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la valeur feroit funefte aux -ennemis des Ifraëlites. Avant que de voir la fuite & l'accomplitfement de cet Oracle, nous avons befoin de faire une digreffion, pour examiner ce qu'emportoit l'état, auquel devoit fe vouer l'enfant, qu la femme de Manoah alloit mettre au Monde.

Le mot de Nazaréen fignifie féparé. On donnoit ce nom à certaines perfonnes, qui fefoient vœu de mener, foit pendant quelques années, foit pour toûjours, un genre de vie plus faint que celui du refte des hommes. Il y avoit cette différence entre ceux qui formoient ce vou, & ceux qui en fefoient quelque autre, c'eft que ces derniers vouoient à Dieu quelques portions de leurs biens, au lieu que les premiers vouoient leur propre perfonne. C'eft pour cela que' Phi-lon l'appelle le Nazaréath exueyán, legrand van, & qu'il eft appellé dans l'Ecriture la fe- Nombr. paration pour le Seigneur. Les rites, qu'on y devoit obferver, font marqués dans le chap. vt. du Livre de Nombres."

10

1. Le Nazaréen devoit s'abftenir de toutes les liqueurs qui pouvoient enivrer. 1. Le vin eft la première de celles, que l'Ecriture met dans cette claffe: cela a fait imaginer aux Juifs que la vigne étoit l'arbre, que Dieu avoit interdit au premier Homme: & que le crime, qui avoit attiré tant de malheurs fur ce Chef du GenreHumain, & fur fa poftérité, étoit d'avoir mangé du raifin.

2. La feconde liqueur, interdite au Nazaréen, c'étoit la cervoise: fous ce nom général font

reth: voi. Chreveana tom: I. pag. 381.

9. PHILO de Victimis pag. 846.

10. LICHTFOOT tom. II. pag. 490. col. 2.

com

VI. 7.

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que

comprises toutes les liqueurs fortes, faites avec des fruits, ou avec des grains: telle étoit celle qu'on fefoit en Egypte avec de l'orge, ainfi nous l'apprenons "d'Hérodote, & dont, au rapport de "Diodore de Sicile, ils attribuoient l'invention à Ofiris: telle étoit celle, que les Nomades, & la plûpart des Orientaux, fefoient avec des dattes, felon le témoignage de "Pline, & dont on peut voir la defcription dans "Diofcoride: telle étoit celle, que les Indiens fefoient avec des cannes de fucre, & qui a fait dire à » Lucain,

Quique bibunt tenerâ dulces ab arundine fuccos.

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"Quelques-uns ont même crû que le mot Saccarum, fucre, venoit du mot Hébreu, fchekar, que nous traduifons par celui de cervoife; & "Strabon dit fur le témoignage de Megafthène, que quoique la canne du fucre ne foit pas un arbre fruitier, elle produit un fruit qui enivre. "St. Jérôme s'eft expliqué de cette manière au fujet de la cervoife: Nous avons déclaré, dit il, que nous entendons par la cervoife, toute liqueur capable d'enivrer, & d'ôter la liberté de l'efprit:

foit

II. HERODOT. II. cap. 76. pag. 118. 12. DIODOR. SICUL. lib. I. de Ofiride pag. 17. 13. PLIN. Hift. lib. VI. cap. 28. pag. 340. & lib. XIV, cap. 16. pag. 722.

14. DIOSCORID. lib. V. 40. pag. 339. : . 15. LUCAN. lib. III. verf. 237.

16. MENAGE dérive le mot fucre de l'Arabe fucar, Dictionaire Etymolog. de la Langue Franç. au mot fucre pag. 686.

17. STRABO Geograph. lib. XV. pag. 1015, 1016. tradit idem (Megafthenes) arundinem, etfi non fit arber fructi fera, ex fructu tamen ebrium facere. Ce paffage est soup

conné

foit que ce foit une liqueur, faite de froment, foit, qu'elle foit faite avec de Porge, foit avec du fuc de pommes, ou de palmes, ou de quelque autre genre: que ce puiffe étre. Il y a pourtant des Interpré tes, qui croient que par la cervoife il faut entendre le vin vieux. C'a été là en particulier la, pensée du "Paraphrafte Jonathan: & Pon a crû pouvoir établir ce fentiment fur cette raifon, que les Sacrificateurs, que l'on prétend n'avoir, pû faire des libations qu'avec du vin en fefoient pourtant avec de la cervoife, felon ce texte du Livre des Nombres, Dans le facrifice fait par Nomb feu, vous verferez dans le lieu Saint l'afperfion de XXVIII. cervoife à l'Eternel.

La 3.liqueur, interdite au Nazaréen, c'étoit de toute forte de vinaigre, fait avec du vin, ou de la cervoife.

La 4. c'étoit celle, qui fe fefoit avec des gra pes de raifin, fur lesquelles on jettoit de l'eau après en avoir exprimé le premier fuc. 20 Les Grecs appelloient ce bruvage Vina deuterias. " Pline dit qu'on ne doit pas l'appeller du vérita,

ble vin.

