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celle de ce Juif, en donnant fa fille en mariage à Mahlon fils d'Elimélec.

Si les Juifs ont donné de grandes idées de la condition d'Elimélec, ils n'ont pas parlé moins pompeusement de celle de Nahomi fa femme. Ils ont avancé qu'elle étoit d'une race illuftre; que Nahaflon étoit fon oncle, & que Salmon, frère de ce Prince de Juda, étoit fon père. L'Hiftoire fainte n'entre dans aucun de ces détails. Elle ne nous fournit même aucun fecours pour fixer le temps de la naiflance d'Elimélec. Nous favons bien que la famine, qui contraignit ce Bethlehemite de quitter le lieu de fa naiffance, eft arrivée avant qu'il y eût des Rois en Ifraël, & pendant que les Ifraëlites étoient encore gouvernez par des Juges: cela n'eft contefte, & l'Auteur facré le dit expreffément: mais de quelle maniére cette expreffion vague doit-elle être reftreinte? C'eft-ce que des 3 gens fages ont déterminé, mais fur quoi la fageffe auroit peut-être dû les porter à fufpendre leur jugement.

pas Ruth I.1.

Quoiqu'Elimélec fe fût dérobé aux horreurs de la famine, il ne conferva pas longtemps fa vie; & il mourut probablement peu de temps après être arrivé dans la Moabitide. Ses deux fils reftérent avec Nahomi leur mère, & afin de fe procurer quelque protection dans ce païs étranger, où ils étoient contraints de vivre, ils épouférent chacun une femme Moabite: celle de Kiljon s'appelloit Horpa, que + les Rabbins

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font

Voi. USSERIUS Chronolog. S. cap. 12. pag. 69.
4 Vide Gemara in Sota apud WAGENSEIL pag 878.
&C.SALOM, JARCHI in I. Sam. XVII. 23. pag. 170.
&c.

font fans aucun fondement mère de Goliath. 5 Prudence a adopté cette opinion, de-là vient qu'il reproche à Horpa d'avoir mieux aimé Ruth rv. nourrir la race de ce Géant, femiferi ftirpem nutrire Golia, que de fuivre fa belle-mère. Ruth étoit le nom de la femme de Mahlon, que les Juifs prétendent avoir été fille d'Eglon.

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Si des raifons de néceffité peuvent excufer une conduite criminelle en elle même, Mahlon & Kiljon étoient excufables de s'être alliez avec des Idolatres: la Loi de Dieu le défendoit exDeut preflément. J'avoue qu'il n'étoit pas fait menII. 1.2. tion des Moabites dans la claffe générale des Infidèles, avec lesquels il n'étoit pas permis au peuple de Dieu de fe marier. Ils y étoient pourtant compris. Ils avoient même quelque chofe de plus odieux que les autres nations idolatres: non feulement ils n'avoient pas favorifé les Ifraelites dans la conquête de la Terre promile, Nombr. ils les avoient même traverfez: & s'ils avoient XXII. 5. témoigné leur impuiffance lorsqu'ils mandérent Balaan pour maudire une nation, que Dieu avoit bénite, ils avoient auffi témoigné la haine, dont ils étoient animez contre elle. Dieu voulut que la mémoire d'un fi barbare traitement fe perpetuât parmi les Ifraëlites, & que ceux des Moabites & des Hammonites, qui embrafferoient le Judaïfme, fuflent exclus à perpetuité des Charges de Judicature. C'eft la fignification que nous donnons à cette Loi du DeuteDeuter. ronome: Le Hammonite & le Moabite n'entreront x. 3. point dans l'Affemblée de l'Eternel: méme leur di xiéme

&c.

5 PRUDENTIUS HAMARTIGENIA verf. 784. 6 Talmud Tractat. Lerefchith fol. 7. Bava Baira fol. 14. Sota fol. 42.

xième génération n'y entrera point. Nous ne faurions nous perfuader que cette Loi doive être prife dans le fens, que tant d'Interprètes lui ont attribué. Ils ont crû que Dieu défendoit aux Hammonites, & aux Moabites Profelytes, d'époufer des femmes Ifraëlites. Il eft vrai que 7 Selden prétend juftifier, par un grand nombre de paffages des Rabbins, l'explication que nous rejettons: mais prouver que ces Docteurs ont eu une certaine opinion, ce n'eft pas prouver que cette opinion eft bien fondée. Falloitil donc que les Moabites & les Hammonites, qui avoient embraffé la Religion Judaique, fe mariaffent avec des Idolatres, ou qu'ils renonçaflent pour toûjours au mariage, à moins qu'ils n'époufaffent des femmes Profelytes? Il ne nous paroit pas non plus que ces paroles, ils n'entreront point dans Paffemblée de PEternel, puiffent fignifier, ils feront exclus des affemblées religieufes. Eft-il probable que Dieu eût voulu exclurre à perpetuité des affemblées religieufes, du moins jufqu'à la dixième génération, des hommes, qui auroient eu le courage d'abjurer leurs erreurs & de renoncer à l'Idolatrie? Il nous femble beaucoup plus vraisemblable que ce mot, l'affemblée de l'Eternel, fignifie ici le * corps des *Voi. Magiftrats. Nous croions donc, non feulement Pleau. qu'une femme Moabite pouvoit fe marier avec LXXXII. un homme Ifraëlite, comme l'ont avoué les 1. Docteurs Juifs, mais nous creions auffi, contre leur opinion, qu'un Ifraëlite pouvoit fe marier avec une Moabite, pourvû qu'elle se fit Profe

lyte.

