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leur excellence: car quelques possessions qu'il ait sur la terre, de quelque santé et commodité essentielle qu'il jouisse, il n'est pas satisfait s'il n'est pas dans l'estime des hommes. Il estime si grand la raison de l'homme, que quelque avantage qu'il ait dans le monde, il se croit malheureux s'il n'est placé aussi avantageusement dans la raison de l'homme. C'est la plus belle place du monde, rien ne le peut détourner de ce désir, et c'est la qualité la plus ineffaçable du coeur de l'homme; jusques-là que ceux qui méprisent le plus les hommes, et qui les égalent aux bêtes, en veulent encore être admirés, et se contredisent à eux-mêmes par leur propre sen timent: leur nature qui est plus forte que toute leur raison, les convainquant plus fortement de la grandeur de l'homme, que la raison ne les convainc de sa bassesse.

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La douceur de la gloire est si grande, qu'à quelque chose qu'on l'attache, même à la mort, on l'aime.

L'orgueil nous tient d'une possession si naturelle au milieu de nos misères et de nos erreurs, que nous perdons même la vie avec joie, pourvu qu'on en parle.

La vanité est si ancrée dans le coeur de l'homme, qu'un goujat, un marmiton, un crocheteur se vante et veut avoir ses admirateurs, et les philosophes mêmes en veulent. Ceux qui écrivent contre la gloire, veulent avoir la gloire, d'avoir bien écrit; et ceux qui le lisent, veulent avoir la gloire de l'avoir lu; et moi, qui écris ceci, j'ai peut-être cette envie, et peut-être que ceux qui le liront, l'auront aussi.

Nous sommes si présomptueux, que nous voudrions être connus de toute la terre, et même des gens qui viendront quand nous n'y serons plus; et nous sommes si vains, que l'estime de cinq ou six personnes qui nous environnent, nous amuse et nous contente.

Que chacun examine sa pensée; il la trouvera toujours occupée au passé et à l'avenir. Nous ne pensons presque point au présent; et si nous y pensons, ce n'est que pour en prendre la lumière pour disposer de l'avenir. Le présent n'est jamais notre but. Le passé et le présent sont nos moyens; le seul avenir est notre objet. Ainsi nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre; et nous disposant toujours à être heureux, il est indubitable que nous ne le serons jamais, si nous n'aspirons à une autre béatitude qu'à celle dont on peut jouir en cette vie.

Peu de chose nous console, parce que peu de chose nous afflige. Cromwell alloit ravager toute la chétienté: la famille royale étoit perdue, et la sienne à jamais puissante, sans un petit grain de sable qui se mit dans son urètre. Rome même alloit trembler sous lui. Mais ce petit gravier, qui n'étoit rien ailleurs, mis en cet endroit, le voilà mort, sa famille abaissée et le roi rétabli.

Si le nez de Cléopatre eut été plus court, toute la face de la terre auroit changé.

L'esprit du plus grand homme du monde n'est pas si indépendant qu'il ne soit sujet à être troublé par le moindre tintamare qui se fait autour de lui: il ne faut pas le bruit d'un canon pour empêcher ses pensées,

il ne faut que le bruit d'une girouette ou d'une poulie. Ne vous étonnez pas s'il ne raisonne pas bien à présent, une mouche bourdonne à ses oreilles; c'en est assez pour le rendre incapable de bon conseil. Si vous voulez qu'il puisse trouver la vérité, chassez cet animal qui tient sa raison en échec et trouble cette puissante intelligence qui gouverne les villes et les

royaumes.

Les inventions des hommes vont en avançant de siècle en siècle. La bonté et la malice du monde en général reste la même.

Qu'on s'imagine un nombre d'hommes dans les chaînes et tous condamnés à la mort, dont les uns étant chaque jour égorgés à la vue des autres, ceux qui restent voyent leur propre condition dans celle de leurs semblables, et se regardant, les uns les autres, avec douleur et sans espérance, attendent leur tour. C'est l'image de la condition des hommes.

MAXIMES DES JESUITES SUR L'AMBITION, L'ENVIE, LES ÉQUIVOQUES ET LES RESTRICTIONS MENTALES 1).

