurs ont vu les poignards aiguisés contr'eux. Nerva s'est vu attaqué dans son palais. On a conspiré contre Titus. Antonin et Trajan ont été obligés de pardonner à des conjurés; et Marc-Aurèle, oui Marc-Aurèle a combattu pour sa vie! Déjà vous pensez à la révolte de Cassius 13), à cet homme fier, audacieux, austère avec fureur, voluptueux avec emportement, voulant tantôt être Catilina et tantôt Caton, extrême dans ses vertus comme dans ses vices: et le barbare, en se révoltant, prononçoit les mots de vertu et de patrie, et il parloit d'abus, de réforme, de moeurs; car dans tous les temps' le bien public a servi de prétexte au crime: et en opprimant les hommes, on les a entretenus du bonheur de l'état.

Je voudrois pouvoir mettre ici sous vos yeux ces temps de vos annales où vos tyrans découvroient une conspiration, ou triomphoient d'une révolte. Vous vous en souvenez; la proscription étoit un droit; la raison d'état justifioit le meurtre; nul citoyen n'étoit innocent dès qu'il avoit connu un coupable; les plus doux sentimens de la nature passoient pour crime; on épioit la larme secrète qui s'échappoit de l'oeil d'un ami sur le cadavre de son ami; et la mère étoit traînée au supplice pour avoir pleuré la mort de son fils. Il faut rappeler de temps en temps ces crimes à la terre, pour que les princes, par l'excès de leurs vengeances, apprennent à redouter l'excès de leur pouvoir. Voici maintenant la conduite de Marc-Aurèle. On lui porte la tête de l'usurpation qui a péri par la main de ses complices; il détourne les yeux, et ordonne que ces tristes restes soient inhumés avec honneur. Maître des révoltés, il leur pardonne; il sauve la vie à tous ceux qui avoient voulu lui ravir l'empire. Que dis-je? il devient leur protecteur: le sénat veut venger son prince; il implore auprès du sénat la grâce de ses ennemis. Je vous conjure au nom des Dieux de ne pas verser de sang; que les exilés reviennent; qu'on rende les biens à ceux qu'on à dépouillés; et

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12) Das römische Reich wurde in der That während der Regierung des Marcus Aurelius von manchen Plagen, besonders pestartigen Krankheiten und Erdbeben, heimgesucht. 13) Avidius Cassius hatte in Syrien einen Aufstand erregt.

Vous ne

plût au ciel, ajouta -t-il, que je pusse ouvrir les tombeaux!" vous étonnez donc pas, Romains, si la famille même de Cassius, qui dans d'autres temps n'eût attendu que la proscription et la mort, a recouvré tout l'éclat de son ancienne fortune. Tournez les yeux de ce côté.

Le peuple regarda. Il vit à la porte d'un palais une femme d'une figure noble, et dont la beauté n'étoit point encore effacée par l'âge. Elle étoit près d'un portique, un peu élevée au-dessus de la foule, la tête à-demi couverte d'un voile. Autour d'elle on voyoit des enfans de différens âges; c'étoient la femme et les enfans de Cassius. Trop loin de la foule, ils ne pouvoient entendre ce que disoit le philosophe; mais ils regardoient ce grand spectacle. Quelquefois la mère fixoit des yeux attendris sur les enfans, puis tout-à-coup tendant les bras vers la tombe, sembloit remercier Marc-Aurèle de les lui avoir conservés.

