Page images
PDF
EPUB

droit de vous réclamer et de vous exposer leurs besoins: vos biens sont leurs biens, et vos largesses le seul patrimoine que Dieu leur ait assigné sur la terre.

Et qu'y a-t-il dans votre état de plus digne d'envie que le pouvoir de faire des heureux? Si l'humanité envers les peuples est le premier devoir des Grands, n'est-elle pas aussi l'usage le plus délicieux de la grandeur?

Quand toute la religion ne seroit pas elle-même un motif universel de charité envers nos frères, et que notre humanité à leur égard, ne seroit payée que par le plaisir de faire des heureux, et de soulager ceux qui souffrent; en faudroit-il davantage pour un bon coeur? Quiconque n'est pas sensible à un plaisir si vrai, si touchant, si digne du coeur, il n'est pas né grand, il ne mérite pas même d'être homme. Qu'on est digne de mépris, dit saint Ambroise, quand on peut faire des heureux, et qu'on ne le veut pas!

Il semble même que c'est une malédiction attachée à la grandeur. Les personnes nées dans une fortune obscure et privée, n'envient dans les Grands que le pouvoir de faire des grâces et de contribuer à la félicité d'autrui: 'on sent qu'à leur place on seroit trop heureux de répandre la joie et l'allégresse dans les coeurs, en y répandant des bienfaits, et de s'assurer pour toujours leur amour et leur reconnoissance. Si dans une condition médiocre on forme quelquefois de ces désirs chimériques de parvenir à de grandes places; le premier usage qu'on se propose de cette nouvelle élévation, c'est d'être bienfaisant, et d'en faire part à tous ceux qui nous environnent: c'est la première leçon de la nature, et le premier sentiment que les hommes du commun trouvent en eux. Ce n'est que dans les Grands seuls qu'il est éteint: il semble que la grandeur leur donne un autre coeur, plus dur et plus insensible que celui du reste des hommes; que plus on est à portée de soulager des malheureux, moins on est touché de leurs misères; que plus on est le maître de s'attirer l'amour et la bienveillance des hommes, moins on en fait cas; et qu'il suffit de pouvoir tout, pour n'être touché de rien.

[ocr errors]

Mais quel usage plus doux et plus flatteur, mes frères, pourriez-vous faire de votre élévation et de votre opulence? Vous attirer des hommages? mais l'orgueil lui-même s'en lasse, Commander aux hommes et leur donner des lois? mais ce sont là les soins de l'autorité, ce n'en est pas le plaisir. Voir autour de vous multiplier à l'infini vos serviteurs et vos esclaves? mais ce sont des témoins qui vous embarrassent et vous gênent, plutôt qu'une pompe qui vous décore. Habiter des palais somptueux? mais vous vous édifiez, dit Job, des solitudes, où les soucis et les noirs chagrins viennent bientôt habiter avec vous. Y rassembler tous les plaisirs? ils peuvent remplir ces vastes édifices, mais ils laisseront toujours votre coeur vide. Trouver tous les jours dans votre opulence de nouvelles ressources à vos caprices? la variété des ressources tarit bientôt? tout est bientôt épuisé; il faut revenir sur ses pas, et recommencer sans cesse ce que l'ennui rend insipide, et ce que l'oisiveté a rendu nécessaire. Employez

tant qu'il vous plaira vos biens et votre autorité à tous les usages que l'orgueil et les plaisirs peuvent inventer, vous serez rassasié, mais vous ne serez pas satisfait; ils vous montreront la joie, mais ils ne la laisseront pas dans votre coeur.

Employez-les à faire des heureux; à rendre la vie plus douce et plus supportable à des infortunés, que l'excès de la misère a peut-être réduits mille fois à souhaiter, comme Job, que le jour qui les vit naître eût été lui-même la nuit éternelle de leur tombeau: vous sentirez alors le plaisir d'être né grand; vous goûterez la véritable douceur de votre état: c'est le seul privilége qui le rend digne d'envie. Toute cette vaine montre qui vous environne, est pour les autres; ce plaisir est pour vous seul: tout le reste a ses amertumes; ce plaisir seul les adoucit toutes: La joie de faire du bien est tout autrement douce et touchante que la joie de le recevoir: revenez-y encore; c'est un plaisir qui ne s'use point; plus on le goûte, plus on se rend digne de le goûter. On s'accoutume à sa prospérité propre, et on y devient insensible; mais on sent toujours la joie d'être l'auteur de la prospérité d'autrui: chaque bienfait porte avec lui ce tribut doux et secret dans notre âme: le long usage qui endurcit le coeur à tous les plaisirs, le rend ici tous les jours plus sensible.