- Cela est assez commode, mou Père 2). Et n'est-ce pas encore, continua-t-il, une doctrine bien douce pour les avares, de dire, comme fait Escobar 3): Je sais que les riches ne pèchent point mortellement, quand ils ne donnent point l'aumône de leur superflu dans les grandes nécessités des pauvres? En vérité, lui dis-je, si cela est, je vois bien que je ne me connois guères en péchés. Pour vous le montrer encore mieux, me dit-il, ne pensez-vous pas que la bonne opinion de soi-même, et la complaisance qu'on a pour ses ouvrages, est un péché des plus dangereux? Et ne serez-vous pas bien surpris, si je vous fais voir, qu'encore même que cette bonne opinion soit sans fondement, c'est si peu un péché, que c'est au contraire un don de Dieu? Est-il possible, mon Père? Oui, dit-il, et c'est ce que nous a appris notre grand Père Garasse 4) dans son livre françois intitulé: Somme des vérités capitales de la Religion. C'est en effet, dit-il, de la justice commutative, que tout travail honnête soit récompensé ou de louange ou de satisfaction. Quand les bons esz prits font un ouvrage excellent, ils sont justement récompensés par les louanges publiques. Mais quand un pauvre esprit travaille beaucoup pour ne rien faire qui vaille, et qu'il ne peut ainsi obtenir des louanges publiques, afin que son travail ne demeure sans récompense, Dieu lui en donne une satisfaction personnelle, qu'on ne peut lui

1) Lettre IX. 2) Wir erinnern bei diesem Bruchstück, dafs Pascal vorgiebt, als unterrichte ihn ein Jesuit in der berüchtigten Moral seines Ordens. Kurz vorher war die Rede davon gewesen, wie man auf jesuitische Art mit leichter Mühe andächtig sein könne. 3) Pascal meint den spanischen Jesuiten Anton Escobar mit dem Beinamen Mendoza, gestorben 1669 im 80sten Jahre seines Alters. Man hat von ihm mehrere theologische und moralische Schriften, als Théologie morale, Lyon 1663, 7 Vol. fol. etc., in welchen seine laxen, von Pascal verspotteten, moralischen Vorschriften und seine erbürmliche Kasuisterei enthalten sind. 4) François Garasse, geb. zu Angoulème 1585, gest. 1631, ein Jesuit, der vielerlei geschrieben hat.

envier sans une injustice plus que barbare. C'est ainsi que Dieu, qui est juste, donne aux grenouilles de la satisfaction de leur chant.

Voilà, lui dis-je, de belles décisions en faveur de la vanité, de l'ambition et de l'avarice. Et l'envie, mon Père, sera-t-elle plus difficile à excuser? Ceci est délicat, dit le Père. Il faut user de la distinction du Père Bauny 5) dans sa Somme des péchés. Car son sentiment est, que l'envie du bien spirituel du prochain est mortelle, mais que l'envie du bien temporel n'est que vénielle. Et par quelle raison, mon Père? Écoutezla, me dit-il. Car le bien qui se trouve és choses temporelles, est si mince et de si peu de conséquence pour le ciel, qu'il est de nulle considération devant Dieu et ses Saints. Mais, mon Père, si ce bien est si mince et de si petite considération, comment permettez-vous de tuer les hommes pour le conserver? Vous prenez mal les choses, dit le Père: on vous dit que le bien est de nulle considération devant Dieu, mais non pas devant les hommes.

