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POSTFACE

U

'N Auteur de RIEN, puifque c'est l'Auteur a d'un Almanac qui eft à peu près la même chofe que RIEN, a judicieufement remarqué que les Livres avoient plus befoin de Postfaces que de Préfaces; je fuis fort de fon avis, & les Préfaces me paroiffent toutes ou inutiles, ou suspectes de mauvais deffeins. Inutiles, parce que

Un Auteur à genoux dans une humble Préface
Au Lecteur qu'il ennuye a beau demander grace,
Il ne gagnera rien fur ce Juge irrité,

Qui lui fait fon procès de pleine autorité.

elles cachent d'ordinaire de mauvais deffeins, parce qu'à dire vrai, la plupart des Préfaces font des piéges qu'on tend à la crédulité des Lecteurs pour les furprendre, & corrompre, fi cela fe peur, leur jugement. Les Préfaces ont été établies principalement pour répondre aux diffia L'Auteur de l'Almanac proverbial.

cultez que pourroient former des Lecteurs fcrupuleux & délicats fur l'Ouvrage qu'on leur préfente, & pour les éclaircir. Or comment peut-on propofer des difficultez fur un Ouvrage qu'on n'a pas encore lû, & qu'on ne fçait par conséquent ce que c'eft? Au lieu qu'en fuppofant qu'on a lû & examiné avec attention un Livre nouveau, le véritable lieu de mettre les réponses aux objections qu'un Auteur prévoit qu'on lui pourra faire fur plufieurs endroits de ce Livre, doit être assûrément à la fin de ce même Livre: & le difcours qui contient ces réponses, & qui doit naturellement être placé à la fin d'un Livre, on le doit fans contredit appeller Postface, & non Préface. Après ce préliminaire que j'ai crû néceffaire pour la juftification de ma Poftface, il faut vous dire à préfent, très judicieux & trèséclairé Lecteur, ce qui m'a déterminé à faire l'Eloge de RIEN. C'eft que R LEN & moi habitons depuis long-tems fous le même toit, & que nous ne nous quittons -gueres ; c'est que quelque querelle & quelque difpute qui fe foit élevée fur la furface de la petite boule à laquelle je tiens, j'ai toujours été très-zelé partifan de RIEN; c'est que j'ai toujours fi bien vêcu avec RIEN, que RIEN ne m'a ja

mais

mais forcé d'agir contre ma confcience; RIEN ne m'a jamais détourné des fentiers de la probité, & fait fortir du caractere de l'honnête homme; dans quelque fituation que je me fois trouvé, RIEN n'a jamais troublé la tranquillité de mon came & l'économie de mes deffeins, qui tous aboutiffent ordinairement à RIEN. C'est parce que de mon naturel je m'amufe, & je me fais des plaifirs de RIEN; c'eft qu'en un mot je fuis charmé de RIEN faire, ou de faire des RIENS. Il étoit bien jufte qu'ayant tant de fujets de me loüer de RIEN, je fiffe par reconnoiffance l'Eloge de RIEN. Je déclare au refte que je n'ai vu que deux Difcours fur RIEN en notre Langue; l'un en vers composé il y a plus d'un fiecle par Du Verdier fils de l'Auteur d'une Bibliotheque Françoife; & l'autre en Profesatraduit de l'Italien d'un Noble Venitien, & qui a été inferé dans les premieres: EdiTrions du Mélange de Litterature imprimé fous le nom de Vigneul Marville. Le Poëme du Du Verdier m'a fourni au plus une ligne, & je n'en ai gueres tiré davanStage du Difcours traduit de l'Italien, parce que ces deux Ouvrages n'ont pas été traitez felon mon idée & mon goût. Quelques Auteurs, entre autres Pafferat,

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ont préconisé le NIHIL des Latins avec efprit; mais il y a une fi grande différence le NIHIL des Latins &le R1 FN des François, à caufe de la négation qu'il faut ajouter à celui-ci, & que le NIHIL 'emporte, que je n'ai pas pû profiter de ces Ecrits, quoiqu'ingenieux, autant que je mé l'étois figuré d'abord. Pafferat dit, par exemple, dans fon Eloge de NIHIL: Hold antialg

B

Zenonis fapiens NHL admiratur & optat,

Ce qui veut dire en François

L. Le fage de Zehon ou le Stoïcienspo!
¿N'admire & ne défire R1 INDİR DOW

Où l'on voit par la négation ne en François, que ce qui eft une louange de NIHIL dans le vers Latin de Pafferat, n'en eft pas une de RLEN, loifque ce vers eft traduit en François. Pour faire encore mieux fentir cette différencé, j'ai cru faire plaifir à bien des gens de mettre ici tout au long la Piece Latine de Pafferat. fur le NIHIL par lui tant vanté, d'autant plus volontiers que cette Piece eft rare, & qu'elle renferme un jeu d'efprit qui plai➡ foit beaucoup autrefois, & dont je crains fort qu'on ne fe foucie gueres aujour

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d'hui, , parce qu'on n'aime plus que les jeux qui apportent de l'argent, & que l'efprit & les belles Lettres deviennent tout-à-fait hors de mode.

Un inconnu m'a envoyé cette Epigramme fur mon Eloge de RIEN, & m'a prié de l'inferer à la fin de ma Postface; je défere avec plaifir à ce qu'il souhaite.

A l'Auteur de l'Eloge de R 1 E N.

Maints Auteurs foit en Vers ou Profe,
Font tous les jours ici de quelque chofe RIN
Pour toy tu trouves le moyen.
De faire de R1 AN quelque chofe,

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