ne nous prouvent pas également qu'ils ayent perdu à nôtre égard toute forte d'e ftime auffi ne fommes nous pas incapables de quelque retour pour eux, & de leur rendre un jour nôtre amitié. La mocquerie au contraire eft de toutes les injures celle qui fe pardonne le moins; elle eft le lan gage du mépris, & l'une des manieres dont il fe fait le mieux entendre; elle attaque l'homme dans fon dernier retran chement, qui eft l'opinion qu'il a de foy même; elle veut le rendre ridicule à fes propres yeux, & ainfi elle le convainc de la plus mauvaise disposition où l'on puif fe étre pour lui & le rend irreconcilia ble.

C'eft une chofe monftrueuse que le goût & la facilité qui eft en nous de railler, d'improuver & de méprifer les autres; & tout enfemblé la colere que nous reffentons contre ceux qui nous raillent, nous improu vent, & nous méprifent.

*La fanté & les richeffes ôtant aux hommes l'experince du mal, leur infpirent la dureté pour leurs femblables; & les gens déja chargez de leur propre mifere font ceux qui entrent davantage par la compaf fion dans celle d'autruy...

*Ilemble qu'aux ames bien nées les fètes, les fpectacles, la fymphonie raprochent & font mieux fentir Pinfortune de nos proches ou de nos amis.

* Une

*Une grande ame eft au deffus de l'injure, de l'injuftice, de la douleur, de la moc. querie; & elle feroit invulnerable, fi elle ne fouffroit par la compaffion.

*Il y a une efpece de honte d'être heureux à la vûe de certaines miferes.

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*On eft prompt à connoître fes plus petits avantages, & lent à penetrer fes défauts on n'ignore point qu'on a de beaux fourcils, les ongles bienfaits; on fçait à peine que l'on eft borgne, on ne fçait point du tout que l'on manque d'e fprit.

Argyre tire fon gant pour montrer une belle main & elle ne neglige pas de découvrir un petit foulier qui fuppofe qu'elle a le pied petit; elle rit des chofes plaifantes ou ferieufes pour fai re voir de belles dents, fi elle montre fon oreille, c'eft quelle l'a bien fai te, & fi elle ne danfe jamais, c'eft qu'elle eft peu contente de fa taille qu'elle a épaiffe; elle entend tous fes interêts à l'exception d'un feul, elle parle toûjours, & n'a point d'efprit

:..

* Les hommes comptent prefque pour rien toutes les vertus du cœur, & idolâ trent les talens du corps & de l'efprit: celuy qui dit froidement de foy, & fans croire bleffer la modeftie, qu'il eft bon, qu'il eft conftant, fidele, fincere, equitable, recon noiffant, n'ofe dire qu'il eft vif, qu'il a les

dents.

dents belles & la peau douce; cela eft trop forte senzach

Il eft vray qu'il y a deux vertus que les hommes admirent, la bravoure & laliberalité; parce qu'il y a deux chofes qu'ils eftiment beaucoup, & que ces vertus font negliger, la vie & l'argent: auffi perfonne n'avance de foy qu'il eft brave ou liberal. 2.

Perfonne ne dit de foy, & fur tout fans fondement, qu'il eft beau, qu'il eft genereux, qu'il eft fublime: on a mis ces qualitez à un trop haut prix; on fe con‐ tente de le penfer

*Quelque rapport qu'il paroiffe de la jalousie a l'émulation, il y a entr'elles le même éloignement, que celuy qui se trouve entre le vice & la vertu.

-La jaloufie & l'émulation s'exercent fur le même objet, qui eft le bien ou le méri→ te des autres, avec cette difference, que celle-cy est un fentiment volontaire, cou rageux, fincére, qui rend l'ame feconde, qui la fait profiter des grands exemples, & la porte fouvent au deffus de ce qu'elle admire ;& que celle-là au contraire eft un mouvement violent & comme un aveu contraint du mérite qui eft hors d'elle; qu'elle va même jufques à nier la vertu dans les fujets où elle exifte, ou qui forcée de la reconnoître, luy refufe les éloges ou luy envie les recompen

fes;

fes; une paffion fterile qui laiffe l'homme dans l'état où elle le trouve; qui le remplit de lui-même, de l'idée de fa reputa tion qui le rend froid & fec fur les actions ou fur les ouvrages d'autruy, qui fait qu'il s'étonne de voir dans le monde d'autres talens que les fiens, ou d'autres hommes avec les mêmes talens dont il fe pique vice honteux, & qui par fon excés rentre toûjours dans la vanité & dans la prefomption; & ne perfuade pas tant à celuy qui en eft bleffe, qu'il a plus d'es fprit, & de mérite que les autres, qu'il lui fait croire qu'il a lui feul de l'efprit & du merite.

L'émulation & la jaloufie ne fe rencon trent gueres que dans les perfonnes de mê me art, de mêmes talens, & de même condition, Les plus vils artifans font les plus fujets à la jalousie, ceux qui font pro feffion des arts liberaux ou des belles let tres, les Peintres, les Muficiens, les O rateurs, les Poëtes, tous ceux qui se mélent d'écrire ne devroient étre capables que d'émulation.kjur, watublog Toute jaloufie n'eft point exempte de quelque forte d'envie, & fouvent même ces deux paffions fe confondent. L'envie au contraire eft quelquefois, feparée de la jaloufie; comme eft celle qu'excitent dans notre ame les conditions fort éle vées au deffus de la nôtre les grandes

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fortunes, la faveur, le miniftere. -L'envie & la haine s'uniffent toûjours & fe fortifient l'une Pautré dans un même fujet; & elles ne font reconnoiffables entre elles, qu'en ce que l'une s'attache à la perfonne, l'autre à l'état & à la condi

tion.

Un homme d'efprit n'eft point jaloux d'un ouvrier qui a travaillé une bonne épée, ou d'un ftatuaire qui vient d'acheveru. ne belle figure: ififçait qu'il ya dans ces arts des réglés & une methode qu'on nedevine point, qu'il y a des outils à manier dont il ne connoit ny l'ufage, ny le nom, ny la figure; & illui fuffit de penfer qu'il n'a point fait l'apprentiffage d'un certain métier, pour fe confoler de n'y étre point maître, il peut au contrarre étre fufcepti ble d'envie & même de jaloufie contre un Miniftre & contre ceux qui gouvernent comme fi la raison & le bons fens quilui font communs avec eux, étoient les feuls inftrumens qui fervent à regir un Etat &à prefider aux affaires publiques: & qu'ils duffent fuppléer aux regles, aux preceptes, àl'experience.ng out

* L'on voit peu d'efprits entierement lourds & ftupides; l'on en voit encore moins qui folent fublimes & tranfcendans; le commun des hommes nage entre ces deux extrémitéz l'intervalle eft rempli par un grand nombre de talens ordinaires,