Je veux maintenant vous parler des facilités que nous avons apportées pour faire éviter les péchés dans les conversations et dans les intrigues du monde. Une chose des plus embarrassantes qui s'y trouve, est d'éviter le mensonge, et sur-tout quand on voudroit bien faire accroire une chose fausse. C'est à quoi sert admirablement notre doctrine des équivoques, par laquelle il est permis d'user de termes ambigus, en les faisant entendre dans un autre sens qu'on ne les entend soi-même. Je sais cela, mon Père, lui dis-je. Nous l'avons tant publié, continua-t-il, qu'à la fin tout le monde en est instruit. Mais savez-vous bien comment il faut faire quand on ne trouve point de mots équivoques? Non, mon Père. Je m'en doutois bien, dit-il, cela est nouveau: c'est la doctrine des restric tions mentales. Sanchez la donne 6): On peut jurer, dit-il, qu'on n'a pas fait une chose, quoiqu'on l'ait faite effectivement, en entendant en soi-même qu'on ne l'a pas faite un certain jour, ou avant qu'on fût né, ou en sousentendant quelqu'autre circonstance pareille, sans que les paroles dont on se sert, ayent aucun sens qui le puisse faire .connoître. Et cela est fort commode en beaucoup de rencontres, et toujours très juste quand cela est nécessaire et utile pour la santé, l'honneur ou le bien.

Comment, mon Père, et n'est-ce pas là un mensonge, et même un parjure? Non, dit le Père. Sanchez le prouve au même lieu, et notre Filiutius), parce, dit-il, que c'est l'intention qui règle la qualité de l'action. Et il y donne encore un autre moyen plus sûr d'éviter le mensonge. C'est qu'après avoir dit tout haut, je jure que je n'ai point fait cela, on ajoute tout bas, aujourd'hui: ou qu'après avoir dit tout haut, je jure, on dise tout bas, que je dis, et que l'on continue ensuite tout haut,

5) Bauny, auch ein Jesuit. 6) Thomas Sanchez, geb, zu Cordova 1551, gest. zu Grenada im Jahre 1610. Man hat von diesem Jesuiten mehrere Werke, unter denen viele kasuistisch sind. Pascal citirt in unsrer Stelle den 2ten Theil der Opp. moralia dieses Schriftstellers. 7) Gleichfalls ein Jesuit, dessen mehrmals in den Briefen Pascal's gedacht wird.

que je n'ai point fait cela. Vous voyez bien que c'est dire la vérité. Je l'avoue, lui dis-je, mais nous trouverions peut-être que c'est dire la vérité tout bas, et un mensonge tout haut: outre que je craindrois que bien des gens n'eussent pas assez de présence d'esprit pour se servir de ces méthodes. Nos Pères, dit-il, ont enseigné au même lieu, en faveur de ceux qui ne sauroient pas user de ces restrictions, qu'il leur suffit, pour ne point mentir, de dire simplement qu'ils n'ont point fait ce qu'ils ont fait, pourvu qu'ils ayent en général l'intention de donner à leurs discours le sens qu'un habile homme y donneroit.

Dites la vérité, il vous est arrivé bien des fois d'être embarrassé, manque de cette connoissance? Quelquefois, lui dis-je. Et n'avouerez-vous pas de même, continua-t-il, qu'il seroit souvent bien commode d'être dispensé en conscience de tenir de certaines paroles qu'on donne? Ce seroit, lui dis-je, mon Père, la plus grande commodité du monde! Écoutez donc Éscobar, qui donne cette règle générale: Les promesses n'obligent point, quand on n'a point l'intention de s'obliger en les faisant. Or il n'arrive guères qu'on ait cette intention, à moins qu'on ne les confirme par serment ou par contract: de sorte que quand on dit simplement, je le ferai, on entend qu'on le fera si l'on ne change de volonté; car on ne veut pas se priver par-là de sa liberté. Il en donne d'autres que vous y pouvez voir vous-même, et il dit à la fin, que tout cela est pris de Molina) et de nos autres auteurs, et ainsi on n'en peut pas douter.

O mon Père, lui dis-je, je ne savois pas que la direction d'intention eût la force de rendre les promesses nulles. Vous voyez, dit le Père, que voilà une grande facilité pour le commerce du monde.

ROCHEFOUCAULD.

FRANÇOIS DUC DE LA ROCHEFOUCAULD,

PRINCE DE MARSILLAC, 1613 geboren, gehörte zu den geistreichsten Personen seiner Zeit. Il avoit, sagte Mme de Maintenon, une physionomie heureuse, l'air grand, beaucoup d'esprit et peu de savoir. Seine Jugend brachte er in Kriegsdiensten zu, und fund besonders während der Unruhen der Fronde*), woran er auf Anstiften seiner Freundin,

8) Ludwig Molina, ein 1600 zu Madrid gestorbener Jesuit, der gleichfalls viel geschrieben hat.