Et qu'a la majesté du trône elle-même, SIRE, de plus délicieux, que le pouvoir de faire des grâces? Que seroit la puissance des Rois, s'ils se condamnoient à en jouir tout seuls? Une triste solitude, l'horreur des sujets et le supplice du Souverain. C'est l'usage de l'autorité qui en fait le plus doux plaisir; et le plus doux usage de l'autorité, c'est la clémence et la libéralité qui la rendent aimable.

Nouvelle raison: outre le plaisir de faire du bien, qui nous paie comptant de notre bienfait, montrez de la douceur et de l'humanité dans l'usage de votre puissance, dit l'Esprit de Dieu, et c'est la gloire la plus sûre et .la plus durable où les Grands puissent atteindre. Eccles. 3, 19.

Non, SIRE, ce n'est pas le rang, les titres, la puissance, qui rendent les Souverains aimables: ce n'est pas même les talens glorieux que le monde admire; la valeur, la supériorité du génie, l'art de manier les esprits et de gouverner les peuples: ces grands talens ne les rendent aimables à leurs sujets, qu'autant qu'ils les rendent humains et bienfaisans. Vous ne serez grand, qu'autant que vous leur serez cher: l'amour des peuples a toujours été la gloire la plus réelle et la moins équivoque des Souverains; et les peuples n'aiment guères dans les Souverains que les vertus qui rendent leur règne heureux.

Et en effet, est-il pour les Princes une gloire plus pure et plus touchante que celle de régner sur les coeurs? La gloire des conquêtes est toujours souillée de sang; c'est le carnage et la mort qui nous y conduit, et il faut faire des malheureux pour se l'assurer; l'appareil qui l'environne est funeste et lugubre, et souvent le conquérant lui-même, s'il est humain, est forcé de verser des larmes sur ses propres victoires.

Mais la gloire, SIRE, d'être cher à son peuple et de le rendre heureux, n'est environnée que de la joie et de l'abondance. Il ne faut point Ideler u. Nolte Handb. I.

14

[ocr errors]

élever des statues et des colonnes superbes pour l'immortaliser; elle s'élève dans le coeur de chaque sujet un monument plus durable que l'airain et le bronze; parce que l'amour, dont il est l'ouvrage, est plus fort que la mort: le titre de conquérant n'est écrit que sur le marbre; le titre de père du peuple est gravé dans les coeurs.

Et quelle félicité pour le Souverain, de regarder son royaume comme sa famille, ses sujets comme ses enfans: de compter que leurs coeurs sont encore plus à lui que leurs biens et leurs personnes; et de voir, pour ainsi dire, ratifier chaque jour le premier choix de la nation qui éleva ses ancêtres sur le trône! La gloire des conquêtes et des triomphes a-t-elle rien qui égale ce plaisir? Mais de plus, SIRE, si la gloire des conquérans vous touche, commencez par gagner les coeurs de vos sujets: cette conquête vous répond de celle de l'univers. Un Roi cher à une nation valeureuse comme la vôtre, n'a plus rien à craindre que l'excès de ses prospérités et de ses victoires.

Écoutez cette multitude que Jésus-Christ rassasie aujourd'hui dans le désert: ils veulent l'établir Roi sur eux. Ils lui dressent déjà un trône dans leur coeur, ne pouvant le faire remonter encore sur celui de David et des rois de Juda ses ancêtres: ils ne reconnoissent son droit à la royauté, que par son humanité. Ah! si les hommes se donnoient des maîtres, ce ne seroit ni les plus nobles, ni les plus vaillans, qu'ils choisiroient; ce seroit les plus tendres, les plus humains, des maîtres, qui fussent en même temps leurs pères.