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Peuple, dit Apollonius, voilà les témoins de sa clémence. Après avoir tout pacifié dans Rome, il marche en Asie pour raffermir les provinces ébranlées: il va montrer partout ce maître bienfaisant, ce prince philosophe, dont quelques villes coupables avoient osé méconnoître l'empire. On lui présente les papiers des rebelles; il les brûle sans les lire. Je ne veux pas, dit-il, être forcé de haïr. Tout tombe à ses pieds; il pardonne aux villes et aux provinces; les rois de l'Orient viennent lui rendre hommage; il maintient ou rétablit la paix, et fait partout admirer cette philosophie digne du trône. Enfin, après huit ans, il reparut sur les bords du Tibre: avec quels transports il fut reçu! Jamais tant de vertus ensemble n'avoient paru dans Rome: il unissoit aux lumières d'Adrien l'âme de Titus: il avoit gouverné comme Auguste, combattu comme Trajan, pardonné comme Antonin; le peuple étoit heureux; le sénat étoit grand; ses ennemis mêmes l'adoroient; les guerres étrangères étoient terminées par la victoire, la guerre civile par la clémence; du Danube à l'Euphrate, et du Nil à la Grande-Bretagne, les troubles avoient cessé; tout étoit calme; l'Europe, l'Asie et l'Afrique reposoient en paix. Alors il triompha pour la seconde fois. Les hommes de toutes les nations et les ambassadeurs de tous les rois relevoient cette pompe; le sang des victimes couloit dans tous les peuples; l'encens fumoit sur tous les autels: le peuple entouroit à grands cris ses statues et les ornoit de fleurs; tout retentissoit d'acclamations; et lui au milieu de tant d'éclat, dans la marche du triomphe, tranquille et sans faste, jouissoit en silence de la félicité et de Rome et de l'Empire, et du haut du Capitole sembloit jeter un oeil serein sur l'univers. Qui de vous, Romains, ne faisoit alors des voeux pour que ce grand homme fût immortel, ou que les Dieux lui accordassent du moins une longue vieillesse? Quoi! les âmes bienfaisantes sont si rares, et la terre en jouit si peu! Quoi! les maux nous environnent, ils nous assiégent, et lorsqu'il s'élève un prince dont l'unique soin est de les adoucir, quand le genre humain flétri par l'infortune, se relève et commence retrouver le bonheur, l'appui qui le soutenoit lui échappe, et avec un homme périt la félicité d'un siècle! Marc-Aurèle resta encore deux ans parmi nous, quand

V

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les ennemis éternels de cet empire 14) le rappelèrent pour la troisième fois au fond de la Germanie. Alors malgré une santé languissante, il retourna aux rives du Danube. C'est au milieu de ces travaux que nous l'avons perdu. Ses derniers momens (j'en ai été témoin et je puis vous en rendre compte), ont été ceux d'un grand homme et d'un sage. La maladie dont il fut attaqué, ne le troubla point. Accoûtumé depuis cinquante ans à méditer sur la nature, il avoit appris à connoître ses lois et à s'y soumettre. Je me souviens qu'un jour il me disoit:,,Apollonius, tout change autour de moi: l'univers d'aujourd'hui n'est plus celui d'hier, et celui de demain ne sera point le même. Parmi tous ces mouvemens, puis-je seul rester immobile? Il faut aussi que le torrent m'entraîne. Tout m'avertit qu'un jour je cesserai d'être. Le sol où je marche a été foulé par des milliers d'hommes qui ont disparu. Les annales des empires, les ruines des villes, les urnes, les statues, qu'est-ce que tout cela que des images de ce qui n'est plus? Ce soleil que tu vois ne luit que sur des tombeaux" Ainsi ce prince philosophe exerçoit d'avance et affermissoit son âme. Quand le dernier terme approcha, il ne fut donc point étonné. Je me sentois élevé par ses discours. Romains, le grand homme mourant a je ne sais quoi d'imposant et d'auguste; il semble qu'à mesure qu'il se détache de la terre, il prend quelque chose de cette nature divine et inconnue qu'il va rejoindre. Je ne touchois ses mains défaillantes qu'avec respect: et le lit funèbre où il attendoit la mort, me sembloit une espèce de sanctuaire. Cependant l'armée étoit consternée; le soldat gémissoit sous ses tentes; la nature ellemême sembloit en deuil; le ciel de la Germanie étoit plus obscur; des tempêtes agitoient la cime des forêts qui environnoient le camp; et ces objets lugubres sembloient ajouter encore à notre désolation. Il voulut quelque temps être seul, soit pour repasser sa vie en présence de l'Être suprême, soit pour méditer encore une fois avant que de mourir. Enfin, il nous fit appeler. Tous les amis de ce grand homme et les principaux de l'armée vinrent se ranger autour de lui. Il étoit pâle, ses yeux presqu'éteints et ses lèvres à-demi glacées. Cependant nous remarquâmes tous une tendre inquiétude sur son visage. Prince, il parut se ranimer un moment pour toi: sa main mourante te présenta à tous ces vieillards qui avoient servi sous lui; il leur recommanda ta jeunesse. „Servez lui de père, leur dit-il: ah! servez-lui de père." Alors il te donna des conseils tels que Marc-Aurèle mourant devoit les donner à son fils: et bientôt après, Rome et l'univers le perdirent.