7 Voi. SELDEN de Jure Nat. Gent. lib. V. capt 15 pag. 613.

8 Voi. eundem ibid, cap. 14. 15. pag. 646,

lyte. Mahlon & Kiljon n'auroient point péché d'époufer des femmes de cette nation, fi, comme l'a crû Aben-Ezra, elles avoient abandonné la religion de leur païs, & fi elles s'étoient attachées au culte du vrai Dieu: leur mariage ne nous eft fufpe&t, que parce que l'Hiftorien ne dit rien de la converfion de leurs femmes. Du moins fi Horpa abjura l'idolatrie, elle tomba bientôt, puis qu'il eft dit expreffément, Ruth I. qu'elle retourna non feulement à fon peuple: mais à fes Dieux: & il ne paroit pas que Ruth eût renoncé à fes erreurs, avant que d'avoir fait vœu de fuivre fa belle-mère.

15.

y re

Les afflictions, dont Dieu vifite les hommes, font quelquefois moins des preuves de fon indignation, que de fon amour. Une longue vie & une nombreuse postérité étoient pourtant propofées aux anciens fidèles comme des récompenfes de la vertu. Mahlon & Kiljon furent retranchez au milieu de leur courfe, & ne laiflérent point d'enfans après eux. Ne fut-ce point un châtiment de leur mariage avec des Infidèles? C'est la pensée du Paraphrafte Chaldaïque.

La mort de ces deux jeunes homines mit le comble aux malheurs de Nahomi: exilée du lieu de fa naiflance par les horreurs de la famine, errante dans une terre étrangére, veuve, privée de fes deux fils, quelles douceurs pouvoit elle déformais attendre dans la vie? Toute fon efpérance étoit de revoir fa Patrie: mais qu'il eft trifte de retourner feule dans un païs, dont on eft forti avec tout ce qu'on a de cher! Elle s'y résolut pourtant: fes deux belles-filles vouJurent la fuivre: elle s'y oppofa, non faute de

ten

9 ABEN EZRA in Ruth I. vf. 4. fol. wnnn pag. 2.

que cet

Confe

tendreffe, mais pour leur propre interêt. Elles les preffa de retourner dans la maifon de leur mére, de qui elles devoient naturellement se promettre plus d'appui que d'une belle-mére âgée, & qui alloit dans un lieu défolé par* dix années *Il eft de famine. L'idée d'une féparation fi tendre probable navra la belle-mére & fes belles-filles. Elles ré- te famipandirent des torrens de larmes. Horpa ceda ne dura aux raifons de Nahomi: mais Ruth lui demeu- dix ans. ra fidèle. Nahomi lui fit de nouvelles inftan- rez Ruth ces pour la porter à fuivre Horpa fa belle-four, I. 4 -6. qui étoit retournée à fon Peuple & à fes Dieux, Ruth I auxquels probablement elle n'avoit jamais re- 15. noncé. Ruth perfevera dans fa résolution: elle témoigna à Nahomi par fes tendres proteftations l'inviolable deffein, qu'elle avoit formé, de ne l'abandonner jamais: Ne me priez point de vous Verf. 16. laiffer pour m'éloigner de vous, lui dit-elle, car j'irai où vous irez, & où vous demeurerez, je demeurerai: votre Peuple fera mon Peuple, & votre Dieu fera mon Dieu. Où vous mourrez, je mourrai, & j'y ferai ensevelie: & il n'y aura que la mort, qui puiffe me féparer de vous. Ces paroles, votre Dieu fera mon Dieu, prouvent que fi Ruth avoit differé jufques alors de fe faire Profelyte, elle étoit déterminée à le devenir. 1° Les Juifs paraphrafent ainfi tout ce Texte: Nabomi fit cette déclaration à Ruth: Il nous est défendu d'aller plus loin, le feptième jour de la semaine, que le chemin d'un Sabbat. Ruth répondit: F'irai par tout où vous irez. Nahomi ajoûta: Il nous est défendu d'avoir commerce avec d'autres qu'avec nos maris. Ruth repliqua: Je passerai la nuit où vous la passerez. Nabomi continua: Six cens treife préceptes Jéparent

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TO SALOM, JARCHI in Ruth I. pag. 16.

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