Heureuse la nation, grand Dieu! à qui vous destinez dans votre miséricorde un Souverain de ce caractère! D'heureux présages semblent nous le promettre: la clémence et la majesté peintes sur le front de cet auguste enfant, nous annoncent déjà la félicité de nos peuples; ses inclinations douces et bienfaisantes rassurent et font croître tous les jours nos espérances. Cultivez donc, ô mon Dieu, ces premiers gages de notre bonheur.. Rendez-le aussi tendre pour ses peuples, que le prince pieux 5) auquel il doit la naissance, et que vous n'avez fait que montrer à la terre: il ne vouloit régner, vous le savez, que pour nous rendre heureux; nos misères étoient ses misères: nos afflictions étoient les siennes; et son coeur ne faisoit qu'un coeur avec le nôtre. Que la clémence et la miséricorde croissent donc avec l'âge dans cet enfant précieux, et coulent en lui avec le sang d'un père si humain et si miséricordieux: que la douceur et la majesté de son front soit toujours une image de celle de son âme: que son peuple lui soit aussi cher qu'il est lui-même cher à son peuple, qu'il prenne dans la tendresse de la nation pour lui, la règle et la mesure de l'amour qu'il -doit avoir pour elle: par-là il sera plus glorieux que tous ses ancêtres, et son humanité sera la source de notre félicité sur la terre, et de son bonheur dans le ciel.

5) Der Herzog von Bourgogne.

Ainsi soit-il.

[ocr errors]

LE SAGE.

ALAIN - RENÉ LE SAGE wurde den 8. Mai 1668 in Sarzeau, einem Stüdtchen auf der Halbinsel Rhuys unweit Vannes in der Bretagne, geboren. Frühzeitig seiner Eltern beraubt, erhielt er eine gute Erziehung und Ausbildung in dem Jesuitercollegium zu Vannes. Nachdem er einige Jahre in einem sehr untergeordneten Posten bei der Finanzverwaltung seiner Provinz gearbeitet hatte, liefs er sich 1692 zu Paris nieder, wo er, ohne ein weiteres Amt zu hekleiden, den gröfsten Theil seines Lebens als Litterator zugebracht hat. Seit 1694 mit einer liebenswürdigen, aber armen Pariserin verheirathet, genofs er anfangs eine Pension von 600 l., die ihm ein bemittelter Freund, der Abbé de Lyonne, ausgesetzt hatte, und nach dessen Tode ernährte er sich durch seine Schriftstellerei. Sein Leben ist leer an denkwürdigen Ereignissen. Von sanftem, zuvorkommendem und sich stets gleich bleibendem Charakter, genofs er allgemeine Achtung. Seine letzten vier Jahre verlebte er bei einem seiner Söhne, einem Kanonikus zu Boulogne, in dessen Armen er den 17. November 1747 in seinem 80sten Jahre starb. Er war nicht Mitglied der französischen Akademie, wie man glaubt seiner Harthörigkeit wegen, die zuletzt fast zur gänzlichen Taubheit wurde. Zuerst machte er sich durch eine paraphrasirende Uebersetzung der Briefe des Aristenät (Rotterdam, eigentlich Chartres, 1695 in 12.) bekannt. Er lernte hierauf, mit Hülfe seines gedachten Freundes, Spanisch', und nahm sich vor, die besten Romane dieser Sprache zu übersetzen, oder vielmehr, mit Beibehaltung des Eigenthümlichen, dem Geschmack seines Zeitalters und seiner Nation gemäss umzuarbeiten. Sein erster Versuch in dieser Art war eine freie Uebersetung des viel gelesenen Romans Guzman d'Alfarache von Mathias Aleman (1701, 2 Bünde in 12., wiederholt 1732). Der Beifall, mit welchem dieses Werk aufgenommen wurde, munterte ihn zu ähnlichen Arbeiten auf. Von 1704-1706 gab er unter dem Titel: Nouvelles aventures de Don Quixote in 2 Bünden in 12. eine Uebersetzung der von Avellaneda gelieferten Fortsetzung des spanischen Romans heraus, die aber, trotz ihrer Vorzüge vor dem Original, dies frostige Produkt nicht zu heben vermochte. Hiernächst erschien in 4 Bünden in 12. die beiden ersten traten 1715, der dritte 1724 und der vierte 1735 ans Licht die ihm ganz angehörige*) Histoire