A ces mots tout le peuple Romain demeura morne et immobile. Apollonius se tut; ses larmes coulèrent. Il se laissa tomber sur le corps de Marc-Aurèle; il le serra long-temps entre ses bras; et se relevant tout-à-coup:

Mais toi qui vas succéder à ce grand homme, ô fils de Marc-Aurèle! ô mon fils! permets ce nom à un vieillard qui t'a vu naître et qui t'a tenu enfant dans ses bras; songe au fardeau que t'ont imposé les Dieux; songe

14) Quaden, Marcomannen und andere.

aux devoirs de celui qui commande, aux droits de ceux qui obéissent. Destiné à régner, il faut que tu sois ou le plus juste ou le plus coupable des hommes: le fils de Marc-Aurèle auroit-il à choisir? On te dira bientôt que tu es tout-puissant; on te trompera; les bornes de ton autorité sont dans la loi. On te dira encore que tu es grand, que tu es adoré de tes peuples. Écoute: quand Néron eut empoisonné son frère, on lui dit qu'il avoit sauvé Rome; quand il eut fait égorger sa femme, on loua devant lui sa justice; quand il eut assassiné sa mère on baisa sa main parricide, et l'on courut aux temples remercier les Dieux. Ne te laisse pas non plus éblouir par les respects. Si tu n'as des vertus, on te rendra des hommages et l'on te haïra. Crois-moi, on n'abuse point les peuples; la justice outragée veille dans tous les coeurs. Maître du monde, tu peux m'ordonner de mourir, mais non de t'estimer. O fils de Marc-Aurèle! pardonne: je te parle au nom des Dieux, au nom de l'univers qui t'est confié; je te parle pour le bonheur des hommes et pour le tien. Non, tu ne seras point insensible à une gloire si pure. Je touche au terme de ma vie; bientôt j'irai rejoindre ton père. Si tu dois être juste, puissé-je vivre encore assez pour contempler tes vertus! Si tu devois un jour...

Tout-à-coup Commode, qui étoit en habit de guerrier, agita sa lance d'une manière terrible. Tous les Romains pâlirent. Apollonius fut frappé des malheurs qai menaçoient Rome. Il ne put achever. Ce vénérable vieillard se voila le visage. La pompe funèbre qui avoit été suspendue, reprit sa marche. Le peuple suivit consterné et dans un profond silence; il venoit d'apprendre que MarcAurèle étoit tout entier dans le tombeau.

DU PA T Y.

