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l'explication diftinête de ces paffages. Je renvoie fur cela mes lecteurs à mes remarques, ou plutôt à mes conjectures.

Platon goûta fi fort l'ouvrage de Timée de Locres, qu'il crut devoir fe l'approprier: il compofa un Dialogue, fous le nom de Timée, qui n'eft qu'un long commentaire fur le texte de nôtre philofophe, qu'il a entièrement inferé dans le fien; mais il s'en faut bien, que Platon ait égalé fon original; au contraire, en l'augmentant, il l'a gâté, & j'ofe dire beaucoup défiguré. Mon fentiment eft appuié par celui de plufieurs Savans illuftres. Thomas Gale dit, dans un avertiffement qu'il a mis à la tête de l'Edition, qu'il a donnée du texte grec de Timée :,,Platon, pour étendre & amplifier ,,la doctrine de Timée, mêle aux opinions de ce philofophe les fentimens fabuleux des Egyptiens, »qu'il a ramaffés avec foin, & qui ne font que des bagatelles & des reveries metaphifiques. Il

,,eft

Hoc tamen notandum, Platonem, ad doctrinam amplificandam, fœda quædam commenta ex Ægyptiorum scholis, putida quadam diligentia, illuc congeffiffe, que commodius & modeftius hic notantur a Timeo: veluti funt nugæ migl μstaQúcows, in quibus fane nimius eft Plato. hic notantur quidem, fed ita ut & confiéta dicantur, ¿ živai tiμwgiai appellentur, quibus minime fit fides adhibenda: eas tamen neceffario dici, ut tam horibili pœnadenuntiatione homines a fceleribus abfterreantur, Thom. Gale Argum. in Tim. Locr.

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• Me

,,eft vrai, que Timée de Locres en fait mention,
,,mais il n'en parle que comme de chofes imaginai-
,,res, aux quelles l'on ne doit pas ajoûter foi, & il
,,ne les rapporte, que dans le deffein de montrer,
qu'elles font néceffaires pour contenir les hommes
,,par la crainte des chatimens."

Le favant Brucker eft du même fentiment que
Thomas Gale. Il met l'ouvrage de Timée de Lo
cres infiniment au deffus de celui de Platon. Ecou
tons le parler lui-même. Le livre de Timée de
,,Locres, dit-il, 2 merite d'être confronté avec
,,celui de Platon qui porte le même nom; on pourra
„voir ainfi, en quoi Platon s'eft éloigné de fon ori-
,,ginal. Il y a longtems que les Savans ont obfervé,
que ce philofophe, au lieu d'éclaircir certaines
,,opinions de Timée, en les traitant beaucoup plus

,,am-

avoient adopté les fentimens de Pythagore, an
tableau de toute fa philofophie, plutôt que pour
inftruire ceux qui n'y étoient pas déja initiés.

Timée de Locres vecut peu de tems avant So
crate: on prétend même qu'il fut fon contempo-
rain. Mr. Brucker 3 a fuivi ce fentiment, quoi
qu'il ait été rejetté par Macrobe. Synefius nous

vertu.

apprend, que Timée de Locres parvint à une vieil-
leffe fort avancée, & qu'il gouverna pendant long-
tems fa republique, avec beaucoup de gloire & de
Ciceron, ce juge fi éclairé fur le merite
des philofophes anciens, parle, dans plufieurs en-
droits de fes ouvrages, avec de grands éloges de
Timée de Locres; il prétend même, que c'eft aux
inftructions de ce philofophe 4, que Platon dut
toute la connoiffance, qu'il eut des dogmes de
Pythagore. Ainfi Ciceron fait Timée non feulement

con-

3 Timæus Locrenfis, Platonis ætate fcholam Italicam
nobilitavit, quamquam Socratem & Timæum eodem feculo
fuiffe negat Macrobius. Cicero enim diferte inter ceteros
Pythagorcos Timæum Locrum accessisse, eumque cognovisse,

didiciffe Pythagorea, teftatur. Idem Hieronymus asserit.
Certe librum Timai, de rerum natura, acquifivit, inde-
que Timaxm fuum confcripfit. Hilt. critic. philof. &c.
J. Bruckeri. Tom. I. pag. 1127.

4 Platonem ferunt ut Pythagoreas cognofceret in Italiam
veniffe, & in ea cum alios multos tum Archytam Tima-
umque cognoviffe, & didiciffe Pythagorea omnia. Lib. I.
Tufcul. Quæftionum.

contemporain de Socrate, mais de Platon, qui étoit encore jeune lorsque Socrate mourut. Le court efpace de cette préface ne me permet pas de faire mention de tous les éloges, que les Savans ont donnés dans tous les fiècles à Timée, & qui forment une chaine depuis Ciceron jusques aux gens de Lettres de ces derniers fiècles.

Je crois devoir repeter ici, ce que j'ai déja dit dans le Difcours préliminaire de ma traduction d'Ocellus: après avoir examiné, en philofophe, les objections qu'on peut faire en faveur ou contre les opinions, que les anciens & les modernes ont foutenues, j'ai toujours dit, & même prouvé évidemment, fi j'ofe me fervir de cette expreffion, qu'il eft abfolument néceffaire de foumettre fa raifon, & de fuivre ce que la foi nous apprend.

Les Proteftans veulent, que l'on confulte la raifon, dans les dogmes que l'on reçoit. Cette opinion eft très fenfée; car fans cela il n'y auroit rien de fi abfurde, que certains hommes mal inten tionnés & orgueilleux ne puffent perfuader à des efprits crédules, qu'ils auroient intérêt de tromper. Il ne faut pas cependant abuser de cette fage maxime des Proteftans: après s'être fervi de la raifon, il faut favoir la foumettre, dans toutes les chofes que la révélation nous apprend; parceque fi nous l'examinons attentivement, nous verrons toujours, que celles qu'elle nous enfeigne veritablement, font

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