Enfin les raisins mêmes, foit qu'ils fuffent frais, foit qu'ils fuffent fecs, étoient regardez

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çonné par CASAUBON d'être corrompu, voi. fa note pag. 1016.

18 HIERONY M. tom. III. lib. 9. in Ef. cap. 28. pag. 235.

19. Voi. la Paraphr. de JONATHAN fur Nombr.

6.3.

20. PLIN. lib. XIV. cap. 1o. pag. 719.

Voi. l'Indice du Lexicon Grec d'HENRI ETIENNE au mot devrepria, pag. 722. HESYCHIUs appelle ce vin devτερείας au lieu de δευτερίας, col. 185, δευτερεία καλλι τος οἶνος.

21. PLIN. lib. XIV. cap. 1o. pag. 719.

3. 7:

Nomb.
VI. 5

comme des liqueurs, dont le Nazaréen devoit s'abftenir: il ne lui étoit pas même permis d'en manger la peau, ni les pepins. Voilà le premier rite qu'il devoit obferver.

11. Le fecond, c'étoit de laiffer croitre fes cheveux, & de ne point faire paffer le rafoir fur fa tête, pendant les jours de fon Nazaréath. Mais quand ces jours étoient finis, il devoit fe rafer à l'entrée du Tabernacle d'affignation, bruler fes cheveux, ou, comme porte le texte Hébreu, les mettre fur le feu, qui fervoit à faire bouillir la chair des victimes offertes pour ces fortes de Sacrifices, que l'on appelloit pacifiques, ou des profpérités, & dont nous avons parlé

dans un autre endroit. On peut voir dans le "Talmud la defcription de l'Apartement du Temple, où ce feu étoit allumé. "Quelquesuns difent pourtant, que c'étoit fur l'autel des holocauftes, que celui, dont le Nazaréath étoit accompli, fefoit bruler fes cheveux; & "Philon eft dans cette penfée. Les "Juifs regardent comme une chofe fi effentielle au Nazaréen de faire cette cérémonie dans Jerufalem, qu'ils prétendent qu'il faudroit s'y tranfporter aujourd'hui, fi l'on avoit fait le voeu du Nazaréath. Il femble même qu'on peut conclurre d'un paflage des Maccabées, qu'anciennement on regardoit auffi

22 Dans notre II. vol. Difc. LXVI. pag. 301. &c. 23. Voi. Codex Foma cap. 3. fect. 5. &c. & les notes de SHERING AM fur cet endroit pag. 25. &c.

24 Voi. Codex Middoth cap. 21. fect. 5. de la verfion de l'EMPEREUR pag. 61.

25. PHILO de victimis: Cùm enim corpus fit inftar cujufdam arboris, ranquam frondes fuperfluae capilli ex eo mittuntur in ignem, quo riè coquuntur carnes bofiiae, ut,

1. Macc

auffi comme une Loi indispensable au Nazaréen, de bruler fes cheveux dans le Temple. De-là vient que Juda Maccabée & les Juifs, qui combattoient avec lui, fefoient des lamentations de ce que l'on ne pouvoit plus remplir cette partie du Cérémoniel Lévitique. Juda, dit l'Auteur du premier Livre des Maccabées, & trois mille hommes, qui étoient avec lui, s'affemblèrent 111. 46. à Maspha, vis-à-vis de Férusalem: ils jûnèrent : &c iv.6; ils fe vétirent de facs: ils jettèrent de la cendre fur leur tête: ils déchirèrent leurs vêtemens: ils firent lever les Nazaréens, qui avoient accompli leur væu, & ils jettèrent de grands cris vers le Ciel, difant: que ferons-nous à ceux-ci? où les chafferons-nous, puifque tes faints lieux font foulez aux pieds & profanez, & que tes Sacrificateurs font dans les larmes & dans Phumiliation?

III. Le troifiéme rite, que devoit obferver Nombr le Nazaréen, c'étoit de ne s'approcher d'aucun VI. 6. corps mort, fous quel prétexte que ce pût être, fut-ce pour rendre les honneurs funèbres à for pére, ou à fa mére. Cette défense fait dire à "Maimonides, que le Nazaréen égaloit en fainteté le fouverain Sacrificateur, auquel il étoit défendu, de même qu'au Nazaréen, defe fouil ler pour aucun de fes proches. Les Sacrificateurs ordinaires étoient difpenfez de cette rigueur.

Voilà

quia votivam partem inferre in altare non licet, faltem ignem facrarum lignis admixta nutriat, pag. 847.

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26. Voi. une compilation de paffages des Rabins fur le Nazaréath dans AINSWORTH upon five books Mofes,&c. Num. 6. 18. pag. 40.

27. Qui à rino abftinet vocatur Sanftus, & collocatur in gradu Sacerdotis magni quoad janctitatem, MAIMON I DES More Nevochim part. 3. cap 48. pag. 498.

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