CHARLES-MARGUERITE-JEAN-BAPTISTE MERCIER DU PATY, aus einer angesehenen und begüterten Familie, wurde 1744 zu Rochelle geboren. Frühzeitig seines Vaters, der den Titel eines Trésorier de France führte, beraubt, erhielt er unter der Leitung seiner zärtlichen und gebildeten Mutter eine sorgfältige Erziehung. Seine Studien waren auf Litteratur und Rechtswissenschaft gerichtet. Bekannt wurde er zuerst dadurch, dafs er eine Medaille auf Heinrich IV prägen liefs, und die Akademie seiner Vaterstadt veranlafste, die Lobrede auf diesen König zum Gegenstande eines von ihm gegründeten Preises zu machen. Die patriotische Rede, die er bei dieser Gelegenheit in der Akademie hielt, sandte er mit einer poetischen Zueignung an Voltaire, der in seiner Antwort vom 27. März 1769 sagte: Un beau siècle se prépare; vous en serez un des plus rares ornemens; vous ferez servir vos grands talens à écraser le

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fanatisme qui a toujours voulu qu'on le prît pour la religion. Um dieselbe Zeit zum Generaladvokaten beim Parlement von Bordeaux ernannt, zeichnete er sich bald durch Beredsamkeit und einen regen Eifer für die Verbesserung der Criminaljustiz aus. Seine strenge Ge rechtigkeitsliebe zog ihm die Verfolgung des Ministerialdespotis mus zu, der in den letzten Jahren Ludwig's XV Frankreich drückte. Er nahm in mehreren der Regierung überreichten, sehr lebhaften Adressen die Partei der angefochtenen Parlemente, und die Folge davon war, dafs er 1770 in das Staatsgefängnifs PierreEncise bei Lyon gesperrt und bald darauf des Landes verwiesen wurde. Ludwig XVI rehabilitirte ihn nicht blofs bei seiner Thronbesteigung im Jahr 1774, sondern ernannte ihn auch bald darauf zum Président à mortier (S. 239) des Parlements von Bordeaux, nicht ohne vielen Widerspruch von einigen älteren, dem Schlendrian ergebenen Mitgliedern dieses Gerichtshofes. Bekannt mit den groben Mängeln der damaligen Justizverfassung Frankreichs, wovon Jean Calas und so manche andere Unschuldige ein Opfer gewor den sind, machte er sich ein Geschäft daraus, diese Mängel bei aller Gelegenheit aufzudecken und zu rügen. Vorzüglich merk würdig ist ein Mémoire, wodurch er drei unschuldig zum Rade verurtheilte Bürger von Chaumont rettete. Seine Réflexions historiques sur les lois criminelles sind von den Rechtsgelehrten mit gebührendem Lobe aufgenommen worden. Ein weit gröfseres Publikum fanden aber seine Lettres sur l'Italie, écrites en 1785, welche 1788 zum ersten mal zu Paris und nachher häufig gedruckt sind, am correctesten 1824 in 2 Bänden in 12. mit Kupfern, und einer Notice sur la vie et les écrits de l'auteur par Louis Du Bois. Ueber die Schreibart dieser sehr geschätzten Briefe äussert sich Fabien Pillet, der Verfasser des ihn betreffenden Artikels der Biographie universelle, also: Les critiques reprochent à l'auteur du néologisme, de la recherche et un continuel abus d'esprit; mais ils ne peuvent nier que son style n'ait de l'éclat, du mouvement, de l'originalité, et que la plupart de ses pensées ne soient très-fines, très-ingénieuses. On distingue particulièrement dans ses lettres quelques descriptions de tableaux et de monumens, et divers morceaux sur la législation. Wir haben eine gute Uebersetzung dieser Briefe von G. Forster, Mainz 1789, 8. Ausserdem hat man von Du Paty einige Discours académiques und einige poetische Ueber setzungen aus dem Lateinischen und Italiänischen, die mit seinen Briefen gedruckt sind. Er starb in seinen kraftvollsten Jahren den 17. September 1788 zu Paris, wo er die letzten Jahre seines Lebens zugebracht hatte, und hinterliefs unter mehreren Kindern zwei seiner würdige Söhne, von denen sich der älteste Charles (gest. 1825) als Bildhauer und der zweite Emmanuel als Lustspieldichter und als Verfasser des satirischen Gedichts: Les déla teurs, einen berühmten Namen gemacht haben. Man vergleiche den sechsten Band der Biographie nouvelle des Contemporains und den vier

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