*) Anna von Oetreich, Mutter Ludwig's XIV., machte sich aus einer eingeschränkten Formünderin ihres Sohnes zur unumschränkten Regentin, und den Kardinal Mazarin, einen Ausländer, zum Premierminister. Hierüber mifsvergnügt vereinigten sich die Prinzen von Geblüt, Condé, Conti, der Herzog von Longueville und mehrere andere Grofse, nebst einem ansehnlichen Theile des Volks, gegen den Hof, und

der intriganten Herzogin von Longueville, Theil nahm, Gelegenheit, Beweise von Tapferkeit zu geben. In der Schlacht von SaintAntoine (einer Vorstadt von Paris) erhielt er einen Musketenschufs, der ihn auf einige Zeit seines Gesichts beraubte. Nach Beilegung dieser Unruhen lehte er ganz der Freundschaft und den Musen. Sein Haus in Paris war der Sammelplatz der schönen Geister seiner Zeit. So wie er früher der Geliebte der Longueville gewesen war, verband ihn späterhin die innigste Freundschaft mit der berühmten Mme de la Fayette, die von ihm zu sagen pflegte: Il m'a donné de l'esprit, mais j'ai reformé son coeur. Auch Mme de Sevigné, die ihn in ihren Briefen häufig erwähnt, gehörte zu seinen vertrautesten Freundinnen. Er starh, nachdem er lange schmerzlich am Podagra gelitten hatte, den 17. März 1680. Er hatte nie gesucht, Mitglied der französischen Akademie zu werden, weil er, von Natur schüchtern, öffentlich zu reden sich scheute. Man hat von ihm 1) Mémoires de la régence d'Anne d'Autriche, zum erstenmal 1662 und nachher öfters gedruckt, ein mit der Energie des Tacitus entwor fenes Gemälde der gedachten Unruhen. 2) Pensées, maximes et réflexions, eine seit ihrer ersten Erscheinung im Jahr 1665 sehr oft gedruckte Schrift voll feiner und treffender Bemerkungen, die eine innige Bekanntschaft mit dem menschlichen Herzen verrathen, aber den traurigen Satz durchführen, dafs Eigenliebe der einzige Hebel aller menschlichen Handlungen ist *). Sprache besitzt dies berühmte Werk in einer guten Uebersetzung: De la Rochefoucauld's Sätze aus der höhern Welt- und Menschenkunde, Französisch und Deutsch von Friedrich Schulz, Breslau 1798, 8. **) Rochefoucauld's sämmtliche Werke sind 1797 zu Paris unter dem Titel erschienen: Maximes et oeuvres complètes de François Duc de la Rochefoucauld, 2 Bände in 8. bei Didot. Eine neue von Belin 1818 veranstaltete Ausgabe enthält die früher nicht gedruckten Briefe und eine Notiz über das Leben und die Werke des Verfassers von Depping. Die Pensées et Maximes sind unter andern von La Roche 1737, von Suard 1778, vom Abbé Brotier 1789, von Fortia d'Urban 1796, von Bodoni 1812, von Blaise 1813 und von Aimé Martin 1822 herausgegeben worden. Eine schätzbare Abhandlung über ihn, betitelt: Notice sur le caractère et les écrits du Duc de la Rochefoucauld, steht im ersten Theile der Mélanges de Littérature publiés par J. B. Suard, Paris 1803. Auch vergleiche man den ihn hetreffenden Artikel im 38sten Bande der Biographie universelle.

Unsere

die Unruhen brachen auf Veranlassung der durch die Kriege Ludwig's XIII. verursachten Unordnung in den Finanzen in einen Bürgerkrieg aus, der bis 1654 dauerte. Turenne stritt auf Seiten des Hofes gegen die Fronde (so hiefs die Verbindung der Mifsvergnügten) und trieb sie zu Paaren. *) S. besonders Laharpe, Cours de littérature, Tom. VII, p. 253 édit. de Paris, an VII. **) Eine andere Uebersetzung rührt vom Baron von Maltiz her.

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