[ocr errors]

*) Le Sage's Verfasserschaft des Gil Blas ist, eben weil er in demselben ein so treues Gemälde spanischer Sitten aufstellt, schon früher von Voltaire und besonders von dem Pater Isla, dem spanischen Uebersetzer des Gil Blas und späterhin (1822) durch Llorente in den Observations critiques sur le Roman de Gil Blas, angefochten worden. Nach Isla (und im Wesentlichen läuft auch Llorente's Meinung darauf hinaus) soll er sich

de Gil Blas de Santillane, ein treffendes und anziehendes Gemälde menschlicher Sitten, das zu den interessantesten Produkten gezählt werden muss, die irgend eine Nation in diesem Fache aufzuweisen hat. Laharpe sagt in seinem Cours de Littérature: Utile dulci devrait être la devise de cet excellent livre, que la bonne plaisanterie assaisonne partout. Plusieurs traits ont passé en proverbe, comme par exemple: les homélies de l'archevêque de Grenade. (Man sehe das unten aus dem Gil Blas abgedruckte Stück.) Unter den vielen Ausgaben zeichnen sich durch besondere Schönheit und Correctheit die drei Didoťschen, 1794 in 4 Bänden in 8., 1801 in 8 Bänden in 18. und 1819 in 3 Bänden in 8., aus, von denen letztere zu der Sammlung der Auteurs classiques français gehört. Von den vielen Uebersetzungen werden die englische von Smollet (London 1782, 4 Bände in 12.) und die deutsche von Mýlius (Berlin 1798, 8 Bände in 8.) dem Original gleich geachtet. Zu Le Sage's glücklichsten Nachbildungen spanischer Originale gehört der Diable boiteux, wozu er die Grundzüge aus dem Diablo cojuelo des Luis Velez de Guevara entlehnt hat. Dieser Roman ist eine geistreiche Satire auf alle Stände. Er wurde 1707 zum erstenmal gedruckt und nachmals öfters wiederholt. Der vierten Ausgabe von 1737 ist beigefügt: Entretien des cheminées de Madrid und Les béquilles du Diable boiteux. Letzteres ist eine Lobschrift auf das Werk vom Abbé Bordelon. Zum Verständnifs des unten mitgetheilten Stücks mufs bemerkt werden, dafs der Kobold (Asmodi) in Gestalt eines lahmen Zwerges einen Studenten aus Alcala, Don Cleofas Leandro Perez Zambullo, der ihn aus der magischen Flasche eines Zauberers befreit hat, zur Erkenntlichkeit auf den Zinnen Madrid's umherführt, und ihn durch die abgehobenen Dächer in das Innere der Häuser blicken läfst. Die Umarbeitung wurde ins Spanische übersetzt und für ein Original gehalten. Aufser diesen Romanen hat man von Le Sage noch zwei andere Werke in derselben Gattung, die Histoire d'Estevanille de Gonzalès, surnommé le garçon de bonne fortune, 1734, und le Bachelier de Salamanque 1738, beide in 2 Bänden in 12. In dem ersten dieser Romane sind einzelne Züge aus der Vida del escudero Obregon von Vincente Espinel benutzt; letzterer ist ganz Original. Beide stehen dem Gil Blas an Humor und Interesse der Situation sehr nach, verdie

in dem Besitz eines spanischen Manuscripts des Gil Blas befunden, und sonach vielmehr eine Uebersetzung, als ein Originalwerk gebildet haben. Diese völlig grund'ose Behaup tung ist von François de Neufchateau in einer der Didot'sche Ausgabe des Gil Blas vom Jahr 1819 vorgesetzten Abhandlung und in der Schrift des Prof. Franceson: Ueber den Roman Gil Blas oder Beantwortung der Frage: ist Le Sage der ursprüngliche Verfasser des Gil Blas? (Berlin 1823) beleuchtet, in ihrer Nichtigkeit dargestellt, die Verfasserschaft des Le Sage unbezweifelt gerettet, jedoch zugleich gezeigt worden, wie dieser geniale Autor Einzelnes aus spanischen und andern Werken zu seinem Zwecke zu benutzen gewufst habe.

« PreviousContinue »